Troubles du comportement
doc divers
P.Defradat
01/2011
* Résumé : Compte-rendu d'une intervention du Dr P.Defradat, psychiatre,auprès des AVS de Savoie
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Définitions
On
peut définir le comportement comme étant la manière
d'agir, la façon de se conduire dans la vie. Ce terme ne
concerne pas que l'espèce humaine; on peut aussi l'appliquer
aux animaux, et même aux objets physiques. C'est donc un terme
très général. Ce comportement peut donc être
troublé. Ce trouble peut être d'ordre quantitatif ou qualitatif.
Du
côté quantitatif,
le comportement peut être en excès ou en défaut.
Un comportement en excès va créer de l'agitation, de
l'instabilité, de l'agressivité, du bruit, de
l'hyperactivité; c'est souvent actuellement dans ce sens
restreint que l'on utilise ce terme de trouble du comportement ;
quelqu'un qui est agité va déranger: il va falloir le
calmer.
On
oublie trop souvent qu'un comportement par défaut est tout aussi problématique. Quelqu'un qui ne parle pas, qui
ne bouge pas, qui se fait oublier, qui est inhibé est tout
autant en souffrance que l'agité mais il ne dérange
pas. On va donc avoir tendance à sous-estimer l'importance de
son problème.
Le
trouble du comportement peut être qualitatif : Il s'agit alors d'une déviation, d'une inadaptation, d'une
inadéquation à la réalité, d'une
bizarrerie.
Les
perversions, le délire, la fabulation, les troubles
obsessionnels compulsifs, introduisent des comportements inadaptés,
inappropriés.
Le
trouble du comportement est un symptôme
En médecine, un symptôme
est un signe. Pris isolement, ce signe n'a aucune signification;
c'est seulement en l'associant à d'autres signes que l'on va
pouvoir diagnostiquer une maladie. Ainsi, un trouble du comportement
va pouvoir être le signe d'une maladie physique, organique,
cérébrale: Une tumeur du cerveau ou une maladie
d'Alzheimer vont donner des troubles du comportement. Mais il serait
excessif et faux de réduire tout trouble du comportement à
une maladie cérébrale ou neurologique. Les facteurs
psychologiques, affectifs, émotionnels, jouent un rôle
considérable dans le déclenchement des troubles du
comportement.
Il
y a une conséquence essentielle à cela : Face à
un trouble du comportement, on ne peut pas répondre de façon
univoque, automatique; il n'y a pas de recette, chaque cas est
différent. Il faut comprendre
– Que signifie ce symptôme ?
- De quoi cet enfant souffre t' il en
fait ?
- Qu'y a t' il au delà de son
symptôme ?
- De l'angoisse ? De la
dépression ? Du délire ?
Selon la nature de la souffrance
sous-jacente, la réponse n'est pas la même :
Un psychotique qui délire relève d'un traitement médicamenteux,
d'une protection, d'un apaisement, il est inutile de vouloir le
raisonner, puisque justement son raisonnement logique fait défaut.
Un enfant dépressif par contre sera sensible aux encouragements, au soutien affectif, à
l'attention qu'on lui porte. Un enfant caractériel sera
accessible à la sanction, à condition que cette
sanction soit une façon de l'introduire à la loi.
Les
troubles du comportement sont des pathologies de l'acte
L'action
vient prendre la place d'une pensée ou d'une parole;
ou plutôt c'est parce que la pensée et la parole ne sont
pas suffisamment développées que le moyen d'expression
favori est l'acte. L'acte a volontiers un caractère immédiat,
automatique, pulsionnel, non élaboré. Il faut bien
différencier l'action,
qui est le résultat d'une réflexion, d'une élaboration,
et le
passage à l'acte qui vient court-circuiter la pensée et la parole : Le passage
à l'acte ça peut être une fugue, une agression,
une tentative de suicide, une crise d'agitation.
On distingue habituellement 2 types
de passages à l'acte:
-
Le passage à l'acte proprement dit, qui est une sorte de décharge pulsionnelle dans laquelle le sujet est absent, et qui n'a aucun sens particulier.
-
L'acting out qui est une action impulsive qui vient prendre la place d'une parole, le sujet ayant été incapable de formuler verbalement son problème. On voit que le passage à l'acte est plus grave puisqu'il est totalement irraisonné, et de ce fait, il peut conduire à des actes mettant la vie en danger. L'acting out est plus limité, plus contenu, il peut être reprit dans l'après coup, pour en faire émerger le sens, pour dévoiler la parole qui a manqué à ce moment là.
On voit donc très clairement
l'articulation entre parole, pensée et acte. Toute pathologie
de l'acte va donc résulter d'un désordre entre ces 3
composants.
Que
faire face aux pathologies de l'acte?
Prenons
l'exemple de l'hyperactivité,
qui est un symptôme de plus en plus fréquent chez
l'enfant. Et d'abord tentons de comprendre. Certains en font un
trouble purement neurologique, cérébral: c'est
certainement abusif, même si un mauvais fonctionnement de la
chimie du cerveau peut s'observer dans ces cas là. Au-delà
du cerveau, il y a des émotions, la mémoire,
l'inconscient et pourquoi pas ce qu'on appelait auparavant l'âme.
Les enfants hyperactifs ont besoin de bouger sans arrêt, ne
peuvent pas se poser, s'arrêter. Pourquoi? C'est souvent une
manière de s'empêcher de penser, de réfléchir,
de ressentir. L'action permanente est une défense pour ne pas
prendre conscience. Conscience de quoi? Conscience de tout ce qui
dérange: Les problèmes, les souffrances, les
frustrations, la nécessité de grandir. C'est pourquoi
on dit souvent que l'hyperactivité est une défense contre la dépression.
Grandir c'est faire des deuils. Il semble que cette nécessité
soit de plus en plus mal supportée par les enfants comme par
les adultes.
Mais alors que faire concrètement,
comme on nous le demande souvent?
D'abord,
dans les cas les plus graves, il y a les médicaments,
qui permettent de contenir, d'apaiser, de poser, si possible sans
assommer. Mais ce n'est pas la panacée. Ce n'est qu'un
pis-aller. Et surtout, ça doit être utilisé dans
le sens de permettre l'accès à une réflexion, à
la parole, et non pas comme une chape de plomb venant anéantir
tout désir.
Ensuite,
il y a l'écoute, le regard, entendre ce qui se dit et parfois ce qui ne se dit pas, comprendre l'autre et le lui manifester. Être réellement compris,
ce n'est plus être seul, et c'est déjà être
à moitié guéri.
Enfin
il y a la parole,
mais aussi le
silence.
Savoir parler à bon escient, ni trop tôt ni trop tard.
Savoir se taire parfois. Ne pas vouloir à tout prix faire
parler. Respecter le silence de l'autre, respecter ses défenses.
Il parlera quand il le pourra.
Tout
ceci peut conduire à diminuer les actes, à ne plus être
dans des comportements,
mais simplement dans la vie. Ça demande du temps, de la
patience, de la persévérance. Il n'y a pas de méthode
rapide. Il faut du temps pour changer. Il faut pouvoir supporter les troubles parce qu'ils ne
vont pas s'arrêter du jour au lendemain. Notre expérience
en institution nous montre qu'au fil des années, notre
investissement auprès des enfants et des jeunes dont nous
avons la charge est payant. Imperceptiblement, un mieux-être se
fait jour, ils se réveillent, ils émergent. C'est
presque toujours une surprise. C'est ce qui nous permet de tenir.
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