lundi 18 décembre 2017

. L’importance du travail en équipe pour l’accueil familial 


Le référentiel professionnel des assistants familiaux, précisé par l’arrêté du 14 mars 2006, décline le rôle de l’assistant familial en quatre axes. Deux renvoient à l’accueil au quotidien de l’enfant, en garantissant une permanence relationnelle envers l’enfant et en s’assurant de sa bonne intégration au sein de la famille d’accueil. Les deux autres s’inscrivent dans le cadre d’une action collective de l’équipe pluridisciplinaire. Ils visent « à aider l’enfant à trouver ou retrouver un équilibre et à aller vers l’autonomie » et à l’accompagner dans ses relations avec sa propre famille. 
Ces deux missions nécessitent un partage d’informations avec a minima le référent de l’enfant. Ces informations échangées sont le fruit d’un travail réflexif mené par l’assistant familial sur ce que le cadre familial quotidien proposé induit sur le jeune accueilli. Pour que ce travail réflexif puisse avoir lieu et qu’il puisse ensuite servir d’éléments de réflexion pour l’équipe, il faut notamment que l’assistant familial soit encadré, reconnu et entendu et qu’une place à part entière lui soit accordée dans l’équipe. 
Le renforcement de la place des assistants familiaux dans les équipes a constitué une des principales motivations de la production législative concernant leur statut, en particulier par la loi de professionnalisation de 2005. Celle-ci a cherché à provoquer un réaménagement des positions de chacun (assistant familial, référent…) au sein des équipes, en en faisant un des principaux enjeux et défis actuels de l’évolution du placement familial : « Les relations famille d'accueil/institution ou service sont sans conteste l'un des enjeux importants du nouveau statut des assistantes familiales. Les travailleurs sociaux deviennent des cadres auxquels on demande un travail de supervision et d'encadrement pour lequel ils n'ont pas été préparés. Les assistantes familiales, les services et les travailleurs sociaux arriveront-ils à travailler en réel partenariat ? »

De nombreux départements ont accompagné ce mouvement en réorganisant leurs services (cf. partie précédente). Cependant, au-delà - ou en deçà - de l’aspect organisationnel, ces changements doivent, pour prendre sens, s’ancrer et se sédimenter dans les pratiques (principes techniques) et les représentations des acteurs (principes éthiques), en renforçant les liens entre collègues d’une même équipe. Or, selon Jean-Pierre Jouves : « la reconnaissance des assistants familiaux à leur juste place n’est pas encore totalement acquise du point de vue des administrations, du point de vue des intéressés eux-mêmes, du point de vue des équipes. »
L’objectif de cette partie est donc d’interroger les liens qui unissent les différents professionnels, les activités concrètes qu’ils mettent en œuvre, séparément et collectivement, et les outils dont ils disposent pour communiquer et se coordonner dans leurs activités respectives. En un mot, comment
                                                     

ces professionnels font-ils « équipe » ? Par quels mécanismes une équipe prend-t-elle forme et comment émerge-t-elle des actions disparates de chacun de ces membres ?
 
De nombreux travaux de psychologie et sociologie ont interrogé la notion « d’équipe pluridisciplinaire » dans le champ du social et du médico-social78. Au-delà des questions d’identité ou de statut de ces membres, l’analyse doit porter sur les mécanismes qui produisent un sentiment d’appartenance à une entité délimitée et reconnue comme telle, puisque, comme le souligne Bertrand Ravon, « l’équipe n’est pas un donné mais un construit »79 . Le travail d’équipe ou le « faire-équipe » ne découle pas mécaniquement de la mise en présence de différents acteurs et d’un protocole réglementant leurs relations de travail. 
Le travail d’équipe émerge concrètement lorsque celle-ci se trouve confrontée à une situation complexe et qu’elle réussit, par une réflexion conjointe autour des pratiques et des activités de chacun de ses membres, à développer une représentation et une position commune du mode de résolution de cette situation. 
Le « faire-équipe » passe donc par la possibilité d’exprimer des désaccords, d’accepter des dissensus pour ensuite, une fois la réflexion commune partagée, trouver des points d’accords qui positionnent l’équipe face à sa tâche et sa charge de travail. En résumé, « faire-équipe suppose l’exercice collectif d’une réflexivité critique»80.
Cet exercice doit se réaliser sur un territoire commun partagé par l’ensemble des acteurs, ce qui est compliqué par une particularité intrinsèque au dispositif de placement familial : l’espace géographique et symbolique dans lequel est située l’activité de travail des assistants familiaux. Les assistants familiaux travaillent, hors temps de réunion avec les autres membres de l’équipe, principalement « chez eux ». De fait, ils ne se situent pas sur un espace professionnel clairement délimité qu’ils partageraient avec leurs collègues. Cet éloignement participe d’invisibiliser le travail réel effectué par les assistants familiaux. Les référents et plus généralement l’ensemble des autres travailleurs sociaux méconnaissant le travail des assistants familiaux peuvent développer une certaine « suspicion » ou euphémisation sur la dimension « professionnelle » de leur activité et les requalifier en une simple « occupation », comme le confirment de nombreux témoignages apportés par les assistants familiaux et les référents ASE lors des visites de terrain. 
                                                     

Les assistants familiaux travaillent non seulement « chez eux » mais également « avec ce qui se passe chez eux », i.e. avec les personnes, l’agencement intérieur et les événements contingents qui nourrissent et animent la vie quotidienne dans leur sphère privée et domestique. S’insinue ici une « perméabilité entre les sphères professionnelle et privée » qui peut être, comme l’ont montré les travaux de Catherine Salvat, tout autant une ressource pour la pratique, notamment lorsque l’assistante familiale, puisant dans ses expériences personnelles, réussit à les sublimer pour apporter soin et attention à l’enfant accueilli, qu’un risque potentiel d’être confrontée à une surcharge émotionnelle. 
L’assistant familial doit donc enraciner son appartenance à une équipe professionnelle en prenant appui sur son environnement familial. Il prend, en outre paradoxalement, le risque de déstabiliser ce dernier par son activité professionnelle. Cette perméabilité, dont nous questionnerons les effets infra, peut engendrer clivages et conflits de loyauté, et complexifier un peu plus le travail et les opérations nécessaires à l’émergence d’un « faire-équipe ». 
Les représentations des départements sur le travail en équipe et ce qui doit être fait pour le consolider sont présentées dans les documents administratifs et réglementaires. Les propos des acteurs renvoient quant à eux aux actions réellement menées pour favoriser ce travail collectif et à leurs ressentis sur le déroulement. 
La lecture des documents administratifs permet de constater que les aspects relatifs au travail en équipe sont dispersés dans des documents de diverses natures (projet de service répartissant les tâches entre assistant familial, référent et psychologue ; fiche de poste assistant familial ; guide à destination des assistants familiaux, etc.). De plus, certains aspects du travail en équipe sont majoritairement discutés et développés (aspects réglementaires, hiérarchiques), alors que d’autres sont très souvent laissés en souffrance (aspects symboliques, cliniques)

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