mardi 30 avril 2019

LIVRE

Jacques Trémintin

La famille d’accueil et l’enfant

Sous la coordination d’Hélène Join-Lambert Milova


éd. L’Harmattan, 2010 (178 p. ; 17 €) | Commander ce livre
Thème : Placement familial

La famille d’accueil a connu une succession de réformes de son statut destinées à renforcer sa reconnaissance et sa professionnalisation, jusqu’à en faire un métier intégré à la galaxie des travailleurs sociaux. Les lois du 17 mai 1977, du 12 juillet 1992 et du 27 juin 2005 ont transformé la simple gardienne en assistante maternelle, puis en assistant(e) familial(e). Il ne s’agit pas là, seulement, d’une modification sémantique. L’expérience ayant montré que le placement ne résout pas les troubles initiaux vécus par l’enfant, pas plus qu’il n’évite les risques de leur reproduction, l’expérimentation sur le tas est apparue insuffisante.
Aujourd’hui, la fonction de famille d’accueil nécessite 300 heures de formation obligatoire et la présentation au diplôme d’État d’assistant familial. Ce métier est toutefois exonéré des règles de droit commun relatives à la durée légale du travail. S’il existe bien la possibilité de bénéficier de 22 jours de disponibilité, c’est quand même la continuité de la prise en charge qui est privilégiée.
Se consacrant à l’éducation de 66 500 enfants et jeunes majeurs sur les 123 000 placés dans notre pays (soit 54 %), les familles d’accueil se situent au cœur de multiples paradoxes : au croisement de l’espace public et de l’espace privé, au carrefour de la logique institutionnelle et de la dynamique individuelle, à l’intersection entre une mission qui leur est confiée et une relation d’affection qui ne se commande pas. Elles sont d’authentiques familles, en ce qu’elles tissent des liens d’attachement, mais en même temps de fausses familles, en ce qu’elles sont rémunérées pour le faire. Le placement est l’occasion, pour elles, d’exercer un travail à domicile qui évite le chômage et les rapproche de leurs propres enfants. Mais il est aussi source de sentiments et d’émotions entre des adultes et des enfants qui s’investissent mutuellement.
L’ouvrage coordonné par Hélène Join-Lambert Milova décline une tout autre problématique du placement familial : celle de l’articulation entre parenté biologique et parenté sociale. Contrairement à une tradition qui prétend que les liens de filiation excluraient toute autre forme d’attachement, l’enfant est tout à fait capable de s’abreuver à plusieurs parentés. L’une et l’autre devraient se compléter et s’enrichir réciproquement, au lieu de se faire concurrence. À l’image des pratiques de fosterage que l’on retrouve chez les Bamilékées du Cameroun, où nombre d’enfants sont éduqués par d’autres parents que les leurs, leur appartenance aux deux familles étant facilitée par l’acceptation de la situation, de part et d’autre.

livre

Les liens affectifs en famille d’accueil





Que signifie « faire famille » pour un enfant séparé de ses parents et élevé par une famille qui n’est pas la sienne ? Qu’en est-il des liens affectifs et électifs qu’il développe au quotidien avec les adultes mais aussi l’ensemble des enfants, ceux de la famille d’accueil et sa propre fratrie ?

Les auteurs rendent compte de la diversité et de la complexité des liens affectifs dans les différentes situations d’accueil possibles. Ils analysent les modes de suppléance propres à la parentalité d’accueil et, dépassant l’opposition binaire des liens (lien de filiation, lien d’affiliation), ils restituent toute la richesse des places de chacun et des relations affectives développées au sein de la famille d’accueil.

Cette analyse s’inscrit au sein du débat contemporain sur les mutations familiales et la parentalité. En croisant les approches sociologique et juridique, les auteurs interrogent le rapport à la filiation, les liens et expériences fraternelles, les modes de transmission, d’échanges, les fonctions et les rôles parentaux. Ils interpellent le droit sur ces situations de vie singulière et apportent des propositions juridiques qui, au-delà de la loi de 2016 sur la protection de l’enfance, répondent au plus juste aux cas de pluriparentalité observés et permettent une sécurisation des parcours et une reconnaissance de liens affectifs.
21 avril 2019

Logement • Critique sévère de l’ONU


« J’ai été choquée de voir une telle misère, des souffrances et du dénuement dans un pays riche comme la France ». Après avoir rencontré les personnes vivant à la rue, en squats, dans les parcs, les hôtels, les campements, les tentes dans les bois ou sous les autoroutes, Leilani Farha, rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit au logement a dressé un constat sévère.
À l’issue de sa visite de 10 jours en France, le 12 avril, elle s’est dite impressionnée par l’existence de nombreux droits en France, notamment le droit au logement opposable, mais étonnée de la contradiction entre ces droits inscrits et leurs applications. Ainsi, elle a rappelé qu’en février dernier, 62 900 personnes prioritaires DALO attendaient toujours leur logement.
Leilani Farha a également testé le 115, attendu deux heures avant d’obtenir quelqu’un, constaté que la ligne était débordée et que beaucoup de personnes n’arrivent plus à le joindre. « 80% de ceux qui sont orientés vers un abri ne pourront y rester qu’une nuit, après quoi, ils devront reprendre le cycle depuis le début ». Dans sa déclaration finale, elle ajoute : « Les pressions qui pèsent sur le 115 ont sapé le caractère inconditionnel du droit au logement et, par là même, ont créé des hiérarchies au sein des personnes défavorisées ».
En visite à Calais, les pratiques qui lui ont été rapportées par les résidents des campements aux alentours de Calais sont « une violation systématique et flagrante du droit à un logement convenable en vertu du droit international des droits de l’homme ». Elle ajoute : « Le caractère systématique et répété de ces expulsions forcées durant la période hivernale suggère qu’elles constituent également un traitement cruel, inhumain et dégradant contre l’une des populations les plus vulnérables de France ».
Diplomate, elle se dit certaine que la France saura faire les efforts nécessaires pour résoudre ces difficultés. Son rapport final devrait sortir en juin.

mardi 23 avril 2019

Comment mieux accompagner les enfants confiés à l'aide sociale à l enfance ? le co- accompagnement en protection de l'enfance 


de Martine Gremillet-Parent ( assistante familiale)

lundi 15 avril 2019

15 avril 2019

Protection de l’enfance • Une loi pour les contrats jeune majeur


Le 6 mai prochain, la proposition de loi de Brigitte Bourguignon devrait être débattue à l’Assemblée nationale. Le texte était bloqué depuis près d’un an faute d’accord de l’exécutif. Le gouvernement a par ailleurs annoncé qu’elle devrait passer en procédure accélérée.
Cette proposition vise à rendre obligatoire le contrat jeune majeur pour les jeunes de 18 à 21 ans voire 25 ans si nécessaire. Une obligation sous condition : il faudra que le jeune ait été pris en charge par l’Aide sociale à l’Enfance avant ses 18 ans, qu’il soit en situation de rupture familiale, sans aucune ressources ni logement ou hébergement sécurisant, précise la proposition.
« Victoire pour les enfants placés » a tweeté Lyes Louffok, membre du conseil national de la protection de l’enfance, ancien enfant placé, qui milite pour cette loi et porte fort son lobbying. « Bonne nouvelle » à par ailleurs réagit le collectif Cause Majeur ! Ce tout jeune collectif d’une quinzaine d’associations – entre autres Apprentis d’Auteuil, CNAPE, FAS - et de personnes qualifiées veut porter un plaidoyer pour les jeunes sortant de l’Aide sociale à l’enfance ou d’une prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse. Leur objectif : « veiller à ce que la question de l’inclusion de ces jeunes dans la société devienne un axe central des politiques publiques ». Lui aussi plaidait pour que la proposition de loi de Brigitte Bourguignon sorte du placard. Reste à savoir si elle sera soutenue par le gouvernement…

mardi 2 avril 2019

France 3 : Piège à convictions


Je n’ai pas envie de défendre la profession contre les défaillances constatées et rapportées dans le reportage de Pièces à conviction diffusé par France 3 le 16 janvier. Les cas dénoncés sont minoritaires ? Eh bien heureusement ! Ils existent néanmoins, et notre meilleure réponse comme toujours est notre capacité à nous interroger le plus honnêtement possible.
Lors de mon premier stage comme élève éducateur, je me suis retrouvé dans un immense foyer d’enfants placés aux alentours de Trappes. Je n’avais jamais bossé avec des mômes et je ne compte pas le nombre de nuits où j’ai assuré seul, la « surveillance » d’un étage entier de minots censés dormir. Je n’avais ni formation, ni expérience et ce foyer déjà à l’époque ne vivait que par les stagiaires non rémunérés. Le chef de service se cassait la tête pour gérer la pénurie de personnel, non pas qu’il ait été si difficile de trouver des éducs mais parce que la structure n’avait pas les moyens de payer des pros autant qu’il aurait été nécessaire.
On voit dans ce reportage des jeunes gens recrutés en tant que personnels éducatifs, simplement parce qu’ils ont postulé. On les voit répondre à la violence des gamins par de la violence dans un rapport viril qui est bien sûr la pire pédagogie qui se puisse appliquer avec des enfants. J’aurais aimé que la directrice interviewée, au lieu de s’ex­cuser platement à la « découverte » de ces abus nous parle des budgets des établissements, de la nécessité d’embaucher des éducs au plus bas de la grille indiciaire. Elle aurait pu parler aussi de l’incompétence de ses cadres, incapables de former, gérer ou virer le personnel pathogène.
J’aurais aimé qu’on nous cause aussi de cette énorme con­nerie qui consiste, pour des raisons mul­tiples à considérer que la nuit, un veilleur, même très compétent suffit à «  garder  » des dizaines d’internes dont chacun présente des fragilités spécifiques et douloureuses. On nous a parlé de viols, de violences graves entre jeunes au sein d’établissements. Mais si l’on était logique avec nous-mêmes, c’est précisément la nuit qu’il serait nécessaire que les personnels les plus qualifiés soient présents. Penser que le gardiennage et la surveillance incendie sont des propositions suffisantes est la négation même de notre utilité professionnelle.
Le regard un peu caricatural des journalistes du reportage concernant les familles accueillantes n’est pas non plus totalement faux. Tous les éducs de l’ASE ont quelques «  super familles  » sous le coude qui fonctionnent bien, ont fait leurs preuves, amènent du bien être aux enfants, mais face à la pénurie de familles, il n’est pas faux de dire que parfois, nous sommes amenés à prendre un risque dans le placement qui nous met tous mal à l’aise. Seuls le temps et la parole recueillie de l’enfant nous permettra, à terme, d’avoir un avis objectivé sur l’adéquation : « Quelle famille pour quel enfant » En attendant, ce risque débouche parfois sur des incompatibilités qui ajoutent du malheur au malheur pour l’enfant confié.
Enfin, le reportage de Pièces à Convictions jetait un regard cru et sans concession sur le désastre du quasi abandon de l’Aide Jeune majeur par les départements que Lien Social a dénoncé à de nombreuses reprises. Pour mémoire, cette aide avait été créée pour que les jeunes suivis par l’ASE ne soient pas victimes du passage de la majorité de 21 ans à 18 ans en 1974, elle permettait d’accompagner les bénéficiaires jusqu’à l’âge où théoriquement, on a fini études et formations et en tout cas l’âge où l’on a réglé un certain nombre de problèmes adolescents. Cette aide a diminué, est devenue rare puis a quasiment disparu. Un calcul financier absurde dans la mesure où à terme, le coût social de cet abandon de responsabilité est énorme pour la collectivité. Ainsi ces tristes gamins du reportage, devenus SDF du jour au lendemain qui nous renvoient, sans haine et sans colère, notre inconsciente incurie et notre incapacité de travailleurs sociaux à faire cesser la malédiction de l’abandon.
J’apprends ensuite qu’un secrétaire d’État à l’enfance est nommé, sans doute en réaction à cette émission cruelle pour la protection de l’enfance. C’est à la fois terriblement dérisoire de se dire que 90 minutes d’images font plus que des milliers de dossiers, études, analyses, livres et articles divers sur le même sujet. Mais en même temps, puisque nous sommes dans le nouveau monde, c’est peut être le moment de prendre la parole pour et avec les jeunes, de faire remonter ce qui fonctionne bien, ce qui promeut ces gamins en souffrance et leur permet de s’épanouir. De réfléchir ensemble sur ce qui dysfonctionne.
Pour ma part, j’en profite, on ne sait jamais, si M. Taquet peut se pencher sur la question de l’Aide Jeune majeur et inciter les départements à revoir leur politique restrictive… Je dis ça, je dis rien…

25 mars 2019

Mineurs non accompagnés • Tests osseux jugés conformes


Indigne. Dans un communiqué commun, plusieurs organisations, dont Médecins du Monde, la Cimade ou la Ligue des Droits de l’Homme, s’offusquent de la décision du Conseil constitutionnel qui, le 21 mars, a déclaré conforme à la Constitution l’utilisation de tests osseux pour évaluer la minorité des mineurs isolés étrangers.
Il n’a pas retenu les arguments des 9 organisations qui l’avaient saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Contestés par de hautes instances scientifiques et médicales, ces tests « sont régulièrement instrumentalisés au profit d’arbitrage migratoire » juge ces associations. Ils « représentent un obstacle majeur à l’accès aux droits et aux soins » de ces enfants.
Même si le Conseil constitutionnel reconnaît « la marge d’erreur significative » de ces tests – qui va jusqu’à 24 mois, qu’il demande à ce que cette marge soit signifiée dans les conclusions, que seul le test ne peut déterminer la minorité que « le doute profite à l’intéressé », par sa décision, il valide leur utilisation.
Pour ces associations, « l’État viole son devoir de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant pourtant garantie par la Constitution et les conventions internationales ». Elles continueront de se mobiliser pour mettre fin à cette pratique.