mercredi 11 juillet 2018

Troubles du comportement
doc divers
P.Defradat
01/2011

* Résumé : Compte-rendu d'une intervention du Dr P.Defradat, psychiatre,auprès des AVS de Savoie

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Définitions
On peut définir le comportement comme étant la manière d'agir, la façon de se conduire dans la vie. Ce terme ne concerne pas que l'espèce humaine; on peut aussi l'appliquer aux animaux, et même aux objets physiques. C'est donc un terme très général. Ce comportement peut donc être troublé. Ce trouble peut être d'ordre quantitatif ou qualitatif.
Du côté quantitatif, le comportement peut être en excès ou en défaut. Un comportement en excès va créer de l'agitation, de l'instabilité, de l'agressivité, du bruit, de l'hyperactivité; c'est souvent actuellement dans ce sens restreint que l'on utilise ce terme de trouble du comportement ; quelqu'un qui est agité va déranger: il va falloir le calmer.
On oublie trop souvent qu'un comportement par défaut est tout aussi problématique. Quelqu'un qui ne parle pas, qui ne bouge pas, qui se fait oublier, qui est inhibé est tout autant en souffrance que l'agité mais il ne dérange pas. On va donc avoir tendance à sous-estimer l'importance de son problème.
Le trouble du comportement peut être qualitatif : Il s'agit alors d'une déviation, d'une inadaptation, d'une inadéquation à la réalité, d'une bizarrerie.
Les perversions, le délire, la fabulation, les troubles obsessionnels compulsifs, introduisent des comportements inadaptés, inappropriés.


Le trouble du comportement est un symptôme
En médecine, un symptôme est un signe. Pris isolement, ce signe n'a aucune signification; c'est seulement en l'associant à d'autres signes que l'on va pouvoir diagnostiquer une maladie. Ainsi, un trouble du comportement va pouvoir être le signe d'une maladie physique, organique, cérébrale: Une tumeur du cerveau ou une maladie d'Alzheimer vont donner des troubles du comportement. Mais il serait excessif et faux de réduire tout trouble du comportement à une maladie cérébrale ou neurologique. Les facteurs psychologiques, affectifs, émotionnels, jouent un rôle considérable dans le déclenchement des troubles du comportement.
Il y a une conséquence essentielle à cela : Face à un trouble du comportement, on ne peut pas répondre de façon univoque, automatique; il n'y a pas de recette, chaque cas est différent. Il faut comprendre
– Que signifie ce symptôme ?
- De quoi cet enfant souffre t' il en fait ?
- Qu'y a t' il au delà de son symptôme ?
- De l'angoisse ? De la dépression ? Du délire ?

Selon la nature de la souffrance sous-jacente, la réponse n'est pas la même :
Un psychotique qui délire relève d'un traitement médicamenteux, d'une protection, d'un apaisement, il est inutile de vouloir le raisonner, puisque justement son raisonnement logique fait défaut. Un enfant dépressif par contre sera sensible aux encouragements, au soutien affectif, à l'attention qu'on lui porte. Un enfant caractériel sera accessible à la sanction, à condition que cette sanction soit une façon de l'introduire à la loi.


Les troubles du comportement sont des pathologies de l'acte
L'action vient prendre la place d'une pensée ou d'une parole; ou plutôt c'est parce que la pensée et la parole ne sont pas suffisamment développées que le moyen d'expression favori est l'acte. L'acte a volontiers un caractère immédiat, automatique, pulsionnel, non élaboré. Il faut bien différencier l'action, qui est le résultat d'une réflexion, d'une élaboration, et le passage à l'acte qui vient court-circuiter la pensée et la parole : Le passage à l'acte ça peut être une fugue, une agression, une tentative de suicide, une crise d'agitation.
On distingue habituellement 2 types de passages à l'acte:
  • Le passage à l'acte proprement dit, qui est une sorte de décharge pulsionnelle dans laquelle le sujet est absent, et qui n'a aucun sens particulier.
  • L'acting out qui est une action impulsive qui vient prendre la place d'une parole, le sujet ayant été incapable de formuler verbalement son problème. On voit que le passage à l'acte est plus grave puisqu'il est totalement irraisonné, et de ce fait, il peut conduire à des actes mettant la vie en danger. L'acting out est plus limité, plus contenu, il peut être reprit dans l'après coup, pour en faire émerger le sens, pour dévoiler la parole qui a manqué à ce moment là.

On voit donc très clairement l'articulation entre parole, pensée et acte. Toute pathologie de l'acte va donc résulter d'un désordre entre ces 3 composants.


Que faire face aux pathologies de l'acte?
Prenons l'exemple de l'hyperactivité, qui est un symptôme de plus en plus fréquent chez l'enfant. Et d'abord tentons de comprendre. Certains en font un trouble purement neurologique, cérébral: c'est certainement abusif, même si un mauvais fonctionnement de la chimie du cerveau peut s'observer dans ces cas là. Au-delà du cerveau, il y a des émotions, la mémoire, l'inconscient et pourquoi pas ce qu'on appelait auparavant l'âme.
Les enfants hyperactifs ont besoin de bouger sans arrêt, ne peuvent pas se poser, s'arrêter. Pourquoi? C'est souvent une manière de s'empêcher de penser, de réfléchir, de ressentir. L'action permanente est une défense pour ne pas prendre conscience. Conscience de quoi? Conscience de tout ce qui dérange: Les problèmes, les souffrances, les frustrations, la nécessité de grandir. C'est pourquoi on dit souvent que l'hyperactivité est une défense contre la dépression. Grandir c'est faire des deuils. Il semble que cette nécessité soit de plus en plus mal supportée par les enfants comme par les adultes.

Mais alors que faire concrètement, comme on nous le demande souvent?
D'abord, dans les cas les plus graves, il y a les médicaments, qui permettent de contenir, d'apaiser, de poser, si possible sans assommer. Mais ce n'est pas la panacée. Ce n'est qu'un pis-aller. Et surtout, ça doit être utilisé dans le sens de permettre l'accès à une réflexion, à la parole, et non pas comme une chape de plomb venant anéantir tout désir.
Ensuite, il y a l'écoute, le regard, entendre ce qui se dit et parfois ce qui ne se dit pas, comprendre l'autre et le lui manifester. Être réellement compris, ce n'est plus être seul, et c'est déjà être à moitié guéri.
Enfin il y a la parole, mais aussi le silence. Savoir parler à bon escient, ni trop tôt ni trop tard. Savoir se taire parfois. Ne pas vouloir à tout prix faire parler. Respecter le silence de l'autre, respecter ses défenses. Il parlera quand il le pourra.

Tout ceci peut conduire à diminuer les actes, à ne plus être dans des comportements, mais simplement dans la vie. Ça demande du temps, de la patience, de la persévérance. Il n'y a pas de méthode rapide. Il faut du temps pour changer. Il faut pouvoir supporter les troubles parce qu'ils ne vont pas s'arrêter du jour au lendemain. Notre expérience en institution nous montre qu'au fil des années, notre investissement auprès des enfants et des jeunes dont nous avons la charge est payant. Imperceptiblement, un mieux-être se fait jour, ils se réveillent, ils émergent. C'est presque toujours une surprise. C'est ce qui nous permet de tenir.

info

Les premiers enfants arrivent au village SOS de Beauvais-sur-Matha



Le 14ème village d’enfants SOS en France ouvre ses portes à Beauvais-sur-Matha (Charente-Maritime) et accueille les premiers enfants lundi 9 juillet 2018.


Le village SOS ouvre ses portes

Après 9 mois de travaux, le village d’enfants SOS de Beauvais-sur-Matha ouvre officiellement ses portes. Lundi 9 juillet, les quatre premiers enfants arriveront dans leur nouvelle maison. Ils seront accueillis par leur mère SOS et aide familiale et par toute l’équipe éducative.
Tout a été prévu pour favoriser un accueil serein. Le premier contact avait eu lieu début juillet sur le lieu de vie actuel des enfants. Anne, la mère SOS, avait préparé pour chacun un petit album d’accueil, avec des photos de la maison, de leur chambre, de leur future école… 

Les enfants découvrent leur nouvelle maison

 
Mercredi 4 juillet, les enfants ont découvert pour la première fois le village SOS quand ils sont venus déjeuner dans leur maison familiale avec Anne et Mintou, leur aide familiale. 
Après le déjeuner, tous ont fait une promenade dans le village de Beauvais-sur-Matha afin que les enfants se familiarisent avec leur nouvel environnement. Il y avait beaucoup de joie et d’excitation au cours de cette nouvelle visite. 
Avant de partir, chaque enfant a pris ses marques en laissant un doudou sur son lit.

Les enfants étaient ravis de cette journée et ont témoigné de leur impatience à venir s’installer. Impatience partagée avec toute l’équipe éducative. C’est aujourd’hui chose faîtes. A partir de maintenant, Anne et Mintou seront à leur entière écoute et resteront à leur côté.


Nous souhaitons la bienvenue aux enfants dans leur nouvelle maison !

Histoire de ruptures ou de négligence sévère
- déplacements multiples
- négligence ou abus sévères à long terme

Les troubles de l’attachement : « enfant velcro », « enfant sumo », « enfant solo » : quel devenir à l’âge adulte ?

Les troubles de l’attachement surviennent chez un enfant ayant connu une rupture de lien avec sa mère et/ou toute personne d’attachement sécurisant au cours des premières années de sa vie. Il peut s’agir d’une rupture provisoire (par exemple en cas d’hospitalisation avec séparation entre la mère et l’enfant) ou d’une rupture définitive (abandon, décès). Cette rupture de lien, cette « blessure primitive », perturbe la construction de l’attachement chez l’enfant et donc ne lui permet pas d’accéder à la sécurité de base indispensable à l’élaboration d’une personnalité adulte. Différents cas de figure peuvent se présenter :
  1. L’enfant rejette sa mère (biologique, d’accueil ou d’adoption), car il est bien décidé à ne plus accorder sa confiance à cet « abandonneuse potentielle ». C’est un enfant rejetant, un « enfant sumo »
  2. L’enfant, submergé par la terreur d’un nouvel abandon, est fusionnel et très angoissé : c’est un « enfant velcro »
  3. L’enfant se replie sur lui-même, « tout semble aller très bien », jusqu’au jour où le volcan explose… C’est un « enfant solo »
Dans tous les cas, ces enfants ont un besoin phénoménal de sécurité, et l’image qu’ils ont d’eux-mêmes est très négative. Ils sont également prisonniers d’un processus psychique qui leur interdit de s’attacher puisque, pour eux, un nouvel abandon risquerait de se produire et relancerait la grande souffrance qu’ils connaissent déjà. Un enfant porteur d’un trouble de l’attachement refuse les règles et les limites, celles de la famille et de la société dans son ensemble. Il est le seul maître à bord et le prouve par des comportements extrêmement pénibles, plongeant ainsi dans le chaos ses parents et la fratrie. Une caractéristique fondamentale et commune à tous ces enfants en souffrance est une dysharmonie dans diverses fonctions de leur développement. Leurs compétences peuvent aller de la sur douance à la presque inexistence, l’explication étant que tout un pan de base de leur développement psychoaffectif ne s’est pas ou peu développé. Dans certaines situations, pour avoir une idée de l’âge affectif d’un tel enfant, il faut diviser, dit-on, son âge réel par trois ou quatre. C’est ce qui rend la tâche difficile pour un parent, un ami, un professeur ou tout autre intervenant : parfois il s’adresse à une personne âgée effectivement de quinze ou vingt ans, mais parfois c’est un enfant de cinq ans qui se trouve face à lui dans la toute-puissance et l’utilisation de l’autre en exécutant pur et simple de la satisfaction de son besoin.
Je désire apporter mon témoignage en tant que maman de deux enfants adoptés, officiellement adultes depuis quelques années, et souffrant de ces troubles de l’attachement. Très longtemps, je me suis trouvée au milieu d’un océan de colère : oui, j’étais en colère contre tout ce qui arrivait et je me posais des tas de questions : pourquoi mes enfants ont-ils connu toutes ces difficultés d’apprentissage sur le plan scolaire et social en général ? Pourquoi n’avons-nous pas été mieux entendus et mieux aidés par les professionnels de la santé et surtout par notre propre famille ? Pourquoi ai-je un enfant reconnu à présent handicapé et un autre en passe de le devenir ? Pourquoi mon plus jeune enfant a-t-il été agressé sexuellement ? Pourquoi mon aîné a-t-il fait de la prison ? Pourquoi mes enfants sont-ils violents envers moi au point de mettre ma vie en danger à de très nombreuses reprises ?
Mais j’ai progressivement compris que cette colère, derrière laquelle se trouve un gigantesque chagrin, ne m’amènerait pas les solutions. Or, c’est bien de cela qu’il s’agit pour tous les parents : trouver des solutions pour apaiser la souffrance de nos enfants, et rendre un maximum de qualité à la relation. Des progrès se font lentement jour dans la société : cellule familiale et famille élargie, voisinage et relations amicales, institutions telles que écoles, hôpitaux généraux et psychiatriques, justice, instituts médico-pédagogiques,… Les parents sont progressivement mieux entendus. Mais trop souvent encore, les dires des parents face à ceux de leurs enfants sont mis en doute. Parce que ces jeunes ont souvent une attitude manipulatrice (la manipulation est au départ pour le bébé le moyen de satisfaction de ses besoins, la maman étant son continuum : il est en fusion avec son environnement y compris sa mère. Ce n’est que progressivement que les processus d’adaptation nécessaires se mettront en place pour faire réaliser à l’enfant que sa mère et tout ce qui l’entoure sont distincts de lui).
Des mesures préventives ont été mises sur pied en ce qui concerne les enfants adoptés, et c’est très bien aussi : dépister les troubles de l’attachement au début de la vie multiplie évidemment les chances de guérison. Chose heureuse également : les thérapeutes s’intéressant aux troubles de l’attachement se font plus nombreux.
Mais je suis triste… Tout cela est fort bien, mais… Que fait-on des adultes de vingt ou trente ans qui, dans la grande majorité des cas, glissent vers la désadaptation psychologique ou sociale grave, faute d’avoir été pris en charge quand il en aurait été encore temps ? Depuis sept ans, je prends quotidiennement des notes sur le parcours abominablement difficile, injuste et douloureux que nous vivons chez nous : le deuil d’enfants « classiques », l’énergie investie pour nous faire entendre auprès des intervenants (enseignement, hôpitaux, famille…), le caractère récurrent des situations critiques et d’urgence, les violences physiques, etc… Aujourd’hui, je suis toujours dans un chagrin et dans un désespoir immenses, mais je suis également dans la peur et dans l’incertitude.
Mon plus jeune fils est un « enfant velcro ». Je crois que c’est vers l’âge de quatre ans qu’il a commencé à réaliser l’abandon de sa mère biologique. A partir de ce moment, il ne m’a plus quittée. Toujours en recherche de proximité (famille, voisins, amis), il a été victime à l’âge de 16 ans d’un attentat à la pudeur qui a nécessité une hospitalisation. Au cours de cette dernière s’est produit un viol. A partir de ce moment, la situation n’a plus été ni psychologiquement ni socialement gérable. Car depuis ces faits, mon fils ne sait plus contrôler les conséquences de son insécurité de base. Exemple : ses comportements agressifs faute de pouvoir gérer l’angoisse ou la tristesse. Il ne s’agit pas ici de juger ces enfants mais de remettre de telles attitudes dans le contexte des différents arrêts de développement affectifs qui les caractérisent. De plus, ceux chez qui le niveau intellectuel est bon donnent mieux le change de l’adaptation…
La vie sociale de mon enfant s’est arrêtée à cette époque, et j’ai bien envie de dire que la vie tout court s’est figée pour chacun de nous, à la maison. Sa désadaptation s’est aggravée au point de le mener carrément à la psychose. Nous nous sommes vus contraints, mon mari et moi-même, de le faire hospitaliser en institution psychiatrique fermée, aucune autre solution n’existant. Depuis, nous vivons une situation très pénible, notre fils ne supportant pas cette kyrielle d’attachements-détachements (retours à la maison pour une demi-journée ou un w-e). Toutes ces années se sont passées sur le même topo : violences, interventions de la police, de médecins et d’ambulances, passages aux urgences,… Dans les hôpitaux psychiatriques, cela ne se passe pas bien : les intervenants ont des limites, et après tout c’est humain. Mon fils est « pompant », toujours accroché à leurs basques pour poser les mêmes questions et obtenir à tout prix la réponse qu’il souhaite entendre. Pour ce personnel soumis à rude épreuve, il n’y a parfois guère d’autres solutions que de mettre mon fils en isolement – seule façon de lui mettre des limites. Se retrouver rigoureusement seul parfois plusieurs jours dans une pièce ne comportant qu’un lit, sans même une revue dans les mains, ne soigne évidemment pas sa maladie. Mais c’est « la moins mauvaise des solutions »…
Mon fils épuise les équipes l’une après l’autre, de la même manière qu’il le fait avec nous : il nous « vampirise », comme l’a si bien dit un psychiatre. Où est la solution ? Ce jeune n’est pas à sa place dans un hôpital psychiatrique, d’autant plus qu’il ne côtoie que des handicapés mentaux relativement plus sévères alors que lui jouit d’une intelligence beaucoup plus développée. Le service fermé reste obligatoire car depuis sept ans il fugue dès que c’est possible dans le but de retrouver « sa maison ». Mon cœur se serre à chaque visite, lorsque je vois mon enfant derrière un grillage de trois ou quatre mètres de haut, comme un malfaiteur dans une cour de prison. Il ne comprend pas ce qu’il fait là. Il dit qu’il a été violé et que c’est lui qui est puni. Il a sans doute raison mais dans aucune institution une prise en charge psychologique et non psychiatrique n’a été faite jusqu’aujourd’hui faute de moyens. Pour enfoncer une porte ouverte, répétons qu’il y a trop peu de personnel spécialisé dans les institutions. Notre fils pense que nous, ses parents, l’abandonnons en refusant de le reprendre à la maison. Mais c’est impossible, vu sa violence. Il s’empare de couteaux de cuisine, jette le téléviseur au sol, s’en prend physiquement à nous aussi. Et puis il regrette aussitôt ce qu’il a fait et nous dit : « J’ai peur que vous ne m’abandonniez ». Comme toute personne dont la souffrance augmente, il régresse. Un autre sujet de tristesse est la médication accompagnant forcément l’hospitalisation : antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques et hypnotiques en nombre de plus en plus important. Toute une armada qui n’enlève rien, absolument rien, à l’angoisse d’abandon de mon fils et à la persévération dans ses questionnements. Leur seule raison d’être est de tenter d’abrutir notre fils pour le rendre vivable : « Je ne soigne pas un patient, mais tout un service » nous a expliqué le médecin.
Alors, aujourd’hui, je suis une maman particulièrement inquiète pour l’avenir de mon fils. Les institutions manquent, de celles qui pourraient offrir un cadre adapté à ses difficultés. Quand mon mari se renseigne auprès de l’une d’elles, la première question qui est souvent posée est celle-ci : « Vous êtes Français ? » Dans notre pays, certaines structures d’accueil n’ouvrent d’ailleurs leurs portes qu’à des Français. (la sécurité sociale française paie beaucoup plus…). De toute façon, la liste d’attente est partout anormalement longue. Le Village Reine Fabiola, lorsque nous leur avions posé la question en 2002, nous avait fait cette réponse : « Il y a une liste d’attente de quinze ans ». Nos dirigeants sont-ils au courant de cela ? Faudra-t-il attendre que l’un d’entre eux se trouve personnellement dans une telle situation d’urgence pour prendre le problème au sérieux ?
Quant à mon fils aîné, un an plus âgé (25 ans), c’est un « enfant sumo ». Il a présenté des troubles cognitifs et donc des difficultés dans tous les apprentissages, et ce depuis le plus jeune âge. Il n’a aujourd’hui en poche que son certificat d’école primaire et une formation de technicien de surface réussie dernièrement à l’arraché. Ses comportements difficiles, inacceptables dans le domaine de la violence – physique principalement – nous ont amenés à le mettre en autonomie précoce vers l’âge de vingt ans. Lorsque nous cherchions de l’aide (famille, amis, enseignants, PMS, médecins généralistes, pédiatres, neuropsychiatres, police, centres de santé mentale et de guidance,…), nous n’en trouvions pas. Nous sortions généralement d’un entretien avec l’impression d’être responsable de l’état de notre enfant. Bonjour, la culpabilité ! Ses troubles n’ont donc jamais été pris au sérieux. Si bien que cette autonomie, qu’il réclamait à corps et à cris, a tourné à la catastrophe : hors de toute limite, de tout contrôle, notre fils a échoué en prison. Et là, le psychiatre qui a réalisé l’expertise l’a reconnu (in fine !) irresponsable de ses actes. C’est grâce à l’intervention d’une psychologue connaissant très bien les troubles de l’attachement que notre fils a pu éviter un séjour à Paifve (défense sociale) en étant plutôt orienté vers un hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, il vient d’obtenir l’autorisation de s’installer dans un studio, tout en restant sous surveillance judiciaire. Je reste cependant dans l’insécurité car, à l’instar des enfants dysharmoniques parce que touchés par des difficultés d’attachement, mon fils profite difficilement de ses expériences antérieures. Tous les parents d’enfants présentant un trouble de l’attachement sont continuellement confrontés à leur imprévisibilité comportementale.
Cette double période d’enfermement a été très dure pour nous : mon fils, avec sa dysharmonie d’évolution affective – puisqu’il peut tenir le raisonnement d’un enfant de cinq ans – se trouvait dans une cellule toute proche de celle du violeur de son frère; puis, à l’annexe psychiatrique de la prison, il a également partagé pendant des mois la cellule de l’assassin de trois personnes. Dernièrement, mon fils a été sujet à de fortes angoisses et à des hallucinations très pénibles : des personnages présents sur des photos au mur prenaient tout à coup vie et voulaient le tuer…Exactement comme un petit enfant qui ne peut s’endormir dans le noir et dans la solitude de sa chambre.
Voilà pourquoi je crains l’avenir : j’ai bien peur que pour mes enfants, il soit déjà trop tard. Arriveront-ils à être plus harmonieux, plus nuancés dans leur adaptation à la réalité ? A ne pas se mettre en danger ni mettre les autres en danger ? Il faut, en effet, craindre pour tous ces enfants « déséquilibrés » une évolution gravissime vers un trouble psychotique.
Alors, je veux dire ceci aux parents : mettez votre narcissisme de côté, soyez vigilants, prenez des mesures préventives, consultez dès le moindre symptôme, battez-vous auprès de professionnels qui voudraient vous rassurer en affirmant que votre enfant est dans une crise passagère. N’oubliez jamais que c’est vous qui connaissez le mieux votre enfant et qu’après tout vous êtes les intervenants de première ligne.
Aux professionnels, de la Santé et de la Justice principalement, je demande de tout mettre en œuvre pour reconnaître dans un premier temps l’état d’urgence dans lequel se trouve une famille en appel d’aide, et de donner tout son sens à la parole des parents. Parents dérangeants parfois, tant leur volonté et leur énergie sont omniprésentes et ce, quoiqu’il arrive. Il ne faudrait plus que les thérapeutes confondent « ingérence » et « collaboration ». Qu’ils se méfient enfin de la toute-puissance de ces enfants et de leur capacité à manipuler. Répétons, car ceci est très important, qu’il ne s’agit pas de juger ces enfants mais de remettre de telles attitudes dans le contexte des différents arrêts de développement affectifs qui les caractérisent.
Je m’adresse également aux responsables politiques : intéressez-vous davantage à cette maladie. Oui, les troubles de l’attachement sont bien un dysfonctionnement grave si l’on se réfère à la définition de la santé donnée par l’OMS : « Etat de bien-être physique, psychique et social ». Car il est bien là, le nœud du problème : le jour où nos enfants devenus adultes seront reconnus comme étant principalement des « handicapés psycho-sociaux », un premier pas sera fait dans la recherche de structures et d’accompagnements mieux adaptés et plus nombreux qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Françoise M-D., maman, en compagnie de Marie-Louise B., psychologue ULg

Addendum
Quatre jours plus tôt (6 mars), alors que j’étais sur le point de poster ce témoignage, le psychiatre de mon plus jeune fils m’a téléphoné et m’a assénée de mauvaises nouvelles : mon fils a poussé un patient dans une vitre – et ce patient va porter plainte -, l’équipe ne veut plus travailler avec lui et une demande de placement en défense sociale a été demandée. La conversation n’a duré que deux minutes et ce psychiatre ne s’est nullement inquiété de l’impact que pouvait avoir sur moi l’annonce de cette catastrophe. Or, il me sait fragilisée. Il aurait pu ajouter ; « Ceci ne doit pas être facile à entendre », ou « Je n’ai pas le temps de vous parler plus longtemps maintenant, tâchons de nous rencontrer dès que possible ». Rien.
Imaginer mon enfant, stoppé dans son développement affectif à l’âge de cinq ou six ans, en prison psychiatrique est inhumain. Comment accepter qu’il puisse côtoyer sans en garder des séquelles supplémentaires des assassins, des violeurs et autres auteurs d’actes abominables, en sachant que lui-même a été violé et que s’il est facile d’entrer dans une telle structure, il est beaucoup plus difficile d’en sortir? Ce qu’a fait ce jeune mérite-t-il la prison? La seule « faute » qu’il ait commise, c’est de naître au mauvais endroit…
A ce médecin, qui dernièrement m’a dit « Vous savez, pour être psychiatre il faut avoir trouvé un sens à sa vie », je réponds que cette belle philosophie devrait en toute logique se prolonger par un « Il faut aussi trouver un sens à la souffrance et à la déchéance des patients ». C’est vrai que depuis de longs mois la situation se dégrade et que l’équipe soignante est au bout de ses limites. Cette plainte d’un patient est du pain béni pour tous ces soignants: c’est l’occasion de se libérer de notre fils sans remords et sans se poser trop de questions. C’est cet autre patient, par l’intermédiaire de sa plainte, qui va faire la besogne à leur place.
Il faut bien admettre que dans la plupart de nos pays occidentaux la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine. Alors que dans les autres spécialisations les progrès sont fulgurants et que les moyens financiers sont plus conséquents, nous en sommes toujours au 18ème siècle en ce qui concerne les patients « psys » difficiles: enfermement et camisole de force. La seule différence concerne cette dernière: les sangles, si elles sont encore utilisées parfois, ont été remplacées par une camisole chimique (abus de médicaments et d’électrochocs).
Dans un hôpital, et à plus forte raison, dans un hôpital psychiatrique, le calme et donc le confort de tous – patients et soignants – , est à assurer à n’importe quel prix…
dulte
- centration sur son propre plaisir
- ne compte que sur lui-même
- ne recherche pas le réconfort lorsqu’anxieux

Absence de réactions manifestes à la séparation

- ne réagit plus aux changements de milieux de vie: pas de réaction apparente

Sociabilité sans discernement

- trop familier avec les étrangers
- aucun adulte ne semble plus significatif qu’un autre
- recherche excessive d’attention
- incapable de changer de comportement pour protéger la relation à l’adulte

Relation superficielle à l’autre

- sourire artificiel et absence d’émotions véritables
- se relie de façon mécanique
- fait et dit ce que les autres attendent de lui
- manipulateur et centré sur ses intérêts

Incapacité de conserver les bons moments sans les détruire par la suite

- réagit mal aux compliments, aux récompenses
- détruit activement le lien avec l’adulte après un bon moment passé avec lui
- intolérant à toute attente de l’adulte à son égard

Réaction à toute limite ou exigence comme à une attaque ou à une critique

- difficulté à admettre ses torts même pris sur le fait
- se montre inatteignable même lorsque puni

Apprentissages difficiles

- besoin de la proximité de l’adulte pour fonctionner

Relations conflictuelles avec les pairs

- contrôle excessif
- manque d’empathie et de chaleur
- manipulation et hostilité lorsqu’il n’a pas ce qu’il veut
- partage difficilement l’attention de l’adulte