jeudi 18 janvier 2018

l'attachement


« Former les accueillants pour donner du sens au placement »

Thème : Placement familial
ENTRETIEN AVEC Nathalie Savard, psychologue et chargée d’études à l’Observatoire national de l’enfance en danger (Oned), coordonatrice du dossier « La théorie de l’attachement. Une approche conceptuelle au service de la protection de l’enfance »
Quelles sont les répercussions chez l’enfant d’un attachement « sécure », d’un attachement « insécure » et d’un « attachement désorganisé » ?
Le lien sécure permet à l’enfant de s’autonomiser progressivement et d’explorer le monde extérieur. Il constitue la base de son développement social, affectif et cognitif ultérieur. Lorsque son système d’attachement est activé, un enfant en détresse sait que sa figure d’attachement sera disponible et réagira de manière sensible à son besoin de proximité et de réconfort. Dans la « Situation étrange » [1] par exemple, la séparation avec sa mère ne le perturbe pas. Il recherchera sa proximité et son contact à son retour, avant de retourner à son exploration et à ses jeux.
A contrario, dans une situation de détresse, un enfant « insécure » aura moins confiance dans la disponibilité et la réactivité de sa figure d’attachement. Dans la « Situation étrange » par exemple, il manquera de réaction ou sera en état de détresse immédiat et particulièrement intense au moment de la séparation. Au retour de la figure d’attachement, il évitera son contact et adoptera un comportement indifférent à son égard. L’attachement insécurisé peut être un prédicteur de problèmes de comportements de type extériorisés et intériorisés de l’enfant, de difficultés socio-affectives, cognitives et scolaires, mais aussi de problèmes de régulation du stress. Ces conséquences s’observent souvent aussi chez les enfants maltraités.
Enfin, on parle d’attachement « désorganisé » lorsque dans la « Situation étrange » l’enfant a un comportement inadapté, manquant de stratégies cohérentes pour faire face à la séparation. Il peut s’exprimer de manière séquentielle ou simultanée, par des comportements contradictoires, des mouvements anormaux, des postures imprévisibles, de l’appréhension par rapport au parent ou un évitement de celui-ci, marqué par de la détresse et de la colère. Cette forme d’attachement est fréquente chez les enfants exposés à la violence ou victimes de maltraitance.
Comment peut-on repérer les troubles de l’attachement ?
Ils peuvent s’observer à travers les comportements de l’enfant vis-à-vis de ses principales figures d’attachement lorsqu’ils interagissent, se séparent ou se retrouvent. Tout d’abord, certains enfants n’ont pas réussi à construire de véritables liens d’attachement avec une personne en particulier et possèdent « un trouble de l’absence d’attachement ». On l’observe, par exemple, lorsqu’un enfant se montre immédiatement familier avec une personne étrangère ou s’accroche à n’importe qui en cas de détresse, sans chercher la proximité physique d’une personne en particulier.
Mais ce trouble peut également se manifester par une attitude de retrait permanente, l’enfant ignore les autres et semble ne s’intéresser à personne. Dans d’autres cas, il peut avoir construit une relation avec une figure d’attachement préférentielle mais fortement perturbée. On l’observe par exemple chez certains enfants qui cherchent sans cesse à attirer l’attention du parent inaccessible par des mises en danger permanentes, ou chez ceux qui ne manifestent aucune curiosité pour l’environnement, refusant toute séparation avec leur mère. L’enfant peut aussi se montrer hypervigilant et obéir de manière exagérée aux demandes de la figure d’attachement par crainte de lui déplaire et de provoquer chez elle une réaction de violence.
Enfin, certains enfants développent une attention particulière aux besoins psychiques et émotionnels de leurs parents, qui deviennent alors plus importants que les leurs. Identifiés, ces différents troubles peuvent plus spécifiquement se mesurer en termes de qualité d’attachement, à l’aide d’outils permettant d’évaluer les comportements ou les représentations d’attachement.
Selon l’étude de l’Oned, la théorie de l’attachement apparaît encore insuffisante dans la formation des professionnels de la protection de l’enfance.
C’est exact, pourtant sa prise en considération peut permettre de guider les actions et de comprendre, par exemple, l’importance de l’âge de l’enfant dans les décisions de placement ou d’adoption. Les études indiquent qu’un enfant adopté ou placé avant l’âge de douze mois aura un attachement comparable à celui de la population générale.
A contrario, le risque de développer un attachement de type insécurisé augmente avec une adoption ou un placement plus tardifs. La méconnaissance de cette théorie au niveau des cadres de la protection de l’enfance peut provoquer des placements successifs, quel que soit l’âge de l’enfant. Cette théorie permet aussi de mieux connaître et saisir les réactions de l’enfant et les techniques appropriées au besoin des situations. En revanche, sa méconnaissance peut amener le professionnel à ne pas comprendre les raisons pour lesquelles un enfant réagit mal au placement alors qu’il fait tout pour lui et à réagir de façon inadéquate.
Un exemple : l’enfant en famille d’accueil a souvent vécu de la violence ou de la négligence dans sa famille d’origine avec ses premières figures d’attachement. Par leurs comportements et leurs réponses à sa détresse, parfois source de sécurité, parfois source de peur, elles ont pu favoriser chez lui le développement d’un attachement désorganisé. L’enfant s’adapte à cette situation en apprenant à ne compter que sur lui-même et à se méfier de l’entourage. Ces expériences influencent son comportement envers le nouveau donneur de soin. Puisque dans le passé les réponses qu’il recevait n’étaient pas appropriées, dans sa nouvelle famille il risque d’éprouver des difficultés dans l’expression de ses sentiments et de ses comportements d’attachement. Il pourra exprimer des émotions négatives (colère, peur, refus d’être consolé) ou adopter des attitudes contrôlantes, punitives et autoritaires vis-à-vis des adultes qui l’entourent.
Le parent accueillant peut interpréter ces réactions comme le refus de son réconfort et se retirer, reproduisant ainsi – sans le savoir – le comportement initial du parent biologique. Le type d’attachement de l’enfant envers le parent de naissance risque d’être conservé dans sa famille d’accueil. D’où l’importance d’un accompagnement régulier de la famille d’accueil par un professionnel sensibilisé à cette théorie.
Que va permettre l’accueil de l’enfant au sein d’un établissement ou d’une famille d’accueil dans le cadre de la protection de l’enfance ?
Lorsque ni les parents ni la famille de l’enfant ne sont en mesure d’assurer ses besoins de protection, le placement constitue une solution alternative pour sa sécurité affective. L’accueil au sein d’un établissement ou d’une famille d’accueil lui offre un cadre sécurisant. Il va lui permettre de retrouver une sécurité affective grâce à l’instauration d’une relation privilégiée avec un adulte professionnel : éducateur référent en établissement ou assistant familial en famille d’accueil. Cela ne va pas toujours sans difficulté. Les premiers jours du placement, par exemple, peuvent réactiver le système d’attachement de l’enfant.
Ce nouveau placement le met face à un environnement et à des personnes inconnues, ce qui va activer ses stratégies de protection habituelles. Cependant, les figures d’attachement primaires sont et restent inaccessibles, ce qui maintient l’activation du système d’attachement de l’enfant. Dans ce contexte, le positionnement du professionnel accueillant n’est pas simple et demeure pourtant primordial. Ce n’est donc pas le placement en lui-même qui compte mais les nouvelles relations instaurées. Elles vont jouer un rôle de protection et de soin pour l’enfant. L’accueillant doit constituer une ressource fiable et apporter les soins nécessaires en complément ou en alternance d’un autre donneur de soins antérieurs, souvent un parent. La formation des accueillants aux besoins spécifiques d’attachement de ces enfants est donc particulièrement importante et un soutien adapté dans l’exercice de leur tâche s’avère indispensable pour donner un sens au placement.
Les recherches réalisées sur le devenir des enfants après leur prise en charge [2] montrent l’importance de la stabilité dans le placement.
Le placement offre à l’enfant la possibilité de créer de nouveaux liens avec une figure d’attachement alternative. Sa stabilité est particulièrement importante pour l’enfant et son développement ultérieur. En effet, ses figures d’attachement ne sont ni infinies, ni automatiques, ni interchangeables. Lorsque son parcours est instable – composé, par exemple, d’accueils multiples occasionnant de nombreuses ruptures sans que leurs capacités d’attachement n’aient pu être suffisamment évaluées –, l’enfant peut refuser de se lier avec sa nouvelle famille d’accueil afin de ne pas revivre l’expérience douloureuse de la séparation.
Certaines études montrent d’ailleurs un lien entre le nombre de placements vécus par l’enfant et un comportement d’attachement évitant. Il est bien évident que tout cela ne sera pas sans conséquences sur sa construction, son développement et sur son parcours ultérieur. La stabilité dans le placement est donc particulièrement importante.
La mise en place de rencontres entre parents et enfants placés joue-t-elle un rôle dans la qualité d’attachement des enfants ?
Le fait pour l’enfant d’être placé dans un milieu d’accueil sécurisant va lui permettre de porter sur ses parents un regard extérieur qui sera plus objectif. La durée du placement étant limitée, l’enfant doit envisager un retour dans sa famille. Il ne pourra s’opérer correctement que s’il y a eu un maintien du lien, d’autant plus que les parents vivent souvent le retrait de leur enfant comme une injustice. Les rencontres parents-enfant permettent donc de préserver l’existence et le maintien inconscient de ce lien même si elles paraissent sans communication et sans échanges.
Les études sur la question apparaissent encore controversées : certaines soulignent l’importance de ces rencontres pour le bien-être des enfants, d’autres affirment que le maintien de contacts favorise le développement d’un attachement évitant. Cependant, chaque situation étant unique, il faut prendre en considération l’histoire familiale de l’enfant mais aussi celle du parent, de ses éventuelles pathologies, de l’accompagnement mis en place, de la vision que possède le professionnel du parent et de la façon dont il prend soin du lien entre l’enfant et son parent biologique. Quoi qu’il en soit, les visites entre parents et enfants accueillis participent directement à la sécurité affective des derniers.
Quelle est la place de l’attachement dans le travail des professionnels de la protection de l’enfance ?
Le compte rendu d’une journée de l’Oned sur ce thème souligne que le questionnement autour des apports de la théorie de l’attachement revêt un intérêt pour les pratiques particulièrement présent chez les professionnels. En effet, les préoccupations relatives au maintien de l’enfant dans sa famille ou à la mise en place d’une mesure de suppléance, tout comme les questions de la nature du lien de l’enfant avec sa famille d’accueil ou sa famille adoptive lors d’un placement, les interrogent. La question de l’évaluation et de l’articulation entre la théorie de l’attachement et leur pratique professionnelle constituent des éléments importants dans leur travail. Tout comme le développement d’actions permettant la mise en œuvre concrète de cette théorie et leur apportant les connaissances et les techniques appropriées aux besoins spécifiques de ces enfants.
La théorie de l’attachement suscite également leur réflexion par la loi du 5 mars 2007 qui replace au centre des préoccupations l’intérêt et les besoins de l’enfant en lien avec les questions relatives à l’attachement en termes de sécurité et de stabilité. Enfin, ces connaissances paraissent indispensables à l’élaboration du projet pour l’enfant et soulignent également l’importance du rôle du psychologue de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sur ces différentes questions.

la résilience

 

La résilience est une capacité d’adaptation d’une personne, suite à un traumatisme. Mais elle nécessite des interactions sociales pour se développer. La présence d’un réseau extérieur soutenant est indispensable et les soignants ont notamment un rôle prépondérant dans cette reconstruction.
homme dans un champ de blé
La résilience consiste à continuer à se développer après un traumatisme, mais différemment ; une nouvelle organisation qui n'est pas forcément plus forte que l'ancienne, ni plus fragile, juste différente.
Ecouter Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, directeur d’enseignement à l’université de Toulon et auteur de nombreux ouvrages, en particulier sur la résilience, est toujours un moment rare. Récemment, l'une de ses conférences, à Marseille, s'intitulait Ce qui ne nous tue pas…. Et l'on mesure déjà l'importance des points de suspension . En effet, la plupart d'entre vous auront le réflexe de compléter cette phrase par … nous rend plus fort, selon la maxime bien connue de Nietzsche, philosophe allemand du XIXesiècle. Et bien en fait non, Boris Cyrulnik explique que chaque traumatisme laisse une trace traumatique dans l'organisme, qui marque à vie ; cela vulnérabilise et diminue le  bien-être.
Rappelons que l'on entend par traumatisme une atteinte profonde, comme par exemple une personne qui a pu côtoyer la mort ou être agressée par la vie. Selon Cyrulnik, environ une personne sur deux subit un traumatisme au cours de son existence, qu’il s’agisse d’un inceste, d’un viol, de la perte précoce d’un être cher, d’une maladie grave ou d’une guerre.
Après un traumatisme, dont la gravité est ressentie différemment selon les individus, il y a deux attitudes : on rumine, seul dans son coin, et on accroit l'impact de cet accident, l’empêchant de s'évacuer, car le souvenir  se cristallise dans le cerveau. La deuxième possibilité est d’en parler ou de le sublimer, en le mettant en scène. Cette capacité adaptative impacte positivement le reste de la vie et permet de ne plus se soumettre à l'impact que peut avoir un traumatisme sur notre propre fonctionnement, en atténuant la douleur psychique. C’est le principe de résilience.
La résilience c'est l’aptitude d’un corps à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale. En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité.

Résilience… soyons précis

Mais quel est donc ce concept de résilience, dont on entend parler mais dont on ne sait pas toujours ce qu’il signifie exactement ? À l’origine la résilience s’applique à la physique : c’est la résistance d’un matériau aux chocs. Par extension, et au sens figuré, c’est une force morale; qualité de quelqu'un qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre. Ce concept est en travail dans la communauté scientifique depuis quelques décennies. Il s’est développé en France et dans les pays francophones surtout depuis les années 1990, grâce notamment à Boris Cyrulnik, Michel Manciaux, Stanislas Tomkiewicz. Les principales influences ont été les travaux de John Bowlby et la théorie de l’attachement (années 1960-70), les travaux sur le stress et le coping et le champ de la psychologie de la santé.
La résilience consiste donc à continuer à se développer après un traumatisme, mais différemment. Selon le neuropsychiatre, la poursuite de l’évolution ne sera néanmoins pas dans l’exact prolongement d’avant l’atteinte traumatique. Prenons  l'exemple d’un incendie : la faune et la flore sont détruites et pourtant quelques mois ou années après, la nature reprend ses droits, la végétation repousse, la faune revient, mais différemment, avec d'autres espèces. C’est tout un écosystème qui va se remettre en place. Cette nouvelle organisation n'est pas forcément plus forte que l'ancienne,  ni plus fragile,  elle est juste différente. Pour un être vivant, a fortiori un être humain, le mécanisme est le même et prend diverses formes.
Boris Cyrulnik prend l’exemple des soldats engagés dans un conflit armé. Ceux qui peuvent écrire et décrire ce qu’ils vivent, même en laissant leur lettre au fond d’un tiroir, présentent très peu de syndromes psycho-traumatiques de retour chez eux, à l’inverse de ceux qui n’ont pu en parler ou s’exprimer. De même, un enfant qui ne sait pas parler peut dessiner et trouver via cette représentation la force de dire ce qu’il ne peut pas exprimer. Prenons un écrivain de fiction. Les idées qu'il couche sur le papier, même s'il s'en défend, prennent ancrage dans une histoire de vie qu'il aura sublimée. Il imaginera des personnages et des situations lui permettant de mettre à distance ses propres émotions et de canaliser l’hyperactivité de son cerveau.... en particulier s'il a vécu un traumatisme.
Les travaux de Spitz en 1940, puis d’Harlow en 1960 sur des bébés singes privés de leur mère, ont démontré que l'absence d'amour ou de contacts dès les premières heures de la vie empêche un développement harmonieux de la personnalité et conduit un repli sur soi et des comportements totalement anti-sociaux.
Suite à un événement traumatique il faut absolument partager et rester acteur, pour diminuer l’impact de la blessure...

Quand ceci explique cela...

Lors de cette conférence, Boris Cyrulnik nous a conté avec émotion sa visite aux enfants de Roumanie qui, fruits d'une politique ultra-nataliste sous le régime des Ceausescu, étaient  abandonnés dans des orphelinats. Ils étaient placés sous la surveillance de gardiens qui s’adaptaient à leur situation en maintenant un détachement distant, ne leur parlant jamais, ni ne jouant avec eux. Ces enfants étaient laissés dans des lits à barreaux, avec une soupe par jour et sans aucune communication, ni marque d’affection. Pour calmer la douleur intense de cet abandon, certains de ces jeunes enfants développaient des attitudes quasi autistiques, accompagnées de mouvements de balancier ou de routines obsessionnelles. Après avoir insisté, le neuropsychiatre a obtenu des scanners cérébraux pour ces enfants et s'est aperçu que les deux zones préfrontales (zones du contrôle des émotions et de la projection) étaient totalement asséchées, expliquant certains désordres d’ordre moteur ou de coordination, et que leur amygdale (siège des émotions intenses et de la peur) était  devenue trop sensible à cause de leurs blessures de vie. Ces enfants devenaient agressifs et renfermés sur eux-mêmes, n’ayant d’autre choix pour calmer leur angoisse que de taper leurs bras de façon compulsive contre les barreaux du lit, crier, mordre… Ils ne pouvaient que se défendre contre un univers qu’ils ressentaient comme hostile. Cependant une preuve en image existait bien, et permettait d’objectiver cette souffrance. Un autre exemple nous a été donné. Lors du tremblement de terre en Haïti, il y a quelques années, les enfants des rues qui étaient méprisés et rejetés par tous, se sont retrouvés en première ligne.
Suite au séisme, ils guidaient les rescapés dans la ville, car ils en connaissaient bien les méandres. Ils ont pu jouer un véritable rôle d’orientation, conseillant les points d’eau potables et autres lieux sûrs aux riches de la ville. Par la suite, il s'est avéré que ces enfants en guenille qui étaient au départ les moins bien lotis ont le moins souffert de cette catastrophe. Ils ont réussi à se mettre au service de l'autre grâce à leur mode de vie, et ont aidé les plus nantis à se sauver des décombres. Voilà un bel exemple de résilience.
On voit donc au travers de ces quelques cas, que suite à un événement traumatique il faut absolument partager et rester acteur, pour diminuer l’impact de la blessure. On sait que la solitude est le plus sûr moyen d’empêcher la résilience. Ce phénomène est cependant réversible.
Les orphelins roumains de l’ère Ceausescu, abandonnés très tôt dans des institutions inhumaines, étaient considérés comme des monstres… et pour cause...

La résilience n'efface rien...

En effet, la résilience n’efface rien, elle permet de supporter et de continuer. C’est pour empêcher les  ruminations de leur cerveau que ces personnes blessées  prennent de la distance par rapport à la situation aversive. Pour cela, certains tiercéisent, c’est-à-dire éloignent l’émotion via un support externe d’expression (tiercéiser signifiant introduire un troisième élément dans une relation pour faire le lien entre les deux autres). On retrouve même des enfants privés d’amour qui entendent des voix, se créent des amis imaginaires, surinvestissent la relation avec un animal, tant le besoin d’altérité est grand. En se libérant de leur secret, ils transforment leur blessure en œuvre d’art. Ce qu’ils veulent avant tout c’est devenir l’auteur de leur destin. Ce sont des décideurs parce qu'ils n'ont rien décidé de leur enfance.
Cependant la capacité de résilience de chacun est moitié innée, moitié acquise. Les déterminants et les facteurs de résilience peuvent être de trois types : individuels, familiaux et sociaux. Parmi les facteurs individuels, on trouvera la génétique, l’autonomie, la faculté d’adaptation, la charge en sérotonine, la sublimation via le théâtre, l’écriture ou les causes humanitaires. Les facteurs familiaux concerneront une qualité de la communication au sein de la famille, un environnement sécurisant, une idéologie, voire un placement dans une famille d'accueil pour les petits orphelins. Et enfin on retrouvera parmi les facteurs sociaux la participation à des groupes de parole (y compris si l'on ne parle pas), l’organisation d’une communauté sociale, la religion, l’investissement dans le sport. La gestion du stress post-traumatique doit se penser de façon systémique et non de façon individuelle.
C’est pour empêcher les ruminations de leur cerveau que ces personnes blessées  prennent de la distance par rapport à la situation aversive.

Nous avons donc compris que la résilience passe par l'altérité !

Dans notre exercice quotidien de soignants, ce concept de résilience est important à connaitre, car il enrichit la clinique en proposant des perspectives dans la compréhension de la souffrance et la prise en charge des patients.  Lorsque l’on sait que le simple fait d'entendre parler d’un  problème aide à prendre de la distance et à l'évacuer (c’est le rôle de la psychanalyse), il est plus aisé de comprendre l’importance de l’accompagnement des patients au travers de leur parcours. Ce peut être une personne atteinte de maladie chronique ou de maladie rare, une  victime d'attentat, des parents qui ont perdu un enfant, une personne en situation de grande précarité. Ainsi, donner une carte de visite avec un numéro de téléphone, offrir un café, une couverture ou juste un espace d'écoute peut suffire pour permettre à la personne d'entamer un processus de réparation. A l'inverse, l’isolement et la rumination ne permettront pas à une personne de sortir de cette dynamique de destruction interne. En libéral, s’assoir 10 minutes chez un patient pour boire un café peut se révéler un soin à part entière, à la lumière de ces développements.
Pour conclure, le principe de résilience n’est pas un effacement du traumatisme mais une attitude de protection, une façon de mettre ses effets dévastateurs à distance pour continuer à vivre. La présence d’un réseau extérieur soutenant est indispensable et les soignants ont un rôle prépondérant dans cette reconstruction.

l'abandonnisme

"Au Canada, on identifie parfois un syndrome d’abandonnisme, qui ne touche pas forcément des enfants réellement abandonnés, et peut apparaître à travers des vécus d’abandon qui peuvent être totalement indécelable par l’entourage. Ce syndrome de l’enfant est caractérisé, entre autre, par le refus du contact ou de l’intimité, les reproches perpétuels aux parents, et une alternance de demande irrépressible suivie de dénigrement en cas d’obtention."
"Malgré ses défaillances la mère demeure mythique pour l’abandonnique qui tente de préserver et d’idéaliser cette bonne expérience primaire narcissique pour préserver l’objet maternel. Les déchirures narcissiques altèrent les images internes et la culpabilité conduit le sujet à s’attribuer la cause du désinvestissement maternel d’autant qu’aucune explication ne lui est fournie. L’enfant répond alors dans l’ensemble de ses comportements au fantasme de mauvais objet. Dans de telles conditions toute tentative de restauration d’une bonne image de lui-même est vouée à l’échec et l’enfant abandonnique se réfugie dans des conduites d’échec pour soulager sa culpabilité.

La blessure narcissique se manifeste en l’occurrence par une affectivité à fleur de peau et toute tentative de réparation par une simple proposition d’amour est vécu avec une extrême ambivalence et reste insuffisante pour combler son manque d’amour primitif. Ainsi l’enfant abandonnique avorte toute réponse positive à sa demande affective par peur d’une souffrance affective ultérieure plus forte encore que celle qu’il est en train de connaître.

L’abandonnique oscille alors entre une quête insatiable d’amour et un rejet destiné à détruire toute relation pouvant déboucher sur un éventuel abandon et mettre en péril cette mère idéale, seule personne susceptible de le combler."


http://www.machronique.com/syndrome-dabandon-ou-abandonnisme-maladie-mentale-de-lenfant-abandonnique/

dossier Lien Social

Prise en charge d’enfants psychotiques : le rôle des éducateurs

Propos recueillis par Guy Benloulou

Thème : Psychose

Deux sortes d’institutions, les hôpitaux de jour et les instituts médico-éducatifs, se partagent environ 80 000 jeunes malades mentaux. Les moyens et les personnels sont très différents d’un établissement à l’autre. Une distinction qui s’explique surtout parce que les hôpitaux de jour concentrent leur action sur le soin alors que les IME privilégient l’éducatif.
Ainsi, les éducateurs spécialisés sont-ils beaucoup plus nombreux dans les seconds que dans les premiers. Mais cette différence entre ceux qui soignent et ceux qui éduquent est-elle justifiée ? Pour y voir plus clair nous avons donné la parole à un pédopsychiatre intervenant en institut médico-éducatif (lire ci-dessous), puis nous nous sommes rendus dans un hôpital de jour et dans un institut médco-éducatif observer le quotidien d’équipes de professionnels
Pour Alain Gillis, pédopsychiatre et directeur de l’unité psychothérapique de l’IME Montaigne à Chelles, en Seine-et-Marne, il est impossible de séparer, dans le comportement d’un enfant troublé, le soignant de l’éducatif. C’est pourquoi, explique-t-il : « Les éducateurs spécialisés assument quotidiennement, aux côtés des psychologues et des psychiatres des responsabilités soignantes effectives »
Comment définir les enfants psychotiques ?
Les enfants psychotiques représentent une vaste catégorie, relativement indécise puisqu’elle comprend aussi bien des enfants présentant un grand nombre de signes autistiques que des déficients qui sont organisés sur un mode qui laisse apparaître des troubles de la personnalité. Leur prise en charge est souvent différée par la volonté des intervenants de modérer la détresse et l’angoisse des parents. Depuis le généraliste jusqu’au pédopsychiatre en passant par les enseignants et les pédiatres, la mode est à minorer les troubles et à s’en remettre aux effets de l’intégration qui confine le plus souvent à la négation d’une réalité qui ne demande qu’à s’aggraver spontanément. Le travail entrepris par les différents consultants, en dispensaire ou en CMPP n’est pas négligeable, il est cependant insuffisant lorsqu’un trouble majeur du développement se déclare. De tels désordres psychologiques nécessiteraient pour le bien de tous qu’un dépistage suivi d’une guidance ferme et éclairée soient entrepris le plus tôt possible par des intervenants, médecins, éducateurs spécialisés, psychologues, qui réfléchiraient leur action et la soumettraient à une évaluation professionnelle constructive.
Comment et par qui est assurée aujourd’hui la prise en charge ?
Les prises en charges institutionnelles sont, comme chacun sait, plus souvent le fait d’une structure de type IME que d’un hôpital de jour. Ceci pour la bonne raison que le nombre de place en hôpital de jour est beaucoup plus restreint. 7 000 enfants sont pris en charge dans les hôpitaux de jour tandis qu’environ 70 000 sont accueillis par les établissements médico-sociaux ! Quels que soient les efforts pour distinguer un enfant psychotique « médico-social » d’un enfant psychotique « sanitaire » on ne pourra convaincre les travailleurs sociaux de la pertinence de cette différence. Il faut dire que la notion de « handicap » est venue à propos pour aider à la confusion.
En déclarant « handicapés » un grand nombre d’autistes et de psychotiques on a voulu démédicaliser des situations qui réclament pourtant une authentique démarche thérapeutique. Une part du problème est dans la différence de coût qui sépare les deux modes de prise en charge. Les ratios d’encadrement sont très différents. Quand un éducateur doit prendre en charge six enfants en IME, un éducateur d’hôpital de jour n’aura à assumer l’encadrement que de deux ou trois. Les psychiatres sont quant à eux dix fois moins présents dans un IME que dans un hôpital de jour. On compte un psychiatre temps plein pour 150 enfants en moyenne dans les IME ! Le montage étrange qui existe entre le sanitaire et le médico-social est largement sous-tendu par un intérêt budgétaire qui ne pourra se dissimuler éternellement.
Vous pensez qu’un rééquilibrage des budgets est nécessaire entre les hôpitaux de jour et les IME ?
Oui, mais il ne faut pas déshabiller les hôpitaux de jour pour habiller les IME. Il s’agit plutôt de reconnaître que les hôpitaux de jour sont mieux équipés pour une même tâche et obtenir que les moyens des IME soient donc accrus en conséquence. Mais je pense que le problème n’est pas seulement budgétaire, il reflète également un immobilisme administratif qui reconduit machinalement des catégories et des distinctions qui n’ont rien à voir avec la réalité. Presque tous les enfants qui sont en IME nécessitent un encadrement thérapeutique et éducatif qui demande à être réévalué. Encore une fois, le mythe du « handicap » comme celui de « l’intégration », empêche que soit posée clairement la nécessité de se pencher avec tous les moyens et avec la plus grande attention sur tous ces enfants qui, avec le temps, s’enferment dans un mode de fonctionnement psychotique.
Ce clivage budgétaire entre ces types d’établissements s’en ressent-il au niveau des professionnels et de leur niveau de formation dans ce domaine ?
Il faut reconnaître qu’une part importante des personnels éducatifs s’est trouvée dans l’obligation de se former, d’une manière ou d’une autre, et de façon à servir un projet thérapeutique. Les éducateurs et éducatrices spécialisés disposent aujourd’hui d’une culture psychothérapique qui n’est pas négligeable, et leur engagement, souvent très précoce dans les prises en charge les plus lourdes, en ont fait des collaborateurs extrêmement précieux. Il n’est pas possible de déconsidérer leur travail en laissant entendre qu’il se limite à une tâche éducative avec les enfants malades mentaux. Le travail éducatif, en lui-même difficile, est ici tout à fait confondu avec le projet thérapeutique. Tout particulièrement quand il s’agit d’enfants très jeunes.
Par conséquent, éducatif ou non, le travail de l’éducateur spécialisé doit être assimilé à une action soignante. Il est impossible de séparer, dans le comportement d’un enfant troublé, ce qui relève de soins de ce qui regarde la part éducable. Quant aux intervenants extérieurs (je pense aux thérapeutes des consultations publiques ou privées) qui devraient, à raison d’une fois par semaine, s’attaquer à la pathologie, en laissant à l’institution la tâche d’un gardiennage éducatif, c’est une fiction qui a vécu. Il est évident que pour un enfant psychotique c’est la qualité des réponses, des interventions, des remarques en tous genres que l’éducateur est amené à lui adresser de façon quotidienne, qui constitue la base thérapeutique. À partir de cette base, toutes les initiatives peuvent être envisagées pour comprendre et modifier la position de sujet que ces enfants ont tant de mal à éprouver.
Toutefois, dans ce contexte particulier où l’éducatif ne prime pas on peut penser que la place de l’éducateur n’est pas indispensable ?
Ne pas reconnaître officiellement la qualité soignante du travail des éducateurs procède soit d’une méconnaissance soit d’une mauvaise foi. Dans les deux cas, cette catégorie de travailleurs sociaux se trouve confondue avec une sorte de domesticité, qui devrait s’appliquer à masquer le déficit de moyens par la régularité d’un travail anonyme et la discrétion de ses revendications. Si le public a pris l’habitude de considérer avec intérêt la situation des infirmiers ou des sages-femmes, il est étonnant de constater à quel point « on » pense que la tâche d’un éducateur spécialisé relève de la simple bonne volonté et de la patience… C’est refuser de voir que cette catégorie professionnelle assume quotidiennement, aux côtés des psychologues et des psychiatres des responsabilités soignantes effectives.
L’image des éducateurs parcourant les rues et les institutions comme des lutins réconfortants, guidés dans leur action par l’amour du prochain, doit s’effacer pour laisser voir une réalité complexe et méconnue : celle de ces intervenants quotidiennement chargés d’assurer une présence, certes bienveillante, mais aussi critique et thérapeutique, auprès de la population des enfants accueillis en institution. De la qualité de présence des éducateurs dépendent largement, dans le système actuel, les chances d’amélioration de bon nombre d’enfants psychotiques. Cette constatation doit également entraîner une réflexion sur la formation de ces personnels. L’aspect soignant devrait s’y trouver totalement assumé, et revendiqué, car il correspond, pour une part importante, à la réalité des préoccupations professionnelles que ces travailleurs sociaux « nouvelle manière » rencontreront quotidiennement.

lundi 15 janvier 2018

article Lien Social

2 janvier 2018

Handicap et délinquance : lever le voile sur une réalité méconnue


Impossible de connaître les chiffres concernant les mineurs pris en charge par le secteur médico-social et pénal, successivement ou simultanément, ni de saisir les caractéristiques et la double réalité de ces jeunes : la dernière étude sur la santé des jeunes de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) date de 2005. Elle faisait état de 7% d’enfants en situation de handicap psychique ou mental.
La Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) a donc mené une étude auprès d’une centaine d’établissements de son réseau sur « les enfants et les adolescents à la croisée du handicap et de la délinquance ».
Délinquance ordinaire
Les jeunes sont souvent pris en charge d’abord par un établissement pénal puis orientés vers un service médico-social, en majorité en Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). Par exemple, sur 9 ITEP, 18 enfants avaient fait l’objet de mesures pénales. Selon les structures, leur parcours pénal antérieur est rarement rapporté au moment de l’accueil du jeune.
Les types d’actes et de comportements délinquants des mineurs relevant du médico-social relèvent de la « délinquance juvénile ordinaire » (atteinte aux biens essentiellement).
Il existe une forte corrélation entre les troubles du comportement repérés chez les jeunes et le passage à l’acte, considéré par les équipes « comme un symptôme nécessitant une réponse éducative ou thérapeutique appropriée » (surtout dans les Institut médico-éducatifs). La saisine de l’autorité judiciaire n’est donc pas systématique, faisant alors l’objet d’une réponse en interne.
La protection de l’enfance en difficulté
Sur l’échantillon de 298 enfants accueillis dans le cadre pénal (pour les 20 établissements répondants), 52 présentent des troubles du comportement ou de la personnalité et 29 disposent d’une reconnaissance de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ils sont majoritairement pris en charge dans des Centres éducatifs fermés (CEF). Les établissements constatent une augmentation importante des mineurs venus d’ITEP, IME et IMPro ces dernières années.
Côté protection de l’enfance, l’accompagnement des jeunes avec des troubles psychiatriques reste difficile et les structures médico-sociales peinent à gérer leurs passages à l’acte. Le manque d’articulation, les temporalités différentes ou la disparité des outils sont autant d’obstacles à un accompagnement adapté.
Pour une politique « multidimensionnelle et transversale »
La CNAPE recommande donc la mise en place d’un suivi statistique national et d’une étude longitudinale auprès des jeunes concernés par cette double problématique. Elle préconise également de décloisonner MDPH et PJJ, de réaliser des bilans de santé systématiques, y compris psychiatrique, à l’arrivée d’un jeune à l’Aide sociale à l’enfance ou la PJJ, de former ensemble les professionnels des deux secteurs et de mettre sur pied des équipes mobiles ressources en cas de difficultés sur les établissements.

dimanche 7 janvier 2018

infos

nfos passée vendredi 5 janvier matin sur France inter :


La double peine des enfants placés : à 18 ans, "ils doivent voler de leurs propres ailes"



En France, on estime qu'un SDF sur quatre est un ancien enfant placé. Ne bénéficiant plus d'aide lorsqu'ils atteignent leur majorité, ces enfants doivent se battre pour poursuivre leurs études et ne pas s'isoler. C'est le cas de Brice, 20 ans, à Paris.
Un étudiant devant l'université Lyon 2 en janvier 2008.
Un étudiant devant l'université Lyon 2 en janvier 2008. © AFP / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
Le Gouvernement a lancé en décembre une concertation sur la prévention et la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Les conclusions de ce travail seront remises à Emmanuel Macron en avril prochain. La situation des jeunes qui sortent des dispositifs de protection de l'enfance fait partie des thèmes de ce vaste chantier.
Quand Brice a eu 18 ans, il était en première année de BTS. Il a alors dû se débrouiller seul très rapidement, après des années passées en foyer. En effet, aujourd'hui, lorsqu'un jeune qui a été placé en foyer atteint l'âge de 18 ans, il ne bénéficie plus de la prise en charge de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Il existe les "contrats jeunes majeurs", financés par les départements, qui permettent de prolonger la prise en charge du jeune par l'ASE au-delà de sa majorité, en fonction de son projet personnel et professionnel. Mais l'obtention de ces contrats est de plus en plus aléatoire, faute de moyens suffisants. Dans ces conditions, il est difficile à ces jeunes de poursuivre des études, de faire les démarches administratives, de trouver un logement puis d'obtenir un emploi. 

Des jeunes particulièrement vulnérables

Brice vivait en foyer depuis l'âge de 15 ans. Il en a 20. Il s'est battu pour poursuivre des études secondaires. "Cela a été un peu difficile de continuer, confie-t-il. Il n'y a plus ce soutien que j'avais constamment derrière moi. Je me retrouvais, en quelques sortes, en toute autonomie. C'est vrai que j'ai eu pas mal de difficultés à m'adapter à mes études et à la nouvelle vie qui s'offrait à moi." Le jeune homme bénéficie d'une bourse étudiante, mais doit travailler comme animateur en parallèle de son BTS. 
Si Brice s'en sort, ce n'est pas le cas de tous, loin de là. Selon l'Insee, en 2013, près d'un quart des personnes sans domicile fixe (23 %) étaient d'anciens enfants placés. La fondation Apprentis d'Auteuil a publié en 2017 Prendre le parti des jeunes (éd. L'Atelier), un livre blanc dans lequel elle formule deux propositions : assouplir l'accès aux "contrats jeunes majeurs" et développer les dispositifs d'accompagnement des sortants de protection de l'enfance. 

Être autonome financièrement et affectivement

"J'assimile un peu le départ de l'établissement à 18 ans au départ d'une famille, raconte Pauline Beydon, la directrice d'un établissement de protection de l'enfance qui dépend de la fondation Apprentis d'Auteuil. Il est rare qu'un jeune quitte sa famille du jour au lendemain et ne retourne pas pour un déjeuner familial dimanche ou peut-être faire laver son linge par sa maman... C'est rare les arrêts brutaux. Or, pour des jeunes qui n'ont pas de ressources familiales, du jour au lendemain, ils doivent voler de leurs propres ailes quand la prise en charge s'arrête. C'est à dire être autonome financièrement, administrativement, affectivement."
La Fondation accueille 3 200 jeunes confiés par le juge pour enfants ou par l'ASE. Depuis 2016, elle expérimente le dispositif "Touline" qui permet un suivi de ces jeunes pendant trois ans. Il est financé par des fonds privés et européens et pourrait inspirer le gouvernement et accueille aujourd'hui 200 jeunes dans cinq centres : Lille, Dijon, Nantes, Paris et le Val-d'Oise.
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