dimanche 14 février 2021

 

■ ACTU - Inceste - L’urgence d’agir

Depuis le 23 janvier, deux acteurs de la Protection de l’enfance coprésident la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Objectif ? Guider les travaux pour le recueil de la parole des victimes et émettre des recommandations aux pouvoirs publics en matière de protection.

« Si depuis des semaines, la parole des adultes victimes d’inceste se libère et qu’ils témoignent pour éviter à des enfants de subir le même crime, les mineurs eux, ne se sont pas davantage exprimés et les appels au 119 n’ont pas augmenté. Nous allons réfléchir à une politique de soutien qui leur permette de parler à un adulte quel qu’il soit et favoriser le repérage des abus sexuels intrafamiliaux  », souligne Nathalie Mathieu, directrice générale de l’association Docteurs Bru qui accueille des jeunes filles victimes de violences intrafamiliales à Agen (Lot et Garonne). Emmanuel Macron l’a nommée à la tête de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants avec Édouard Durand, vice-président chargé des fonctions de juge des enfants au Tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Levée d’un tabou

Le livre de Camille Kouchner La familia grande (Éd. du Seuil), véritable tsunami, a mis en lumière la réalité de l’inceste et donné naissance à des milliers de témoignages de victimes sur le réseau social Twitter via les mots-dièse #MeTooInceste et #MeTooGay. Ils dénoncent les failles du système judiciaire, comme le font depuis bien longtemps des associations comme Mémoire Traumatique et Victimologie, fondée par la psychiatre Muriel Salmona. Les chiffres liés à l’inceste font froid dans le dos. Selon l’enquête Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et les hommes (Virage), publiée en 2017 par l’Institut national d’études démographiques (Ined), une femme sur cinq et un homme sur huit ont subi des violences physiques, psychologiques ou sexuelles dans l’enfance. L’enquête de l’IPSOS réalisée en 2020 à la demande de l’association Face à l’inceste, souligne que 6,5 millions de personnes ont subi l’inceste. « Des chiffres qui méritent des analyses plus poussées en croisant ceux recueillis par les différents ministères prenant en compte les informations préoccupantes des hôpitaux et de l’Éducation nationale notamment », poursuit Nathalie Mathieu. En 2018, 70 % des 7 260 plaintes déposées ont été classées sans suite. « Pour quelles raisons ? Notre commission examinera tout cela pour mieux comprendre le fonctionnement de la Justice  ».

Action concertée

La Commission, abritée dans les locaux du ministère des Solidarités et de la santé, composée de six permanents, comptera une équipe pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle de vingt personnes : acteurs de la Protection de l’enfance, chercheurs (historiens, sociologues, anthropologues), praticiens (psychologues, psychiatres). Ils travailleront en groupes thématiques constitués de personnes- ressource (travailleurs sociaux, victimes, etc.) « Notre objectif n’est pas de produire un rapport dans deux ans, assure Nathalie Mathieu. Nous voulons apporter des éléments de réponse sur le terrain, mettre en place des actions concrètes. Nous bénéficions de moyens importants - 4 millions d’euros - et nous veillerons à garder une totale indépendance dans nos travaux. » Quid de la loi de 2018 qui prévoit une prescription de trente ans à la majorité de la victime d’inceste ? «  Elle fera bien entendu partie des réflexions. Auparavant, nous devons étudier son fonctionnement pour éventuellement proposer de la transformer ou de l’abroger. Nous ne nous interdirons rien. »
La Commission organisera un dispositif d’accompagnement de la prise de parole des victimes, permettant une orientation et un appui en lien avec les associations et structures concernées. Elle explorera plus en détail des sujets encore largement tabous comme la protection des enfants en situation de handicap. Elle mènera des travaux approfondis pour rendre le changement de société possible. Au programme notamment, la formation des professionnels travaillant auprès d’enfants ; l’appui et l’accompagnement de la prise de parole des victimes et des proches pour faciliter leur orientation vers des dispositifs d’aide.
Le 25 janvier, le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti et le secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, ont engagé une consultation pour approfondir les pistes qui permettront de renforcer la loi. Objectif ? Mieux punir les auteurs et rendre indéfendable l’idée qu’un enfant puisse consentir à une relation sexuelle avec un adulte. Les victimes pourront bénéficier d’un accompagnement psychologique intégralement pris en charge ; deux visites de dépistage et de prévention seront développées au primaire et au collège.

Des acteurs incontournables

Les syndicats représentant les assistants de service social (ASS) en faveur des élèves – surtout présents dans le secondaire du fait de manque de moyens -, acteurs incontournables dans la prévention de ces violences, le repérage, la protection et l’accompagnement des victimes, estiment insuffisante une sensibilisation des professionnels de l’Éducation nationale sans des moyens d’accompagnement massivement amplifiés. Ils réclament notamment un important plan de recrutement d’ASS pour garantir leur présence dans chaque établissement ; la création d’un service social en faveur des élèves dans le primaire et une campagne de communication forte pour mettre en lumière leurs missions.

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À retrouver dans Lien Social n°1142
Le dossier Inceste : quel accompagnement pour les mineurs ?

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À lire :
• Femme et mère après l’inceste
• Jour d’inceste
• Après l’inceste… Comment je me suis reconstruite

 

■ ACTU - Protection de l’enfance • Une loi annoncée

Lors du débat qui a suivi la diffusion du reportage sur les enfants placés dans Pièces à conviction le 27 janvier dernier, le secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, annonçait une future loi sur la protection de l’enfance. L’interdiction d’utiliser les hôtels pour y placer des enfants devrait en faire partie. Le cabinet d’Adrien Taquet nous apporte des explications supplémentaires : « Nous ne sommes pas complètement coupés des réalités et notre ambition n’est évidemment pas que tout ces jeunes hébergés aujourd’hui à l’hôtel se retrouvent demain à la rue ».

La loi prévoira donc deux exceptions : les mineurs non accompagnés en attente de l’évaluation de leur minorité et le « répit » pour des jeunes qui mettrait en difficulté l’équilibre d’un foyer. Le dernier rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) qui éclaire ces situations révèle que 95% de adolescents actuellement à l’hôtel sont des mineurs non accompagnés et les 5% restant des « cas complexes ».

L’Etat va-t-il compenser en créant de nouvelles places pour accueillir les 10000 mineurs, selon le même rapport Igas, actuellement à l’hôtel ? Le cabinet d’Adrien Taquet répond qu’un groupe d’appui aidera les départements à appliquer l’interdiction mais qu’il revient à ces derniers de créer des places. « Nous avons contractualisé avec les départements, 30 en 2020 et 40 nouveaux supplémentaires en 2021 et dans ce cadre de la contractualisation nous finançons avec les départements la création de places », explique l’entourage d’Adrien Taquet.

La future loi sur la protection de l’enfance imposera également des normes d’encadrement et des mesures contre les violences institutionnelles. « Nous voulons élargir le contrôle des antécédents de tous les adultes intervenant auprès de l’aide sociale à l’enfance », explique le cabinet qui prévoit en outre d’imposer aux établissements un « schéma de lutte contre la maltraitance ». Chaque structure devra indiquer un référent, extérieur à l’établissement, que les jeunes pourront interpeller en cas de problème. Le nouveau référentiel national « permettant de mieux évaluer la situation d’un enfant en danger » présenté par la Haute autorité de santé le 20 janvier dernier, sera un document d’appui pour « harmoniser les pratiques sur tout le territoire », indique le secrétariat d’Etat chargé de l’enfance et des familles.
Cette nouvelle loi devrait être présentée au Parlement avant la fin du premier semestre.

 

SOMMAIRE N° 3196

mardi 9 février 2021

 Sur fond de crise sanitaire pouvant apparaitre comme un nouveau défi à relever pour la protection de l’enfance, le CNFPT propose de repérer les avancées de cette stratégie nationale et également d’aborder la question de la contractualisation dans le département du Val d’Oise.

 

Le webinaire aura lieu le :

Vendredi 5 mars de 10 h à 12 h 


Il sera animé par 

Pierre Brice LEBRUN, enseignant en droit dans le secteur social et médicosocial

Flora AUTEFAGE, directrice adjointe de l’enfance, de la santé et de la famille du département du Val d’Oise

 

Pour assister au webinaire, connectez-vous directement au lien Abode ci-après : https://cnfpt-formation.adobeconnect.com/snppe/

dimanche 3 janvier 2021

 

  • res  
  • Jeunesse  
  • Albums 0-6 ans  
  • Comprendre 3-6 ans  
  • La vie quotidienne
  • Amandine (Broché)

    Amandine en famille d'accueil

     

    Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) : Introduction à la Communication NonViolente

     

    ■ ACTU - Jeunes majeurs • Baisse des prises en charge

    Une étude détaillée sur l’accompagnement des jeunes de l’aide sociale à l’enfance entre 16 et 21 ans, commandée par la direction générale de la cohésion sociale au cabinet Asdo dans le cadre du plan pauvreté, confirme la baisse du taux de prise en charge après 18 ans et les grandes disparités entre départements.

    Si les accueils provisoires jeunes majeurs (APJM), c’est-à-dire le placement, constituent encore le socle de l’accompagnement, le taux de prise en charge baisse. En 2018, seuls 36% des jeunes majeurs de 18 à 21 ans relevant de l’aide sociale à l’enfance obtiennent une prise en charge contre 56% cinq ans plus tôt. Cette moyenne cache de grandes différences entre territoires : certains départements offrent moins de 20% de prise en charge quand d’autres, minoritaires, en proposent plus de 60%. Des inégalités essentiellement liées aux « choix politiques des départements », observe l’étude, même si l’augmentation du nombre de jeunes éligibles à des contrats est une réalité, notamment des mineurs non accompagnés qui, dans 17 départements, représentent plus de la moitié des APJM. Le volume des APJM a donc bien augmenté dans 30% des départements mais moins que les demandes.

    Une aide « qui se mérite »

    L’étude observe des politiques plus ou moins restrictives d’accès aux contrats jeunes majeurs (CJM). De nombreuses collectivités imposent de justifier d’un projet étayé et d’une forte motivation. Le CJM n’est plus un droit mais une aide « qui se mérite » avec des contrats souvent très courts. Autre constat : la préparation à l’autonomie des jeunes entre 16 et 18 ans reste encore très inégalement organisée selon les départements. Et le revers de cette « préparation à l’autonomie », qui vise à accélérer l’indépendance financière, est qu’elle a souvent pour objectif de « limiter l’accès aux APJM », souligne l’étude.

    La volonté d’orienter ces jeunes vers des dispositifs de droit commun est fréquemment mise en avant « pour justifier la baisse de prise en charge des jeunes majeurs ». Mais sur le terrain, « seul un département sur dix a signé, comme le prévoit la loi de 2016, un protocole de coordination avec ses partenaires » en matière de logement, d’insertion professionnelle, de santé, etc. La prise de relais par le droit commun reste donc loin d’être effective et révèle le besoin d’un étayage spécifique pour ces jeunes.

     

    ■ ACTU - Justice des mineurs • Nouveau code

    Le code de justice pénale des mineurs passe aujourd’hui et demain devant l’assemblée nationale. Ce nouveau code remplaçant l’ordonnance de 45 passe en procédure accélérée, par ordonnance, et devrait entrer en vigueur au 31 mars 2021.

    Cette réforme provoque beaucoup de remous. Le texte rapproche, selon de nombreux professionnels, la justice des mineurs de celle des adultes. Dans une tribune publiée dans Le Monde du 2 décembre, 120 associations et personnalités s’alarment : « Ce projet a comme objectif affiché de juger toujours plus vite, au détriment du travail éducatif pourtant essentiel pour un enfant en délicatesse avec la loi ».

    Les professionnels s’inquiètent notamment de la nouvelle procédure dite de césure. Elle acte une première audience de culpabilité qui doit intervenir rapidement (10 jours à 3 mois) après le passage à l’acte suivi - si le mineur a été jugé coupable - d’une période de mise à l’épreuve de 6 à 9 mois où un travail éducatif doit être mené, pour finir par une seconde audience de sanction qui prononcera la peine. Cette nouvelle procédure, assure le rapporteur du texte, Jean Terlier, « est plus simple, plus rapide, plus lisible ». La période de mise à l’épreuve, poursuit le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, « redonne du sens au travail des éducateurs PJJ ».

    « Au contraire, affirment de nombreuses organisations comme l’observatoire international des prisons, le syndicat de la magistrature ou encore les syndicats des professionnels PJJ dans un communiqué commun, à l’exception de très maigres avancées, ce texte vient ancrer les politiques répressives à l’œuvre depuis plus de 20 ans sans qu’aucun bilan significatif n’en ait été préalablement tiré ». Et s’interroge : la délinquance juvénile n’a pas augmenté depuis 15 ans pourtant jamais la France n’a enfermé autant d’enfants.

    Les délais dans lesquels s’inscrit la nouvelle procédure de césure sont, selon eux, irréalistes et remettent en question « le temps éducatif nécessaire à l’évolution du jeune », juge le syndicat national des personnels de l’éducation et du social-PJJ. « Le délai entre les deux jugements ne pourra pas excéder 9 mois. Il est évident que sans moyens supplémentaires, ces délais ne seront pas tenables ». Et face à certains adolescents « pas suffisants pour investir la relation éducative qui leur permettra de progresser ».

    A son tour, la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’alarme d’une réforme « à marche forcée, sans réelle consultation préalable des principaux acteurs et qui va à l’encontre de l’obligation même de protection de l’Etat envers les mineurs ». L’Unicef engage la France à remettre l’éducatif au centre de la justice pénale des mineurs et rappelle que tout enfant en conflit avec la loi est un enfant en danger. Dans ce cadre, « la justice pénale des mineurs ne devrait être considérée que dans la continuité de la protection de l’enfance ».