mardi 12 mars 2019

8 mars 2019

Handicap • La gifle de l’ONU


Il claque. Le rapport de Catalina Devandas, la rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées à l’ONU, rendu fin février, tacle la France vis à vis de la situation des personnes handicapées. La rapporteuse considère « le placement en institution » comme une « forme courante de privation de liberté propre au handicap ». Elle rappelle que selon la convention relative aux droits des personnes handicapées : « Placer une personne handicapée dans une institution, que ce soit contre son gré ou avec le consentement d’un tiers chargé de prendre les décisions à sa place, est contraire au droit et à la liberté de la personne ». Même chose lorsqu’il s’agit d’un enfant.
Appel à la désinstitutionalisation
Elle appelle à une désinstitutionalisation totale de la prise en charge du handicap, un moratoire sur les nouvelles admissions, « la redistribution aux prestations de services de proximité des fonds publics alloués aux institutions » et un meilleur soutien aux familles ou aux proches. Elle engage l’État français à une scolarisation totale de tous les enfants qui se trouvent dans les institutions médico-éducatives existantes. La « mise à l’écart » des personnes handicapées en France par des réponses « spécialisées et cloisonnées » exige, à ses yeux, une transformation de la société, notamment par une meilleure représentation des personnes handicapées dans les instances de décision des politiques liées au handicap.
Urgence handicap
Dans le même temps, une pétition s’alarme de la « casse annoncée des institutions médico-sociales au nom d’une prétendue inclusion ». Le texte porté par le collectif SOS médico-social a obtenu près de 8 000 signatures de professionnels et d’associations. Il estime que « remplacer les établissements par des "plateformes d’orientation et de services" ne fera que renvoyer aux familles l’intégralité de l’accompagnement d’un enfant ou d’un adulte handicapé ».

samedi 2 mars 2019

17 janvier 2019

Un documentaire "accablant" ? Consternant surtout.


Comment réagit un praticien de la protection de l’enfance, spectateur de la soirée diffusée hier soir sur l’ASE par France 3 et promettant d’être "accablant" ? Ce travail journalistique comporte en premier lieu de grossières erreurs : des familles d’accueil qui ne bénéficieraient d’aucune formation (alors que le Diplôme d’état d’assistant familial existe …depuis 2006 !) ou des enfants placés à qui l’on refuserait l’adoption (alors que ce n’est possible … qu’après accord préalable parental).
Généralisation facile
Puis, vient cette surévaluation des dysfonctionnements : aussi insupportable soit-elle, la proportion des 177.000 enfants placés victimes de maltraitance reste à établir. Sans oublier l’effet pervers de généralisation. Si certains magistrats n’écoutent effectivement pas l’enfant, beaucoup le reçoivent en début d’audience, seul, avant sa famille et les travailleurs sociaux.
Si certaines ASE jettent parfois les jeunes à la rue à 18 ans, bien d’autres les accompagnent jusqu’à leurs 21 ans. Si certaines familles d’accueil continuent scandaleusement à exercer malgré leur condamnation pour maltraitance, celles qui dérapent se voient le plus souvent suspendues dès la première suspicion.
Une réalité financière, certes...
Mais cette émission renvoie néanmoins crûment aux réalités de terrain : pénurie de places dans les foyers, sous-dimensionnement des équipes d’internat, familles d’accueil insuffisamment soutenues, hébergements en hôtel compensant le manque de structures adaptées, pléthore des quarante mesures suivies par le professionnel, pathologies psychiatriques non soignées par un hôpital lui-même en surcharge, cohabitation des agresseurs et victimes par manque de solutions relais, pénurie d’intervenants qualifiés dans les établissements aux conditions les plus dégradées…
Alertes répétées
Les professionnels ne cessent d’alerter et de dénoncer ces dérives, mais leur voix pèse peu face au dogme de la réduction des dépenses sociales. Ils se sont engagés pour protéger l’enfant, mais se retrouvent à cautionner les maltraitances institutionnelles. Que faire, quand rien ne change : démissionner ou se résigner ?
Autre piste : rester mobilisé, continuer de protéger l’Enfance, croire en nos métiers... Malgré tout.
PS : suite à la publication de notre chronique, nous avons reçu cette réaction, via Twitter : « Votre papier comporte de grossières erreurs !!!
1) L’obtention d’un agrément n’est pas conditionnée à l’obtention du diplôme d’état.
2) L’adoption est possible et facilité depuis 2016 grâce la procédure de déclaration de délaissement parental. »
Voici la réponse de Lien Social :
Ce Monsieur a tort sur le premier point et raison sur le second.
Tort sur la première remarque parce que mon papier n’évoque à aucun moment l’obligation du diplôme d’état pour avoir l’agrément. Il contredit simplement l’affirmation selon laquelle les familles d’accueil ne bénéficieraient d’aucune formation. Le diplôme permet simplement de bénéficier du renouvellement automatique de l’agrément qui est autrement revue tous les cinq ans
Effectivement, la procédure judiciaire de délaissement parental favorise l’adoption, à condition toutefois que l’ASE présente les preuves comme quoi tout le soutien éducatif a pu être apporté aux parents, pour éviter ce délaissement.

15 février 2019

Film • Tranches de vie en IME


Dans la terrible jungle, documentaire de Caroline Cappelle et Ombline Ley. Avec Ophélie Lefebvre, Léa Lenoir, Médéric Sergott. 1h30.
Présenté au Festival de Cannes dans le cadre de la sélection de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid).
Sortie le 13 février.
Touchant, burlesque, poétique, Dans la terrible jungle dévoile, entre documentaire et fiction, la vie quotidienne de quinze adolescents déficients visuels multi handicapés qui vivent à l’Institut médico-éducatif La pépinière à Loos (Nord). Deux jeunes cinéastes ont posé leur caméra dans son grand domaine arboré. Les jeunes héros chantent, dansent, travaillent dans les ateliers horticulture, espaces verts, conditionnement, etc. Le film nous fait partager les confidences en duo sur l’amour, les fringues et l’avenir qui doit composer avec le handicap ; des répétitions du groupe de musique en salle ou dans l’herbe particulièrement savoureuses ; un débat franc sur la vie collective avec les éducateurs. Il nous montre aussi une impressionnante crise d’angoisse de Gaël cadrée et accompagnée par Eric Glorieux, moniteur de l’atelier Espaces verts. La musique est omniprésente : Hugo chante Toujours debout de Renaud, accompagnée par Ophélie aux percussions sur un sac plastique flottant au vent. Dans l’eau de la piscine, elle entonne La femme chocolat d’Olivia Ruiz, battant la mesure avec ses jambes comme une sirène rock. Méderic lit une histoire inventée, assis sur son fauteuil roulant électrique au milieu d’un sentier. Les héros sont parfois vêtus en costume de Barman. Le spectateur démêle difficilement le réel et la fiction.
Sept adolescents et quatre professionnels ont participé au festival de Cannes en 2018, reçu une standing ovation du public et des professionnels. « Lors d’un cocktail, ils discutaient avec les gens du métier, comme des acteurs et non comme des personnes handicapées, évoque Richard Huet, cadre de direction. Une véritable valorisation des rôles sociaux, concept québécois qui nous tient à cœur. »





19 février 2019

Ordonnance 1945 • Primauté du répressif

L’anniversaire de l’ordonnance du 2 février 1945 sur la primauté de l’éducatif sur le répressif a encore cette année donné lieu à un vaste mouvement de protestation. Plusieurs syndicats de travailleurs sociaux et de magistrats ont manifesté – dans la rue – leur opposition aux nouveaux centres fermés et établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) qui, selon eux, impose « en catimini une réforme de l’ordonnance de 1945 et du code de la justice pénale pour mineurs ».
Enfant ≠ adulte
De nouveau, ils ont contesté « cette logique sécuritaire qui aligne dangereusement la justice des enfants sur celle des adultes ». Modifiée à de nombreuses reprises depuis vingt ans, ce texte de loi emblématique est devenu instrument politique. À tel point que le Défenseur des droits, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et la CNCDH déplorent aussi ce durcissement.
Philosophie
La justice des mineurs a besoin de moyens, de temps et de bienveillance, mettant en avant un principe : un jeune poursuivi pour un acte de délinquance est avant tout un enfant en danger et ne peut en aucun cas être réduit à son passage à l’acte. Signée de nombreuses personnalités de tous bords, une tribune intitulée La Justice des enfants et des adolescent.e.s en question, publiée dans Le Monde mi février, exhorte l’exécutif à « revenir à la philosophie générale du texte d’origine ».