lundi 28 mai 2018

livre

Jacques Trémintin

Les jardiniers de l’âme. Innover pour donner leur chance aux enfants en difficulté

Martine Roussel-Adam


2011, éd. JC Lattès, (343 p. ; 19 €) | Commander ce livre
Thème : Education

C’est à la suite d’un voyage en Inde et d’une rencontre avec les enfants des rues que l’auteure décide de changer d’existence. Renonçant à la gestion de ses entreprises, elle crée l’association Chemins d’enfance qui œuvre pour le bien-être des enfants en difficulté. Se faisant globe-trotter, Martine Roussel-Adam nous propose un tour du monde des actions innovantes. Et ce qu’elle nous décrit est véritablement passionnant. Les initiatives présentées sont d’une richesse et d’une ingéniosité assez exceptionnelles.
La France est représentée, entre autres, par le Rire médecin, cette troupe de clowns qui intervient dans trente-sept services hospitaliers de pédiatrie, aidant les petits malades à prendre de la distance avec une souffrance qui les coupe de l’imagination, leur meilleur allié, et les enferme dans un présent sans avenir. Si l’on franchit l’Atlantique, on retrouve l’étonnante expérience menée par Marie Gordon, au Canada : faire venir régulièrement un petit bébé avec l’un de ses parents, au sein d’une classe d’école, pour travailler sur l’empathie et faire baisser le degré d’agressivité. Le bambin étant trop jeune pour s’exprimer, les élèves ont pour mission de l’observer et d’essayer de comprendre ce qu’il ressent. Ils sont ensuite interrogés sur leurs propres émotions.
Plus au sud, en Colombie, il y a Felicity Sompson qui a conçu El Circo para todos, à destination des enfants les plus démunis, l’apprentissage des métiers du cirque permettant une socialisation alliant la rigueur de l’entraînement physique avec le plaisir. Au Venezuela voisin, José Antonio Abru mène, depuis 1979, un programme peu commun : permettre à tout enfant dès cinq ans de recevoir un instrument de musique et d’intégrer un orchestre : 350 000 en bénéficient chaque année. En traversant le pacifique, on gagne l’Inde, pays où l’association Nanban propose un espace à la fois ludique et d’entraide aux enfants des rues.
Le lecteur pourra découvrir encore bien d’autres initiatives, toutes partageant, au-delà de leur diversité et leur originalité, les mêmes ressorts : s’adresser aux enfants à partir de la sphère émotionnelle, créer les conditions de leur épanouissement, mobiliser leurs compétences, leur offrir un miroir positif en leur assurant une acceptation inconditionnelle, leur donner le goût d’exister, leur offrir la possibilité de redonner du sens à leur existence… Toutes ces actions sont marquées par des fragilités liées à la recherche de financement et ne pourront atteindre leur pleine efficacité qu’avec leur pérennisation. Mais elles tirent leur force de l’implication de la société civile et de l’investissement des populations au sein desquelles elles se déploient.

soirée débat de l'association

           le 07 juin 2018 dés 19h30  soirée débat  au Palais des         Congrés de Rochefort salle Pierre Loti




                               Accueillir en famille, une place pour chacun ?


  







Psychologues, éducateurs, chef de service, assistants familiaux, conjoints, enfants accueillis et accueillants débattront .


Nous vous attendons nombreux.



25 mai 2018

MNA : seul l’aspect comptable s’affine


Le 16 mai, après plusieurs mois de discussions, le bureau de l’Assemblée des départements de France (ADF) a fini par accepter les propositions du Premier ministre concernant le financement de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Il précise dans un communiqué que l’« État propose une aide concentrée sur la phase d’accueil et d’évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer plus 90 euros par jour pour l’hébergement pendant 14 jours puis 20 euros du 15e au 23e jour ».
Ce soutien financier s’accompagne d’une atténuation du dispositif « Cazeneuve » d’aide de 30 % des frais d’ASE au-delà de 13 008 mineurs. D’autre part, les membres du bureau prennent acte de l’accord du gouvernement de sortir les dépenses liées aux MNA des bases de calcul du plafond d’augmentation des dépenses de fonctionnement et souhaitent que cette décision soit rétroactive à 2015. Enfin, ils regrettent que cette proposition ne soit pas à la hauteur des attentes des départements et notamment de la charge financière qu’ils assument, soit 1,25 milliard d’euros en 2017.
20 euros = une chambre d’hôtel sans accompagnement
« La bonne nouvelle c’est que la prise en charge des mineurs non accompagnés reste de la responsabilité de l’Aide sociale à l’enfance et ne bascule pas vers le ministère de l’Intérieur comme on a pu le craindre, réagit Corine Torre, responsable de la mission France de Médecin sans frontière. Mais sur le fond, il n’y a rien. Il faudrait uniformiser les évaluations de minorités qui divergent énormément d’un département à l’autre, interdire les réévaluations et imposer, pour déterminer l’âge du jeune, une période d’observation d’au moins 20 jours dans un dispositif de protection, et non les 4 à 5 jours actuels avec un interrogatoire à charge. »
Elle regrette une approche purement comptable qui n’aborde pas l’aspect social, le bilan de santé, la scolarité… « Vingt euros, c’est une chambre d’hôtel pourrie sans accompagnement », résume-t-elle. Rencontrée en décembre par des associations de soutien aux exilés, la ministre des solidarités et de la santé avait pourtant affirmé sa responsabilité en termes de standardisation des évaluations et d’accès au soin. « J’espère qu’elle va présenter un vrai plan », poursuit Corinne Torre.
Un financement loin des réalités
De son côté, Violaine Husson de la Cimade constate qu’il reste une énorme marge de progression pour accueillir dignement ces jeunes. « On s’attendait à un prise en charge plus importante, parce que là on est très loin de la réalité des coûts. » Actuellement, l’État apporte une aide de 250 euros pendant 5 jours. Cette nouvelle proposition couvre 25 jours. « C’est déjà ça, mais dans la plupart des départements, l’évaluation a lieu après un mois et demi d’attente voire trois mois. En attendant, les jeunes sont livrés à eux-mêmes, et les conseils départementaux jouent sur le manque de moyens humains et financiers pour ne pas prendre en charge les MNA. »
L’association de défense des droits des étrangers souligne également que la dotation de l’État ne tient pas compte du temps nécessaire au recours. Actuellement, après avoir été débouté par une aide sociale à l’enfance cherchant à limiter les prises en charge faute de financement, un jeune sur deux obtient sa reconnaissance de minorité devant un juge. Un cercle vicieux que cette proposition ne va, a priori, pas enrayer. Et qui paye les tribunaux ?

mardi 15 mai 2018

27 avril 2018

Enfants confiés à l’ASE : un état des lieux


Instaurées en 2014, des commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles examinent les situations d’enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), pour qui il existe un risque de délaissement parental et/ou d’inadaptation du statut, en élaborant pour eux un projet de vie « sans perte de temps ». La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a entériné ces instances de veilles et d’orientation ; elles se réunissent tous les six mois et formulent un avis remis au Conseil Départemental et au juge quand celui ci est saisi.
À la demande de nombreux départements, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) et l’Agence française de l’adoption (AFA) ont travaillé à un recensement de ces commissions sur le territoire et livrent un état des lieux des dispositifs et des pratiques nationales.
Mise en place des commissions
Sur les 79 collectivités territoriales ayant répondu à l’enquête, une étude comparative est dressée entre les commissions préexistantes à la loi de 2016 et celles qui ont vu le jour après la loi afin d’en distinguer les évolutions et de dresser un bilan avec davantage de recul pour les commissions les plus anciennes. 28 départements avaient mis en place le dispositif avant 2016 et le font perdurer ; 34 départements sont en cours de mise en place de ce dispositif ; 17 n’ont pas de projets de commissions. La majorité des dispositifs privilégie la commission unique et s’est dotée d’un règlement intérieur ou prévoit de le faire. La moitié des départements possède un support d’aide à l’évaluation (grilles de repérages par exemple) ou une démarche de formation (journées thématiques), voire les deux.
État des lieux des pratiques
La loi de 2016 a clairement précisé la composition des commissions. Si les services de l’ASE et de l’adoption y sont représentés de manière constante, les magistrats, la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ou les associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE) y font leur entrée et les cadres éducatifs, médecins ou personnels paramédicaux y sont en nette augmentation. La présence du service accompagnant l’enfant et du référent éducatif au quotidien est validée par la majorité des commissions, et en augmentation depuis 2016. L’association de la famille ou d’un tiers digne de confiance reste en questionnement.
Aux deux motifs de saisines des commissions - risque de délaissement et inadaptation du statut - les départements sont favorables à la création d’un troisième motif concernant les enfants de moins de deux ans. Sachant que les saisines sont effectuées en quasi totalité par les départements eux mêmes ou par les professionnels impliqués dans l’accompagnement de l’enfant. Les commissions en place avant 2016 ont déclaré avoir examiné de 0 à 100 situations sur l’année 2016. Les professionnels notent une réelle augmentation des délégations ou retraits d’autorité parentale, des admissions comme pupilles de l’État et des tutelles. Ils regrettent le fait que, pour des enfants ayant eu un long parcours au sein de l’ASE, un changement de statut et de prise en charge n’ai pas pu être envisagé auparavant.
À la recherche d’efficience du dispositif
Pour les dispositifs créés avant 2016, les départements constatent qu’ils sont aujourd’hui bien acceptés et opérationnels et qu’une sensibilisation et une formation sont au préalable nécessaires auprès des professionnels concernés. Des résistances peuvent encore freiner la mise en place de commissions, mais aussi des difficultés d’organisation et la méconnaissance de ces dispositifs. Les conseils départementaux ont alors envisagé plusieurs réponses : la création de membres permanents et suppléants pour que toutes les professions soient représentées ; un rapprochement avec les institutions manquantes ; la possibilité de faire appel à des professionnels retraités ; la création d’une commission principale et de sous-commissions.
Au-delà des questions pratiques, ce sont des fondamentaux de la protection de l’enfance qui sont questionnés par la mise en place de ces commissions. Les notions de besoins, de statuts et de délaissement sont à clarifier et les professionnels de terrain doivent être formés pour une prise en charge plus homogène sur le territoire et une saisine adaptée des commissions. De même, la culture professionnelle qui favorise le maintien des liens familiaux et le soutien des fonctions parentales est remise en cause au regard de l’instabilité du parcours des enfants confiés à l’ASE.

30 avril 2018

Jean Cartry n’est plus

« C’est un pan de Lien Social qui s’en va… et un ami. » Ce sont les premiers mots d’André Jonis, fondateur de Lien Social, en réaction à l’annonce de la disparition de Jean Cartry, éducateur et écrivain, survenue hier matin 29 avril.
Jean Cartry écrivait dans nos colonnes depuis 1989. « Les travailleurs sociaux et les "psys" sont à mes yeux les héritiers des plombiers et des garagistes », disait-il. « Dans leur musette : le fer à ressouder les relations, l’huile des médiations, le trousseau de clefs de l’inconscient et la pince éducative à resserrer les boulons. »
L’équipe de Lien Social pleure l’un des siens.
14 mai 2018 

Violences sexuelles : débats houleux en vue à l’Assemblée nationale


Dans la France de 2018, il est encore possible pour un enfant de subir un viol sans que l’auteur présumé ne soit condamné. Car l’enfant doit toujours parvenir à prouver, comme un adulte, qu’il n’était pas consentant, qu’il n’a pas clairement dit « non » à son agresseur, qu’il a subi « une contrainte, une violence, une menace ou une surprise » comme le prévoit le code pénal. L’âge n’entre pas en ligne de compte.
La question des violences sexuelles sur mineurs fera partie des débats, à partir d’aujourd’hui en séance publique à l’Assemblée nationale, du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes décidé à la suite du mouvement #MeToo. Fin 2017, deux procès avaient indigné l’opinion : l’un à Pontoise, quand le parquet avait requalifié en « atteinte sexuelle » des faits de viol sur une fillette de onze ans, l’autre à Meaux qui avait abouti à l’acquittement d’un homme accusé de viol sur une enfant, onze ans elle aussi.
L’imbroglio du non-consentement
Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, avait donc à l’automne évoqué son intention d’instaurer une « présomption de non-consentement » pour les mineurs de moins de quinze ans. Mais, en raison d’un avis défavorable du Conseil d’État rendu en mars, le texte retoqué en commission la semaine dernière a supprimé cette mesure. Il prévoit simplement que « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ». Et renforce les peines pour les délits d’atteinte sexuelle sur les enfants de moins de quinze ans.
Un adulte ne touche pas à un enfant
De nombreuses associations critiquent vivement un texte trop timide, qui ne renverse pas la charge de la preuve vers l’adulte et risque de déqualifier le viol en simple délit pour « atteinte sexuelle ». L’ancien juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig en appelle à la raison, en lançant une pétition intitulée « Toute relation sexuelle avec un enfant est un crime ». Et argumente : « cette infraction spécifique que nous proposons couperait court aux débats actuels sur le viol. L’attitude de la victime ne doit pas être un élément constitutif de l’infraction. Un adulte ne touche pas à un enfant. Point-barre ! » Une autre pétition intitulée #LeViolestUnCrime, signée par des militantes féministes et des élus, a été lancée notamment par Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Sur son compte Twitter, il s’indigne : « 2018 : L’année où, en France, des parlementaires débattent pour savoir si pénétrer un·e enfant est un viol ou non. L’enfant victime que j’étais ne vous remercie pas."