samedi 23 décembre 2017

protection de l'enfance

La France a encore un long chemin à parcourir pour faire réellement appliquer les textes législatifs en matière de droits des enfants et des adolescents. Des progrès significatifs sont relevés, avec la mise en place du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants et la volonté du nouveau gouvernement de poursuivre ce travail de prévention.
Protection de l’enfance, premier motif de saisine
Mais des efforts restent à fournir concernant la Protection de l’enfance, premier motif de saisine du Défenseur des droits pour l’année 2016. Celui-ci pointe des manquements notables en matière d’éradication de la pauvreté chez les enfants, de prise en charge des mineurs non accompagnés et concernant la justice des mineurs. L’enjeu est enfin de rendre plus accessible au grand public la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, souvent méconnue, et de faire la promotion de « l’intérêt supérieur de l’enfant » souvent mal comprise.
Le Défenseur des droits donne l’alerte concernant les services de Protection maternelle et infantile (PMI) et la médecine scolaire, en péril par manque de moyens, pourtant indispensables pour les plus fragiles et dans les régions les plus touchées par la précarité. Parmi ces territoires, la Guyane et Mayotte, où les enfants rencontrent des difficultés administratives et financières empêchant les soins ou favorisant le renoncement.
Les failles de la politique de santé
Ces inégalités concernent également les enfants étrangers, vivants dans la rue, et les mineurs non accompagnés : le rapport demande à l’État de garantir l’affiliation à la Sécurité Sociale et de promouvoir des conditions de vie dignes. Enfants hospitalisés, handicapés, victimes de violences doivent être pris en charge selon leurs besoins spécifiques. Une recommandation propose par exemple de s’assurer de la prise en charge totale des soins pour les enfants handicapés.
Même si le droit à l’éducation à la sexualité n’est pas expressément formulé dans la CIDE, le Défenseur des droits encourage la France à conduire des actions en ce sens pour lutter contre les stéréotypes de sexe, d’identité, de genre et d’orientation sexuelle.
Le cadre réglementaire français est « suffisant » sur l’éducation à la sexualité mais son application reste à améliorer : l’approche est encore trop tournée sur des questions sanitaires et les outils utilisés ne sont pas adaptés. Associer les parents, former les acteurs et proposer un espace de libre parole aux jeunes restent des défis à relever.

article lien social

6 décembre 2017

Le sénateur et l’enfant : Silence on économise...


Le 8 novembre dernier, le Sénat adoptait un amendement pour supprimer le pécule versé aux enfants pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. Un pécule constitué d’une épargne des allocations de rentrée scolaire, année après année, et gérée par la Caisse des dépôts et consignations.
Sa suppression avait pour but de renflouer les caisses des départements. L’amendement a été (heureusement) rejeté par l’Assemblée Nationale. La création de ce pécule, était inscrite depuis le 14 mars 2016 dans le texte de loi relatif à la protection de l’enfant porté par Laurence Rossignol, ministre des familles de l’époque et figurait parmi les mesures phares de sa réforme.
Controverse
Il s’agissait de bloquer sur un compte les sommes dédiées jusqu’à majorité des jeunes concernés, afin de faciliter leur passage dans la vie adulte. Cette mesure ne s’est pas faite sans controverses. D’abord parce qu’elle entérinait la problématique du manque de financements pour les contrats jeunes majeurs.
Mais aussi parce que de nombreuses institutions et familles se retrouvaient tout à coup sans ressources pour assurer les frais vestimentaires et scolaires des enfants concernés. Pour beaucoup, cette mesure constituait donc un recul sur la qualité d’accompagnement des mineurs mais, recul encore, recul toujours…
Adulte, m’entends-tu ?
La velléité de supprimer l’existence de ce pécule pose une question de taille : la visibilité des enfants et adolescents pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance dans l’espace public et politique. Si les mineurs en général sont très peu, voire pas du tout entendus (en tant que voix politiques) dans notre société, il semblerait que les plus dépourvus d’entre eux le soient encore moins. Certes du fait de leur condition de mineurs, mais aussi par l’absence d’instances représentatives qui rend la question de la protection de l’enfance complètement obscure pour le grand public.
Ce qui pose problème ici, au-delà des difficultés qu’auraient pu engendrer la suppression de ce pécule, c’est bel et bien le silence assourdissant qui l’entoure, faisant des enfants placés une manne financière, malgré quelques résistances éparses.

article lien social





14 décembre 2017

Le décrochage scolaire marque le pas

Un net recul du taux de décrochage scolaire des jeunes en France : voilà l’enseignement du dernier état des lieux publié par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), avec le Centre international d’études pédagogiques (CIEP). Tous les indicateurs montrent que la lutte contre le décrochage porte ses fruits, grâce à une « impulsion européenne forte », à la continuité des politiques scolaires et à une forte mobilisation des acteurs impliqués depuis dix ans. Ainsi, en 2016, environ 450 000 jeunes de 18 à 24 ans ne sont pas ou peu diplômés et n’ont pas suivi de formation au cours de quatre dernières semaines, soit une baisse d’environ 100 000 jeunes par rapport à 2006. Les données clés montrent toutefois des inégalités territoriales très marquées, un écart qui se creuse entre diplômés et non diplômés, et désignent l’absentéisme comme le premier et principal indicateur du décrochage.
Prévention, intervention, compensation
Si en France la triple politique - prévention, intervention, compensation - est déjà mise en œuvre par les établissements, un coup d’œil sur les dispositifs proposés à l’étranger montre qu’il est possible d’aller plus loin. Au Danemark par exemple, les politiques publiques de la petite enfance et les dispositifs mis en place en concertation avec les acteurs de terrain permettent une meilleure qualité de l’enseignement avant six ans.
Sur le volet « intervention », la Finlande mise sur des assistants sociaux scolaires pour aider les élèves en difficulté et le Portugal intervient auprès « des jeunes à risque » en proposant un soutien psychologique. La compensation quant à elle permet de pouvoir raccrocher le système et d’obtenir des qualifications. En Irlande, le développement social et personnel est mis en avant pour favoriser l’estime de soi, l’autonomie et la citoyenneté tout au long de la vie.
Pour une politique globale
Parmi les solutions préconisées par le CNESCO : développer un sentiment d’appartenance à l’établissement, entrer en relation avec les parents les plus éloignés, améliorer le climat scolaire, créer des outils de repérage du décrochage. Le document présente des projets innovants en France comme à Montreuil où un dispositif permet de ne plus exclure les élèves des établissements et de leur proposer des solutions alternatives : débats autour de l’école, activités valorisantes, actions bénévoles, etc. Une école maternelle expérimente également des journées « portes ouvertes » avec des activités parents-enfants-enseignants.
Enfin, au Lycée des Possibles dans les Yvelines, une cinquantaine de jeunes peuvent reprendre une formation, accompagnés par une équipe éducative composée de professeurs, d’une psychologue, d’une assistante sociale et d’une infirmière.

mardi 19 décembre 2017

VIDEO

collectif ASE92 vient de partager une mise à jour sur la pétition BUZYN Agnès : Protection de l'Enfance en danger! Consultez la mise à jour et ajoutez un commentaire :
Mise à jour sur la pétition

Vidéo "La Protection de l'Enfance est en danger"

Bonjour à tous, Le combat continue! Nous venons de publier une vidéo pour alerter sur la situation actuelle du secteur de la Protection de l'Enfance. Partagez-la un maximum autour de vous! Merci de votre soutien!
Lire la mise à jour complète


lundi 18 décembre 2017

. L’importance du travail en équipe pour l’accueil familial 


Le référentiel professionnel des assistants familiaux, précisé par l’arrêté du 14 mars 2006, décline le rôle de l’assistant familial en quatre axes. Deux renvoient à l’accueil au quotidien de l’enfant, en garantissant une permanence relationnelle envers l’enfant et en s’assurant de sa bonne intégration au sein de la famille d’accueil. Les deux autres s’inscrivent dans le cadre d’une action collective de l’équipe pluridisciplinaire. Ils visent « à aider l’enfant à trouver ou retrouver un équilibre et à aller vers l’autonomie » et à l’accompagner dans ses relations avec sa propre famille. 
Ces deux missions nécessitent un partage d’informations avec a minima le référent de l’enfant. Ces informations échangées sont le fruit d’un travail réflexif mené par l’assistant familial sur ce que le cadre familial quotidien proposé induit sur le jeune accueilli. Pour que ce travail réflexif puisse avoir lieu et qu’il puisse ensuite servir d’éléments de réflexion pour l’équipe, il faut notamment que l’assistant familial soit encadré, reconnu et entendu et qu’une place à part entière lui soit accordée dans l’équipe. 
Le renforcement de la place des assistants familiaux dans les équipes a constitué une des principales motivations de la production législative concernant leur statut, en particulier par la loi de professionnalisation de 2005. Celle-ci a cherché à provoquer un réaménagement des positions de chacun (assistant familial, référent…) au sein des équipes, en en faisant un des principaux enjeux et défis actuels de l’évolution du placement familial : « Les relations famille d'accueil/institution ou service sont sans conteste l'un des enjeux importants du nouveau statut des assistantes familiales. Les travailleurs sociaux deviennent des cadres auxquels on demande un travail de supervision et d'encadrement pour lequel ils n'ont pas été préparés. Les assistantes familiales, les services et les travailleurs sociaux arriveront-ils à travailler en réel partenariat ? »

De nombreux départements ont accompagné ce mouvement en réorganisant leurs services (cf. partie précédente). Cependant, au-delà - ou en deçà - de l’aspect organisationnel, ces changements doivent, pour prendre sens, s’ancrer et se sédimenter dans les pratiques (principes techniques) et les représentations des acteurs (principes éthiques), en renforçant les liens entre collègues d’une même équipe. Or, selon Jean-Pierre Jouves : « la reconnaissance des assistants familiaux à leur juste place n’est pas encore totalement acquise du point de vue des administrations, du point de vue des intéressés eux-mêmes, du point de vue des équipes. »
L’objectif de cette partie est donc d’interroger les liens qui unissent les différents professionnels, les activités concrètes qu’ils mettent en œuvre, séparément et collectivement, et les outils dont ils disposent pour communiquer et se coordonner dans leurs activités respectives. En un mot, comment
                                                     

ces professionnels font-ils « équipe » ? Par quels mécanismes une équipe prend-t-elle forme et comment émerge-t-elle des actions disparates de chacun de ces membres ?
 
De nombreux travaux de psychologie et sociologie ont interrogé la notion « d’équipe pluridisciplinaire » dans le champ du social et du médico-social78. Au-delà des questions d’identité ou de statut de ces membres, l’analyse doit porter sur les mécanismes qui produisent un sentiment d’appartenance à une entité délimitée et reconnue comme telle, puisque, comme le souligne Bertrand Ravon, « l’équipe n’est pas un donné mais un construit »79 . Le travail d’équipe ou le « faire-équipe » ne découle pas mécaniquement de la mise en présence de différents acteurs et d’un protocole réglementant leurs relations de travail. 
Le travail d’équipe émerge concrètement lorsque celle-ci se trouve confrontée à une situation complexe et qu’elle réussit, par une réflexion conjointe autour des pratiques et des activités de chacun de ses membres, à développer une représentation et une position commune du mode de résolution de cette situation. 
Le « faire-équipe » passe donc par la possibilité d’exprimer des désaccords, d’accepter des dissensus pour ensuite, une fois la réflexion commune partagée, trouver des points d’accords qui positionnent l’équipe face à sa tâche et sa charge de travail. En résumé, « faire-équipe suppose l’exercice collectif d’une réflexivité critique»80.
Cet exercice doit se réaliser sur un territoire commun partagé par l’ensemble des acteurs, ce qui est compliqué par une particularité intrinsèque au dispositif de placement familial : l’espace géographique et symbolique dans lequel est située l’activité de travail des assistants familiaux. Les assistants familiaux travaillent, hors temps de réunion avec les autres membres de l’équipe, principalement « chez eux ». De fait, ils ne se situent pas sur un espace professionnel clairement délimité qu’ils partageraient avec leurs collègues. Cet éloignement participe d’invisibiliser le travail réel effectué par les assistants familiaux. Les référents et plus généralement l’ensemble des autres travailleurs sociaux méconnaissant le travail des assistants familiaux peuvent développer une certaine « suspicion » ou euphémisation sur la dimension « professionnelle » de leur activité et les requalifier en une simple « occupation », comme le confirment de nombreux témoignages apportés par les assistants familiaux et les référents ASE lors des visites de terrain. 
                                                     

Les assistants familiaux travaillent non seulement « chez eux » mais également « avec ce qui se passe chez eux », i.e. avec les personnes, l’agencement intérieur et les événements contingents qui nourrissent et animent la vie quotidienne dans leur sphère privée et domestique. S’insinue ici une « perméabilité entre les sphères professionnelle et privée » qui peut être, comme l’ont montré les travaux de Catherine Salvat, tout autant une ressource pour la pratique, notamment lorsque l’assistante familiale, puisant dans ses expériences personnelles, réussit à les sublimer pour apporter soin et attention à l’enfant accueilli, qu’un risque potentiel d’être confrontée à une surcharge émotionnelle. 
L’assistant familial doit donc enraciner son appartenance à une équipe professionnelle en prenant appui sur son environnement familial. Il prend, en outre paradoxalement, le risque de déstabiliser ce dernier par son activité professionnelle. Cette perméabilité, dont nous questionnerons les effets infra, peut engendrer clivages et conflits de loyauté, et complexifier un peu plus le travail et les opérations nécessaires à l’émergence d’un « faire-équipe ». 
Les représentations des départements sur le travail en équipe et ce qui doit être fait pour le consolider sont présentées dans les documents administratifs et réglementaires. Les propos des acteurs renvoient quant à eux aux actions réellement menées pour favoriser ce travail collectif et à leurs ressentis sur le déroulement. 
La lecture des documents administratifs permet de constater que les aspects relatifs au travail en équipe sont dispersés dans des documents de diverses natures (projet de service répartissant les tâches entre assistant familial, référent et psychologue ; fiche de poste assistant familial ; guide à destination des assistants familiaux, etc.). De plus, certains aspects du travail en équipe sont majoritairement discutés et développés (aspects réglementaires, hiérarchiques), alors que d’autres sont très souvent laissés en souffrance (aspects symboliques, cliniques)

article de revue

Enfances & Psy 2012/3

Conflits de loyauté, conflits d’appartenance : outils de la construction de l’enfant en accueil familial

parJanine Oxleydu même auteur
Janine Oxley, psychologue, psychothérapeute, ancienne directrice du placement familial thérapeutique Le relais Alésia, Paris.





« Je t’ai dessiné une maison »

1
C’est ainsi qu’un soir de consultation, une petite fille de 6 ans s’adressait au médecin responsable du placement familial thérapeutique. Accompagnée de son assistante familiale, en présence de son éducatrice, elle dessinait, avec beaucoup d’assurance, ce qui pouvait s’apparenter à sa vision de son avenir, de son espace interne, de son besoin de sécurité. La maison serait grande, nous expliquait-elle, avec des jolis rideaux aux fenêtres, une porte bien fermée, et deux étages, l’un pour sa famille d’accueil, l’autre pour ses parents. Elle se voyait se partager et circuler librement entre les deux familles, l’une à laquelle elle était reliée par filiation et par son histoire, l’autre à laquelle nous l’avions confiée en raison de difficultés psychiques de ses parents, qui ne lui permettaient pas de grandir sereinement auprès d’eux. Nous n’étions pas oubliés, elle nous accordait une place de choix : le niveau intermédiaire. Ce moment partagé avec cette enfant, apparemment banal, ne va pas de soi. Il témoigne du type de travail d’accompagnement de l’enfant et de sa famille, travail dans lequel, sur la base de la construction d’échanges réguliers, les uns et les autres peuvent parler des petites choses du quotidien qui sont la vie d’un placement familial. Qu’il s’agisse des familles ou des membres de l’équipe responsable de leur accompagnement, tous se sentent impliqués et acteurs d’un théâtre (au sens où Joyce McDougall a pu parler du « théâtre du je », 1982) ; la scène de l’institution du placement familial reproduisant les conflits internes à l’enfant. Les conflits de loyauté, d’appartenance, constituent une partie de la scène intime qui se rejoue pour l’enfant.
2
« Dieu gît dans les détails », écrivait Marie Depussé (1993) dans son livre sur la clinique de La Borde. C’est à travers des détails que s’expriment les conflits de loyauté : des rendez-vous manqués, des retours de week-ends où le cartable est oublié, le linge « mal » lavé, des veilles de rencontres avec les parents durant lesquelles l’enfant dort mal car cela le « travaille ». Comment accompagner et donner du sens aux chagrins bruyants et irrépressibles d’un enfant quittant sa famille d’accueil, qui interpelle les membres de l’équipe car il craint cette séparation, et qu’il faut par conséquent annuler le retour pour le week-end ? Comment entendre la mère du même enfant disant, deux jours plus tard, que l’enfant ne veut pas la quitter ? Bouleversée et… consolée par ses larmes, il ne lui est pas facile d’accepter que son enfant peut, à la fois, être triste de la quitter mais heureux, cependant, de retrouver son quotidien dans sa famille d’accueil.
3
Le rôle de l’institution est d’accompagner ces conflits, les reconnaître comme faisant partie de la dynamique vivante de l’accueil familial. Cela nous demande simultanément de reconnaître les motifs, le bien-fondé et les enjeux de la séparation, et d’être nous-mêmes au clair sur le fait qu’une séparation géographique n’est aucunement le garant d’une séparation psychique. Myriam David (1989) attirait notre attention sur la fragilité des enfants et des parents au moment du placement, et sur le risque pour eux, que la séparation, en l’absence d’accompagnement thérapeutique dans la durée, génère de la souffrance et provoque détresse et déchirure. Dans ces situations, les conflits deviennent mortifères et signent, dans les cas extrêmes, l’impossibilité de maintenir l’enfant dans sa famille d’accueil.
4
Notre engagement respectueux auprès des parents, leur parole entendue et prise en compte construisent peu à peu un espace où la confiance réciproque peut s’installer. Le plus souvent, cette ébauche d’alliance thérapeutique est au service du maintien de l’accueil de l’enfant, lui évitant ainsi des ruptures reproduisant pour lui le chaos de l’histoire de ses parents.

« Notre enfant, notre bien le plus précieux »

5
Les parents, bien que souvent dans la détresse suite à la décision de séparation avec leur enfant, ont rarement refusé de partager avec nous les attentes qu’ils avaient pour lui, et les valeurs auxquelles ils étaient attachés. Ils nous disaient à la fois que leur enfant était leur bien le plus précieux, mais que sa naissance, ravivant des traumatismes ou rompant un équilibre psychique précaire, les confrontait de façon permanente, dangereuse pour l’enfant, à des difficultés insurmontables. Celles-ci pouvaient les conduire au rejet, à la violence, ou à une non-prise en compte de ses besoins et de sa fragilité.
6
Nous soulignons cependant que le choix d’une autre famille que la leur, comme lieu de soin, est vécu par eux, de façon systématique, comme la preuve de leur disqualification. La jalousie et la rivalité avec la famille d’accueil, la peur que leur enfant « ne les aime plus », mais aussi l’envie, à peine déguisée, que l’on s’occupe d’eux comme de leur enfant, constituent le fond d’un tableau qui nous a permis peu à peu de saisir, à leur rythme, ce qu’ils n’ont pas connu pour eux-mêmes. Leurs manques, leurs angoisses d’abandon sont aggravés trop souvent par le poids des difficultés socioprofessionnelles et matérielles qui leur rendent la vie au quotidien impossible.
7
Au fil du temps, ils nous ont « contraints » à leur faire une place. En effet, par le passé, exclus des décisions concernant leur enfant, qu’il s’agisse des projets éducatifs, de soins, de l’orientation scolaire, ils « n’avaient pas leur mot à dire ». Des années plus tard, ils exprimaient le vécu d’un rapt de leur enfant par les services judiciaires et sociaux. Opposés la plupart du temps à la séparation, si celle-ci n’était ni préparée, ni élaborée en amont, ils la mettaient en échec. Cela nous a conduits à modifier notre pratique. Nous avons pu comprendre qu’ils attendaient de nous que nous les respections en tant que parents, mais aussi en tant qu’homme ou femme ne supportant pas d’être réduits à leur part de souffrance, qui les a conduits à échouer dans leur fonction de soutien, d’éducation et de protection de leur enfant. S’il leur était impossible, dans la majorité des situations, d’adhérer à la mesure de placement, ils acceptaient en revanche, « pour leur enfant », disaient-ils, de nous aider à mieux le comprendre, « pour qu’il vive mieux ».
8
Marthe Barraco et Martine Lamour (2001) ont finement décrit l’écart qu’il y a pour ces parents entre l’enfant du rêve et l’enfant du cauchemar. Le récit qu’ils peuvent faire de l’enfant imaginaire a toujours retenu toute notre attention. C’est à travers leurs attentes, sans rapport avec l’enfant réel, qu’ils nous permettent d’entrevoir l’enfant idéal qu’ils auraient aimé être pour leurs propres parents. Lors des premières rencontres, ces parents sont souvent dans l’impossibilité de parler des étapes du développement de leur enfant, des trous dans l’anamnèse signent l’existence de traumatismes, de dépressions et de décompensations psychiatriques graves. En revanche, les mères nous parlent de leur grossesse, nous donnant souvent une image précise de leur isolement, de leur angoisse et leur idéalisation de l’enfant à venir. Certaines mères donnent naissance à un nouvel enfant dans le cours du placement. Nous tentons alors de les soutenir dans ce moment capital pour l’enfant à naître, et pensons que, pour certains de ces bébés, il n’y aurait pas de fatalité de répétition de négligences ou autres maltraitances. Certaines mères s’appuient sur notre présence, jusqu’à nous appeler par téléphone depuis leur table de travail, à la surprise de certains médecins. Si nous ne sommes pas dans l’illusion de réparer quelque chose de leur parentalité, nous constatons néanmoins que notre soutien concret, notre attention à l’égard de ces parents, leur donnent parfois la preuve « qu’ils comptent pour nous » et qu’ils peuvent nous accorder leur confiance. « J’écoute ce que vous faites et non pas ce que vous dites, on m’a tellement menti… », est cependant énoncé, verbalisé, comme point de départ d’une confrontation avec nous. Le test de la fiabilité du cadre, consécutif à un non-respect de ce qui était convenu ensemble concernant leur enfant, permet alors aux uns et aux autres d’expérimenter qu’un désaccord ne mène pas forcément à la rupture.

« Est-ce que tu t’occupes aussi de mes parents ? »

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Les enfants manifestent toujours le besoin que nous prenions soin de leurs parents. Très jeunes, ils sont attentifs et sensibles à la façon que nous avons de parler d’eux, de les accueillir. Souvent parentifiés, ils se préoccupent de savoir comment leur parents peuvent survivre à leur éloignement : « Comment mange-t-il ? A-t-il une maison, un travail ? » Questions que nous sommes amenés à traduire par : « Est-ce que je peux m’installer dans ma famille d’accueil sans risquer ni de détruire mes parents, ni d’être abandonné ? » Il est difficile, pour un enfant, de vivre le sentiment de culpabilité, lié au fait qu’il se pense à l’origine de la mesure de séparation avec son ou ses parents. Mauvais objet persécuteur de ses parents, il accepte très précocément d’endosser ce rôle plutôt que d’être menacé d’abandon, c’est-à-dire renvoyé à une non-appartenance, au sentiment de néant. Aider un enfant à vivre la séparation, tout en respectant son besoin impératif de ne pas être coupé de ses racines, est un des enjeux majeurs de l’accueil familial.
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La problématique des liens parents-enfant, leur impact dans la construction psychique de l’enfant se posent au quotidien aux praticiens de l’accueil familial. Comment pouvons-nous comprendre et accueillir l’histoire qui s’est tissée entre eux, et qui fonde l’enfant, être de chair et de sang ?
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Comment reconnaître l’empreinte profonde et ambivalente qu’ils ont laissée en lui ? Quelle que soit la gravité des troubles, de façon très précoce l’enfant témoigne d’une infinie loyauté à l’égard de ses parents. Cette loyauté est d’autant plus intense que les liens d’attachement n’ont été ni sécures, ni satisfaisants. Myriam David (1989) insiste sur l’ensemble des troubles qui en résultent pour la construction psychique de l’enfant. La carence maternelle primaire est d’autant plus grave que, survenant très tôt dans la vie de l’enfant, elle provoque des pathologies durables. La prise en charge de ces troubles est difficile et compromet l’évolution de l’enfant. Maurice Berger (1997) a développé un concept similaire sous la dénomination de « pathologie du premier contact ».

« C’est insupportable, il pleure mais ne m’attendrit plus »

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Les familles d’accueil s’accordent à reconnaître leur difficulté à être en empathie avec les enfants qui souffrent de ces troubles ; ceux-ci deviennent plus marqués autour de 3 ans, âge des premières socialisations, de l’entrée en maternelle. Elles remarquent que le « côté bébé » très collé et demandeur, qui suscitait leur affection, ne les « attendrit » plus. Les soins corporels, la tendresse, l’accès à la communication par le langage, les apprentissages du vivre-ensemble sont mis à mal. Elles décrivent des pleurs qui ne les touchent pas, des aggrippements qui suscitent chez elles le désir de repousser l’enfant.
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Madame X décrit le bain de Paul. Jusqu’à récemment, c’était un moment privilégié, de plaisir partagé, la possibilité de s’occuper tendrement de l’enfant. Enveloppé dans une serviette, l’enfant aimait se faire câliner, chanter avec elle. Habituée à voir grandir des enfants, à accompagner leur évolution, leur capacité à prendre de la distance, à se différencier, elle est déroutée par son changement de comportement, voire choquée, comme si ce qu’elle avait pu apporter à l’enfant était peu à peu disqualifié par lui. Son excitation, d’ordre sexuel, lui montre un téléscopage entre la tendresse et la sensualité. Paul lui met la main aux fesses, la mord aux seins, tout contact corporel est traduit par lui de façon crue et érotisée. Madame X connaît les carences affectives de Paul ; elle reconnaît, dans l’excitation actuelle, la façon dont Paul était un bébé difficile à apaiser, réagissant très fort aux « rapprochés » de son assistante familiale. Elle évoque avec nous « le petit, tendu comme un arc », lorsqu’elle le prenait dans ses bras. À cette époque, en fin de journée, il pouvait hurler pendant des heures, présentant un tableau de désorganisation et de détresse. Le bain n’était pas du tout envisageable. En revanche, nous étions déconcertées par le changement d’attitude de Paul lors des rencontres avec sa mère. Il semblait avoir des repères, faits de sensations retrouvées. Secoué, jeté sur son épaule, son corps paraissait plus détendu. Il en était de même au son de sa voix. Nous apprenions à reconnaître l’empreinte de sa mère, la place qu’elle occupait dans les premières constructions de l’enfant, qui renvoyaient par ailleurs l’assistante familiale à un douloureux sentiment d’incompétence. Au cours d’entretiens, les situations quotidiennes prenaient sens pour elle, lui permettant de porter un nouveau regard sur Paul. L’accompagnement thérapeutique de cet enfant visait à mieux comprendre ce qu’il pouvait accepter ou non d’une relation avec quelqu’un d’autre que sa mère. Madame X, associée par nous à ce travail, nous apportait de précieux éléments d’observation. Attentive à l’enfant, elle avait la capacité de répondre à ses appels tout en prenant le temps nécessaire à l’établissement d’un autre type de liens.
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Si les relations des familles d’accueil et de l’équipe technique de l’accueil familial sont tissées d’une habitude de réfléchir ensemble, de ne pas se sentir menacées par le jugement ou le regard de l’autre, cela n’empêche ni les rivalités autour de l’enfant, ni les tendances à son appropriation.
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Le calme de Madame X, son affection indéfectible pour Paul, ont peu à peu apaisé l’enfant. La continuité et la fiabilité des soins semblaient produire une diminution des troubles. Leur réapparition signait la trace d’un dysfonctionnement précoce et des traumatismes difficilement élaborables par l’enfant. Nous constatons, simultanément, que la loyauté à l’égard de sa famille, elle, ne se dément pas. Il est de notre responsabilité que, retrouvant une place d’enfant dont les besoins fondamentaux sont pris en compte, à partir de son expérience de vie dans une autre famille que la sienne, d’autres liens, cette place ne l’emprisonne pas, ne l’empêche pas de construire.

Comment peut se construire le sentiment d’appartenance dans le cadre de la séparation ?

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Lors des états généraux organisés par l’afirem[1][1] Association française d’information et recherche sur... en 2005, Frédérique de Ona et Hélène Raemy (2007), responsables du placement familial thérapeutique, abordaient les questions autour de la séparation des enfants de leur milieu d’origine à partir de l’histoire de Jérôme, accueilli durant 17 ans au sein d’une même famille. Cette présentation illustre la façon dont Jérôme s’est inscrit dans son histoire familiale. Comment, sans avoir vécu auprès de ses parents, a-t-il pu construire avec eux un lien vivant d’appartenance ? Protégée de leur pathologie, cette « filiation historique », loin d’être naturelle, aura eu besoin du dispositif complexe du placement familial spécialisé (nommé actuellement accueil familial). Cette vignette clinique, reproduite avec leur autorisation, reflète de façon significative le travail accompli auprès des familles.
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« Il n’a jamais été simple de communiquer avec Jérôme, enfant. Il ne demandait rien, et nous renvoyait l’idée que le service le dérangeait dans le cours de sa vie se partageant entre sa famille d’accueil la semaine, et les week-ends alternés entre ses familles grand-paternelle et grand-maternelle. Réticent avec sa référente lors des visites dans la famille d’accueil, ne livrant rien dans ses entretiens avec la psychiatre, il maintenait une distance que nous respections, tout en l’assurant par notre présence de notre attention et de notre engagement auprès de lui. Son évolution pourrait être illustrée sur la base d’identifications en mosaïque. On y retrouvait ce qu’il pouvait s’approprier de ses parents, comme de sa famille d’accueil. La majorité des enfants accueillis dans notre institution souffrent de « déficit » en famille, ce n’était pas le cas pour lui : durant toutes les années de son accueil, il a été en lien avec sa famille, élargie aux oncles, tantes et cousins…
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« Nous avons rencontré Jérôme pour la première fois à l’âge de 8 mois. Assis à l’extrémité des genoux de sa mère, il lui tourne le dos. Ses grands-parents maternels vivent comme une tragédie la maladie mentale de leur plus jeune fille. Elle sème désordre et angoisse dans cette famille de bon niveau socio-économique et soudée. Elle met à mal leur idéal de réussite. Jérôme est aussi le fils d’un brillant mathématicien, héritier lui-même de la psychose maniaco-dépressive de son père.
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« Le risque fantasmé de la maladie génétique est évoqué lors de cette rencontre. Le petit fuit dans le sommeil, il est difficile à aborder et ne s’anime qu’au son de la voix de sa grand-mère paternelle. Nous apprendrons par la suite que, par crainte d’indisposer la mère de Jérôme, elle le prend peu dans ses bras, mais crée pour lui un berceau rassurant avec sa voix, elle le câline avec des mots, des chansons… D’emblée, se crée une alliance entre cette grand-mère et la famille d’accueil. Il arrive certains soirs que, les pleurs du petit ne pouvant être apaisés par la famille d’accueil, celle-ci appelle la grand-mère qui apaise Jérôme en lui parlant. Tout au long du placement, elle sera l’élément stable pour Jérôme. À la mort accidentelle de sa mère, Jérôme a 4 ans. Sa tante maternelle se mobilise en vue d’une adoption, qui semble impossible à accepter par le père. La famille d’accueil soutient l’enfant dans ces moments douloureux où, à nouveau, il se fait mal physiquement, tombe, se blesse et se trouve envahi par l’angoisse. À l’âge de 7 ans, la demande de Jérôme de rester dans sa famille d’accueil est entendue et prise en compte par le juge. Investi dans celle-ci, il s’y sent aimé et soutenu, mais c’est avec force qu’il affirme : “Je suis un A et aussi un B”, du nom de ses deux lignées. Ses constructions sophistiquées sont le reflet d’une élaboration de la complexité des objets identificatoires qui lui sont proposés, et parmi lesquelles la famille d’accueil a largement sa place. Tout au long de son accueil, Jérôme nous montre l’ouverture que lui offre sa double appartenance : affective à la famille d’accueil, intellectuelle et symbolique à sa famille d’origine. Est-il utile d’insister sur le fait que la fonction structurante de la famille d’accueil, dans ce qu’elle offre de support identificatoire, doit aussi permettre à l’enfant de se créer un “espace potentiel” (Winnicott, 1971) ? Pour cela, l’inscription de la famille d’accueil au sein d’une équipe thérapeutique est nécessaire : le dispositif institutionnel permet, autant que faire se peut, “d’éviter le collage, d’ajouter du tiers en accompagnant et donnant du sens à des inévitables mouvements destructeurs” (Winnicott, 1971).
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« Lors de la fête organisée à l’occasion de son départ du service, Jérôme est heureux de nous faire une surprise : il installe sur l’ordinateur des images fractales, et jubile de nous éclairer sur la complexité de ces fonctions mathématiques. Entouré de son père informaticien, de son oncle chercheur et de son grand-père maternel ingénieur, il nous initie aux fractales, qui à l’image de son parcours, intègrent de nombreuses variables, s’articulant, s’intègrant les unes aux autres sur des modes différents… » (De Ona et Raemy, 2007).
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La spécificité du placement familial réside dans la souplesse et le « sur-mesure » de chaque accompagnement et de chaque prise en charge. Il est proposé à l’enfant souffrant de difficultés multiples de bénéficier de soins dans un cadre apparemment simple et évident : le partage de la vie quotidienne, dans une famille agréée, recrutée, et formée pour l’accueillir. Il est bien entendu que la professionnalisation des familles d’accueil n’empêchera jamais les affects de circuler, la communication profonde avec l’enfant en témoigne. L’expérience de l’accueil de l’enfant dans un espace privé qui est aussi le lieu de son travail ne devrait jamais devenir ni formatable ni banale. Les parents de l’enfant, longtemps tenus à distance, voire éliminés de l’espace du placement familial, y ont maintenant pleine part. Afin que cela soit rendu possible, le renoncement des professionnels à la toute-puissance est nécessaire. Le professionnel « sachant » ce que devrait être un bon parent fonctionne trop souvent dans le déni de ce qui s’est construit entre un enfant et ses parents, qui lui laissent pourtant une empreinte signant son appartenance. En revanche, nous ne pouvons faire fi de ce qui a rendu impossible la vie de leur enfant auprès d’eux, de leurs difficultés internes compromettant profondément et durablement son développement (David, 1989).

Qu’en est-il de la parentalité chez d’anciens enfants placés devenus adultes ?

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Une recherche auprès de jeunes adultes dont certains sont devenus parents a démarré en 2004. Nous nous posions la question de l’impact, sur leur vie d’adulte, de leur vie en famille d’accueil, de leur affiliation et de leur identification à celle-ci, de leurs liens avec leurs parents. Étaient-ils toujours en relation avec leur famille d’accueil ? Avaient-ils un travail, des amis ? Quelles étaient leurs valeurs, souhaitaient-ils fonder une famille ? Sur quel modèle ? La Fondation de France et l’uriops[2][2] Union régionale interfédérale des œuvres et organismes... étaient intéressées par la double approche historique et sociologique de cette recherche (non publiée à ce jour). La majorité de ceux qui ont accepté de rencontrer l’historienne et la sociologue étaient toujours en lien avec leur famille d’accueil. Toutes les études sur le sujet du devenir des enfants placés concordent sur ce point : la stabilité de l’accueil dans un cadre familial soutenant et respectant les origines de l’enfant est favorable à son évolution. Le suivi des parents nous est d’emblée apparu comme nécessaire. Nous faisions l’hypothèse que maintenir vivante leur histoire, partager une réflexion à partir de leur vécu et de leur expérience de la séparation permettraient aux uns et aux autres de réduire l’idéalisation et de mieux s’accepter avec ses limites, tout en reconnaissant ses capacités. Le désengagement de l’emprise parentale, permettant à l’enfant de se positionner comme sujet, impliquait un travail psychique difficile pour tous, familles et professionnels. Michelle Rouyer, médecin responsable, insistait sur l’importance d’exclure tout pronostic idéalisé ou dépréciateur en faisant confiance au temps et à l’expérience, pour l’enfant, d’un nouveau mode de vie avec de nouveaux repères (vécus très souvent douloureusement par les parents).
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L’existence de la maladie mentale des parents a toujours été reconnue. Il nous a fallu très tôt expliquer à l’enfant que son parent était malade. Lui dire, avec des mots adaptés à son âge, ce qu’était cette maladie demandait du tact et du respect. Tous en ont souffert et ont craint à l’adolescence de porter en eux la folie de leur(s) parent(s). Cependant, la maladie mentale n’a pas empêché certains parents d’avoir le souci du bien-être de leur enfant. La reconnaissance par l’enfant de la psychose parentale permet de le dégager de la culpabilité d’avoir été placé parce qu’il était mauvais. Des années plus tard, ces enfants devenus adultes témoigneront du fait qu’ils ont perçu, à travers les rencontres, l’existence qu’ils avaient pour leur parent. La lecture sous anonymat de leurs interviews nous a donné le sentiment de leur avoir permis de devenir majoritairement acteurs de leur vie…
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En guise de conclusion, j’évoquerai Madame D. Nous avions demandé à cette mère, artiste peintre, dont les études aux Beaux-Arts ont été interrompues par l’irruption brutale de la maladie mentale, de réaliser la couverture du contrat d’accueil du placement familial thérapeutique. Sa fille était très fière qu’elle réalise ce travail. Pour l’une comme pour l’autre, elle avait réussi à représenter l’effort à réaliser afin que des conflits de loyauté ne conduisent pas l’enfant à des clivages destructeurs pour lui. Trois maisons représentant, l’une les parents, l’autre la famille qui accueille, et la troisième l’institution de l’accueil familial, occupent l’espace de la feuille. Des chemins à partir de ces maisons, se dirigent les uns vers les autres, mais les parents et les familles d’accueil respectent réciproquement leur espace privé. En revanche, tout le monde a accès à l’institution. Sur le toit de celle-ci, une colombe est posée avec une branche d’olivier. Elle veille au maintien de la paix, elle veille à ce que l’enfant, représenté par un oiseau, puisse voler, libre, de l’une à l’autre.

samedi 16 décembre 2017

Les parents dans le cadre de l'accueil familial

La lettre de l'enfance et de l'adolescence 2001/4

Y a-t-il une place pour les parents en placement familial ?







Un audit a récemment été effectué pour l’association dans laquelle je travaille. C’est ainsi qu’est apparu le terme « usager ». Il qualifiait tous les interlocuteurs potentiels des services de l’association : enfant, parent, travailleur social, juge… Sont ainsi confondus sous une appellation identique des personnes et des services dont les rapports avec l’institution sont pourtant divers, ne serait-ce que sur la question de la demande (au sens trivial de l’expression d’un souhait). Or qui est demandeur à l’égard d’un placement familial ? Rarement l’enfant, encore plus rarement les parents. Des professionnels mandatés par des services spécifiques tels que l’ase, un service d’aemo, le tribunal pour enfants, parfois un cmp sont les vecteurs d’une demande qui concernera l’enfant et sa famille. Ceux-ci deviendront alors des utilisateurs plus ou moins contraints. Une première distinction se dessine donc entre des « usagers-demandeurs » et des « usagers-utilisateurs ». Les tensions et les conflits qui naîtront de cette différence de statut seront l’objet même du travail des éducateurs qui accompagnent l’enfant. Ce travail permettra parfois, à partir de cette contrainte, qu’advienne ultérieurement une autre demande, portée par les parents cette fois, au sens où demander, c’est « trouver les mots qui seront audibles par l’autre [1][1]  Dictionnaire de la psychanalyse, Larousse, article... », c’est vouloir être reconnu par l’autre.
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L’emploi du mot « usager » dans le champ de la protection de l’enfant ouvre une autre question liée au sens juridique du mot : l’usager est celui « qui a un droit réel d’usage [2][2]  Petit Robert.  ». Les parents de l’enfant placé pourraient alors être considérés comme des sujets pouvant faire valoir leur droit d’être satisfaits. Cette notion de satisfaction, ainsi mise au premier plan, introduit d’autres interrogations. Un service, un travailleur social doivent-ils mettre au centre de leurs objectifs la satisfaction des parents de l’enfant qu’ils accueillent ? Ou pour le dire plus crûment, sommes-nous là pour satisfaire les parents ? La demande confère à celui qui la porte sa qualité de sujet. Mais la considérer sous l’angle de la satisfaction renvoie à la catégorie du besoin, à l’impérieuse nécessité d’une réponse, au principe de plaisir et ainsi au plan pulsionnel des rapports objectaux. Les paroles, reproches, requêtes, commentaires des parents, s’ils sont entendus comme des demandes à satisfaire, risquent de perdre leur qualité première : support et représentation d’une relation intersubjective.
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Les parents d’un enfant placé peuvent-ils être considérés comme des « usagers » d’un placement familial ? Dans mon service, l’expression n’a pas pris. Au-delà du discours des « auditeurs », je n’ai jamais entendu personne la reprendre. Mais il serait dommage de condamner avec l’expression littérale ce qu’elle nous amène à penser de la place qui est faite, dans le travail social, éducatif ou thérapeutique, aux parents de l’enfant accueilli en placement familial. Il y a, dans le terme même, l’idée d’interlocuteur, car « usager » signifie aussi : « Utilisateur d’une langue [3][3]  Ibid. . » Cette place de locuteur, de « sujet parlant », la reconnaît-on ?
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Au cours des rencontres avec une mère (parfois un père), il est fréquent que celle-ci évoque le sentiment d’avoir perdu sa place auprès de son enfant et la crainte de ne plus jamais pouvoir se sentir mère à nouveau. Le placement familial est le lieu de la suppléance parentale, il représente le stigmate de la défaillance des parents. Le retour de l’enfant, sans cesse évoqué, sans cesse réclamé, correspond à cette demande de réparation narcissique. La souffrance qui s’exprime alors est aiguë et, sur un plan imaginaire, l’enfant peut représenter un enjeu vital.

« On travaille avec la famille »

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N’est-elle pas énigmatique cette expression qui est parfois formulée sous une forme interrogative, ce qui a le mérite de souligner la complexité du problème posé ? « Comment travailler avec les parents (de l’enfant placé) ? » Et chacun dans l’équipe, convaincu de la justesse d’une telle position, va tenter de mettre en place des dispositifs, des réunions, des rencontres qui sont autant de signaux visibles montrant que l’« on travaille avec les parents ». Parmi les expressions du prêt-à-penser socio-éducatif, celle-ci me semble relever de ce qu’Arlette Pellé a nommé « énoncé-fétiche [4][4] Arlette Pellé, « Le travail d’équipe », L’Art d’accompagner... ». Il s’agit de construction langagière syncrétique qui, par-delà une signification apparente, a pour fonction de produire du consensuel dans l’équipe, et pour effet, par l’abrasion des positions conflictuelles, de barrer les représentations et le travail de pensée de chacun. Car c’est de nouveau la part de subjectivité de la rencontre (parent-professionnel ou parent-enfant) qui fait les frais de ces expressions, de ces pensées préfabriquées.
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Au cours d’une formation, un groupe d’éducateurs travaille sur le moment de l’accueil de l’enfant. Un documentaire est présenté. On y voit un adolescent accompagné par ses parents qui rencontre un chef de service puis un éducateur de l’institution dans laquelle il va être accueilli. La parole est lisse, le discours bienveillant, la visite et les explications se font sur un ton enjoué, mais pas trop. Chacun paraît soucieux de tenir au mieux son rôle. Rien à dire, semble-t-il. Après le film, les premiers commentaires adoptent la même tonalité : « c’est bien », « c’est ce qu’on essaie de faire », « c’est comme cela quand tout va bien »… Et pourtant ! Les éducateurs restituent un sentiment de malaise qui ne sera dissipé qu’au moment où l’une des personnes du groupe souligne ce qui lui apparaît comme une incongruité : « On leur demande beaucoup à ces gens : d’être d’accord avec le placement, d’être présents au moment où la séparation se matérialise, d’être polis et d’accord avec ce qui leur est dit. »
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Ce n’est qu’après cette remarque que pourront être abordées dans le groupe les différentes facettes de certains actes qui, bien que pensés comme éducatifs ou bénéfiques, portent en eux un tel désir de maîtrise qu’ils peuvent conduire à un écrasement du sujet, en lui interdisant par exemple des émotions ou des réactions non conformes ou excessives de colère, d’agressivité ou de souffrance. Donner une place à l’autre peut être illusoire s’il s’agit de lui attribuer un rôle à tenir au lieu de lui ménager un espace pour une parole singulière.
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Dans le discours et le travail des professionnels, les parents sont présents : « l’objectif d’un placement, c’est le retour en famille » ; « le placement n’a pas de sens si on ne travaille pas avec les parents » ; « l’enfant doit faire avec ses parents tels qu’ils sont »… Ces différents énoncés, par leur caractère inquestionnable (« c’est la loi », « c’est notre mandat »…), fonctionnent comme tenant lieu de loi [5][5]  Ibid., p. 181.. Ils relèvent parfois plus d’une idéologie du lien que d’une analyse de ce que vivent l’enfant et ses parents. Selon Maurice Berger, il s’agit d’une identification « à la souffrance des parents séparés de leur enfant au détriment de l’identification à la souffrance et à la terreur ressenties par l’enfant en leur présence [6][6] Maurice Berger, L’Enfant et la souffrance de la séparation,... ». « La seule personne habilitée à éduquer l’enfant est le parent [7][7]  ash du 27 avril 2001, p. 29. », a-t-on lu récemment dans un article consacré à la parentalité dans le cadre de la protection de l’enfant. Mais l’intervention sociale, surtout quand il s’agit d’un placement, est par nature même une ingérence, un accroc au lien institué entre parents et enfant. D’autres adultes sont habilités pour décider à la place et parfois contre l’avis des parents. Cette violence faite à l’autorité parentale et à la façon dont elle s’exerce au quotidien est largement reconnue par les professionnels. L’effort pour restaurer, maintenir ou susciter le lien parent-enfant ne relève pas seulement d’un déni de la souffrance de l’enfant en leur présence, mais correspond au désir de faire taire la souffrance de ce dernier confrontée à la séparation.
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Les projets de service, les actions des professionnels comme leurs discours illustrent ce souci « de ne pas oublier » les parents : rencontre au moment des admissions, présentation de la famille d’accueil, envoi des bulletins scolaires, appel quand un enfant est malade, rendez-vous avec le thérapeute, avec les enseignants. Certains ont ainsi pour un même enfant tellement d’interlocuteurs qu’ils pourraient ne pas s’y retrouver : assistante maternelle, éducateur du placement familial, père et/ou mère… Il faut reconnaître qu’en la matière, on revient de loin et qu’il y a peu de temps, certains professionnels signaient, écrivaient ou décidaient sans que les parents soient même informés.

Une place de mère ? (ou l’art de se laisser surprendre)

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Un indice révélateur de l’instauration d’une relation où l’intersubjectivité a sa place peut être donné par les réactions contre-transférentielles qui traversent parfois les entretiens et les réunions. Dans le ronronnement des réflexions familières, elles constituent des ponctuations qui scandent le fil des discours. Comme les lapsus, c’est leur caractère imprévisible qui en fait de véritables fenêtres sur les représentations inconscientes. Être surpris par un mot, un geste, une attitude permet parfois de modifier la façon d’écouter l’autre.
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Je reçois madame D. dont la fille Blandine, 8 ans, est confiée à l’une des familles d’accueil de notre service depuis trois ans.
Moi : Bonjour madame D.
Elle (agacée) : Pas madame D., madame B. !
Moi : Ah ! Oui, c’est vrai, j’ai appris que vous vous êtes mariée.
Elle : Oui et je ne sais pas comment lui dire à Blandine.
Moi : Comment lui dire quoi ?
Elle : Qu’elle va avoir une autre petite sœur.
(Je pense : encore ! en regardant Momo, 3 ans et Zaza, 11 mois, qui l’accompagnent.)
Moi : C’est difficile de lui dire ?
Elle : J’ai peur de sa réaction.
Moi : Vous avez peur de quoi ?
Elle : … C’est parce que je ne l’ai pas invitée au mariage…
C’est le mot « invitée » qui a interrompu, pour un temps, le cours de cet étrange dialogue. Car m’apparaît alors la désorganisation psychique de cette mère, son dénuement affectif, ainsi que la difficulté dans laquelle la met constamment notre volonté de construire un cadre pour qu’elle se sente mère de Blandine. Bien sûr, madame B. parle sans cesse du moment où elle reprendra sa fille ; bien sûr, elle est très régulièrement présente aux visites instaurées dans le service et cela malgré l’éloignement de son domicile. Mais ce jour-là, c’est autre chose que j’entends. La peur qu’elle éprouve dans le face-à-face avec sa fille, l’état confusionnel dans lequel elle plonge presque à chaque visite et qui se manifeste par une excitation croissante, une difficulté à s’adresser à sa fille. Ce jour-là, elle est même dans l’incapacité de distinguer deux éducatrices qu’elle côtoie depuis plusieurs années. Les rencontres telles qu’elles sont organisées jusque-là ne produisent pas du lien mais renforcent son angoisse, sa fragilité narcissique.
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Une fois remise de ma surprise, l’entretien prend un autre cours. Elle pourra évoquer les motifs de sa peur. Voir Blandine, c’est risquer de voir resurgir un passé qui continue de l’effrayer : la violence de son premier mari, l’incapacité de protéger sa fille, la fuite du domicile familial, le placement de Blandine en pouponnière.

Le placement familial, un lieu pour (re)trouver le père ?

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Le travail en placement familial se préoccupe du lien maternel (pour le restaurer, le maintenir ou y introduire du tiers) et de la place du père (pour la rétablir). La question de la reconnaissance d’une place pour chaque parent se pose dès les premiers temps, au moment de l’admission de l’enfant. Qui est reçu dans le service ? Pour un enfant dont les parents sont séparés, la réponse n’est jamais simple. La mère est toujours conviée car souvent l’enfant vit avec elle. Le père, toujours cité, est de plus en plus invité à rencontrer les éducateurs du service. Les verra- t-on ensemble ou séparément ? Dans les situations de recomposition familiale, les choses se compliquent alors. Le beau-père est-il reçu ? Il vit auprès de l’enfant, assure une certaine figure de père au quotidien, mais il est aussi parfois stigmatisé, impliqué dans les motifs du placement (conflits dus à une mésentente ou à une maltraitance avérée). De plus, il semble difficile au moment où est rappelé le père de l’enfant, ramenant au premier plan le lien de filiation, de solliciter au même moment le beau-père. Quant à la compagne du père, elle est à peine évoquée, dans cette période qui précède l’arrivée de l’enfant, surtout s’il ne vit pas avec son père.
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L’ensemble de ces questions liminaires et la façon dont s’organisent les réponses, en fonction des éléments connus pour chaque situation, représentent déjà un indice de la complexité des liens familiaux, mais aussi de la prévalence de certains présupposés des travailleurs sociaux concernant la famille (le rôle qui est attendu de ses différents membres), la signification attribuée à la mesure de placement, et aussi la finalité du travail éducatif à accomplir. Ces premiers contacts sont importants car ils ont aussi des effets imprévisibles. Ce qui pourrait n’être qu’une mise en scène du « travail avec les parents » devient alors une rencontre où les relations (père/enfant, mère/enfant, père/mère) peuvent se nouer autrement.
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Deux frères sont accueillis en urgence en internat puis en famille d’accueil après une mesure d’aemo mise en place en raison des relations violentes (humiliations, punitions disproportionnées, menaces) imposées par le compagnon de la mère. Les enfants semblent terrorisés. L’aîné déploie des efforts de séduction très importants et s’effondre dès qu’il ne se sent pas digne de ce qu’il croit être attendu de lui. La mesure de placement accorde une grande place aux sorties avec la mère, le beau-père continuant d’exercer à l’égard des deux garçons son emprise violente. L’aemo telle qu’elle s’était exercée avait mis au premier plan la mère, essayant de l’aider à soutenir et à protéger ses enfants face à son compagnon (avec lequel elle a aussi un troisième enfant). Le père avait été sollicité, mais paraissait difficilement mobilisable pour ses fils. Le placement est l’occasion, avec la reprise de l’histoire familiale, de reparler du père, de le rencontrer et de lui permettre de recevoir ses fils chez lui. Des retrouvailles en quelque sorte, puisque depuis la séparation des parents, les relations du père avec ses aînés (il a trois enfants de son second mariage) s’étaient distendues. Deux ans après la mesure de placement, le lien avec le père et la seconde famille qu’il a constituée s’est consolidé ; les enfants sont heureux de le voir, des vacances ont pu être organisées, des projets se construisent. Du côté maternel, malgré la demande réitérée de la mère de reprendre ses enfants, c’est la figure du beau-père qui est omniprésente et met les enfants face à un sentiment d’exclusion auquel chacun répond différemment (l’aîné en s’effaçant douloureusement, le plus jeune en maintenant sa demande adressée à la mère au mépris des agressions dont il est l’objet par le beau-père). C’est une situation d’autant plus difficile que les professionnels s’affrontent à la position d’un juge tenté de rapprocher les enfants de leur mère (conforme en cela au discours tenu par elle et par le plus jeune des garçons). Si l’on considère cette situation sous l’angle de la protection des enfants, qui est au départ le seul motif du placement, on ne peut que noter que celle-ci n’est que partiellement assurée. Mais l’éloignement du foyer maternel a également permis un espace pour que le père se rapproche de ses fils. Ainsi la clinique est souvent plus féconde que les prévisions et les anticipations quant aux effets escomptés d’une mesure éducative ou judiciaire.
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Actuellement, en placement familial, les parents ne sont plus exclus. Ils sont même au centre des préoccupations. Peuvent-ils être considérés comme des usagers du placement familial ? Y gagneraient-ils, ainsi guidés vers cette place qu’ils seraient sommés d’occuper dans le dispositif ?
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Le travailleur social oscille parfois entre une approche orthopédique et une position passive. La première s’appuie sur une idéalisation de ce que devrait être un parent pour l’enfant ; le modèle est celui du fantasme du roman familial [8][8] Sigmund Freud, « Le roman familial du névrosé », Névrose,..., le projet (plus ou moins conscient) est soit la transformation du parent, soit sa mise à l’écart au profit d’une famille d’accueil chargée de remplir ce rôle auprès de l’enfant. La position passive consiste à permettre la mise en relation de l’enfant avec ses parents de façon fonctionnelle. La représentation sous-jacente est qu’il doit connaître la « réalité » de ses parents et « les accepter tels qu’ils sont ».
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De tels projets, fondés sur « les meilleures intentions [9][9] Titre du livre autobiographique qu’Ingmar Bergman a... » possibles, soucieux de faire prévaloir une approche opérationnelle, risquent de constituer un carcan pour la pensée, la rencontre, le sujet. Et surtout, l’enfant ne risque-t-il pas d’être oublié à nouveau, tant on se préoccupe de réparer le parent, ou de le lui faire avaler tout rond ?
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Plutôt que d’œuvrer pour que soit reconnue au parent une place d’usager, dont on pressent la complexité, si ce n’est le caractère illusoire, étant donné ce qui a conduit l’enfant vers un accueil familial, ne pourrions-nous pas développer notre écoute vers ce que la séparation fait surgir entre parents et enfant ? Un espace s’ouvre peut-être entre cet enfant et sa mère, entre cet autre et son père, une parole différente sera dite, reçue. Les représentations, les affects, les mots qui vont alors se conjuguer fonderont peut-être une histoire autre.