mercredi 24 octobre 2018


Point de vue I 06.09.2018

Tribune : "Plaidoyer pour un ministère de l’Enfance"

Dénonçant les insuffisances de la loi "Schiappa " en matière de protection des mineurs contre les violences, notamment sexuelles, un collectif de professionnels réclame la création d’une structure ministérielle dédiée à l'enfance et à ses problématiques.


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"Les derniers mois ont été rudes pour l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance et de la lutte contre les violences sexuelles.
Rudes, eu égard à la situation en France, qui est toujours aussi dramatique. On estime que 130 000 filles et 35 000 garçons sont victimes de viols et de tentatives de viols chaque année, dans 96 % par des proches, selon l’association Mémoire traumatique et victimologie. 40 % des femmes violées et 60 % des hommes violés l’ont été avant 15 ans. Dans plus de 80 % des cas, ces viols avant 15 ans sont incestueux (1). Et les enfants handicapés subissent quatre fois plus de violences.
Or "les viols sur les enfants bénéficient d’une impunité quasi totale", souligne la docteure Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association. Seuls 4 % des viols sur mineurs font l’objet de plaintes. Au final, 10 % des plaintes sont jugées pour viol aux assises, soit 0,3 % de l’ensemble des viols (2).
Rudes, car le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes voté le 1er août dernier avait suscité beaucoup d’espoirs, en pleine vague MeToo. Le chef de l’Etat lui-même avait évoqué son ambition de faire de ces questions "une grande cause" de son quinquennat.
En septembre 2017, l’affaire de Sarah, 11 ans, dont le parquet a requalifié en atteinte sexuelle un viol commis par un homme de 28 ans, a brutalement fait prendre conscience à l’opinion publique qu’aucune présomption d’un non-consentement permettait de protéger strictement nos enfants en France. Une mobilisation massive a abouti à ce que le tribunal correctionnel de Pontoise se déclare incompétent et renvoie l’affaire à l’instruction. A l’unisson, tous les professionnels ont réclamé que soit adopté un seuil d’âge strict en deçà duquel tout acte sexuel commis par un adulte sur un enfant serait un crime. Le gouvernement s’y était engagé, et pourtant...
Définitivement voté en toute fin de session parlementaire, un 1er août, devant un hémicycle parsemé où seuls 92 députés étaient présents, le projet de loi a failli à cette mission, provoquant l’extrême déception des associations et de nombreux parlementaires. Finalement, l’article 2 et désormais article 222-22-1 du code pénal, qui concentre la majorité des critiques, fixe un âge "plafond" sous lequel la contrainte ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité d’un mineur incapable du discernement nécessaire pour ces actes.
L’introduction de la notion de discernement pour caractériser la contrainte pourrait se révéler fatale.
L’introduction de la notion de discernement pour caractériser la contrainte pourrait se révéler fatale. En effet, la jurisprudence s’appuyant sur le discernement retient de façon générale la responsabilité pénale d’un enfant dès l’âge de 7 ou 8 ans. Inscrire cette notion pour caractériser la contrainte ou la surprise en précisant que cela ne concerne que les enfants de moins de 15 ans est une mystification. Un adolescent de 15 ans et plus qui manquerait de discernement, au sens où cette notion est entendue en droit, aurait donc un problème d’ordre mental.
En outre, la pratique ne faisait pas de différence entre mineurs de moins de 15 ans et de plus de 15 ans. La vulnérabilité pouvait donc être retenue, selon les circonstances, pour des mineurs de plus de 15 ans. Ce qui ne sera donc plus le cas désormais. Plus grave encore, l’appréciation est strictement encadrée. La loi ne pense la vulnérabilité que pour un enfant incapable de discernement en cas de plainte pour viol. Et les juridictions devront vérifier non pas la vulnérabilité mais un abus de celle-ci.
Il convient aussi de préciser que la contrainte pouvait déjà être déduite de la différence d’âge et de l’autorité de fait ou de droit. La loi "Schiappa" reprend cette disposition, mais en exclut l’auteur mineur pour ce qui est de l’autorité de fait. Il s’agit donc d’un net recul. Le texte n’envisage pas une autorité de fait entre un mineur de 18 ans et une victime très jeune. "Oubli" gravissime car, désormais, l’autorité de fait entre un auteur majeur et une victime mineure suppose non une simple différence d’âge, mais une différence d’âge "significative" ; cela peut a contrario indiquer, en raison de l’exclusion du cas auteur/victime mineure, qu’une différence d’âge très importante sera requise, certainement de plus de dix ans. Or 25 % des agresseurs d’enfants sont des mineurs (3). Ce n’est donc pas une disposition de progrès mais, au contraire, une disposition qui pourrait se révéler régressive.
Depuis le vote du texte, le secrétariat d’Etat à l’égalité et ses soutiens ont tenté de faire croire à l’opinion que cette loi posait un seuil de non-consentement pour les mineurs de 15 ans. Une pure malhonnêteté intellectuelle. Pire, des militants de la majorité s’en sont pris de façon extrêmement virulente sur les réseaux sociaux à tout professionnel, activiste ou victime critiquant cette loi. Et ceci avec mépris et arrogance, tout en continuant d’affirmer, à tort, que la loi "Schiappa" serait davantage protectrice pour les enfants.  
Experte indispensable en France pour son engagement envers les victimes de violences et la reconnaissance du psychotraumatisme, Muriel Salmona a même vu son travail détourné par le secrétariat d’Etat, qui a estampillé sur son site officiel une de ses infographies sur l’absence de seuil d’âge en France en la barrant d’une mention "fake news". Cette contrefaçon a provoqué une levée de boucliers de l’ensemble des militants et associations, qui ont appelé au retrait de cette publication mensongère, dont l’impact est potentiellement gravissime pour l’ensemble des victimes. Ce qui a été enfin fait en catimini, au terme de trois semaines de diffusion.
Dans ce contexte, les quelques avancées du texte – tels l’allongement des délais de prescription pour les viols sur mineurs, qui est passé de vingt à trente ans après la majorité (même s’il ne prend pas en compte les agressions sexuelles aggravées, rendant son effet minime), ou encore l’outrage sexiste et autres dispositions – sont passées inaperçues, au regard de l’urgence qu’il y a à mieux protéger nos enfants.
Nous a été opposé l’argument de l’inconstitutionnalité d’une éventuelle présomption de non-consentement. Mais les solutions alternatives qui ont été proposées, comme celle de criminaliser tout acte sexuel commis par un adulte sur un enfant, ont toutes été rejetées. Les associations et professionnels relayés par les élus de l’opposition ont été une force de proposition majeure totalement ignorée par la secrétaire d’Etat, qui les a pourtant reçus.
Cette campagne ahurissante de calomnies envers les lanceurs d’alerte aura cependant eu le mérite de souder comme jamais les acteurs de la protection de l’enfance.
Durant l’été, les invectives et autres mensonges des personnes soutenant cette loi ont contraint les militants à répondre pied à pied pour ne pas laisser l’opinion publique être induite en erreur. Les méthodes de communication utilisées par l’entourage de la secrétaire d’Etat à l’égalité nous ont tous sidérés, à commencer par celles de son conseiller spécial en communication, qui a récemment bloqué sur Twitter l’ensemble des auteurs et plusieurs signataires d’une tribune du JDD critique de la loi "Schiappa".
Dans la foulée, 84 députés et sénateurs ont même répondu à notre tribune pour soutenir ce qu’ils qualifient de "loi de progrès" (!) et affirmer, encore une fois de façon erronée, que la loi "Schiappa" prévoit un âge seuil. 84 parlementaires sur les 334 de LREM, soit à peine un quart...
Cette campagne ahurissante de calomnies envers les lanceurs d’alerte aura cependant eu le mérite de nous souder comme jamais, nous, les acteurs de la protection de l’enfance, secteur en grande souffrance. Et à l’approche de la rentrée, nous avons à cœur de nous concentrer à nouveau sur les problèmes essentiels. Qu’allons-nous répondre désormais aux enfants victimes se présentant dans nos bureaux ? Leur rendre justice consiste d’abord à reconnaître que ce qu’ils ont subi est bien une agression sexuelle ou un viol, et que tout sera mis en œuvre pour que ces violences ne se reproduisent pas. Or, à travers cet échec législatif dont il est responsable, le secrétariat d’Etat fait le choix de désarmer les professionnels de terrain en lien direct avec les victimes, et ce, alors qu’ils sont déjà privés de moyens à la hauteur de l’urgence.
Cette malheureuse expérience montre une fois de plus les limites de l’absence d’un interlocuteur ou d’une interlocutrice spécialiste de ces questions, et remet donc en lumière la nécessité de mettre en place un ministère entièrement dédié à l’enfance et à ses problématiques, dans la continuité des travaux menés par la précédente mandature.
Cette malheureuse expérience remet donc en lumière la nécessité de mettre en place un ministère entièrement dédié à l’enfance et à ses problématiques.
Seul(e) un ou une experte de ces sujets peut comprendre l’urgence de fixer un seuil d’âge réel pour mieux protéger les enfants à 15 ans et à 18 ans en cas d’inceste. Rappelons qu’un sondage IPSOS commandé en juin 2018 par l’association Mémoire traumatique et victimologie révèle que 81 % des Français sont favorables à l’instauration d’un seuil d’âge en dessous duquel toute pénétration par un adulte sur un enfant est un crime. Et une pétition lancée sur le même sujet par Madeline Da Silva, militante au Groupe F pour le droit des enfants, a recueilli à ce jour plus de 500 000 signatures.
Le gouvernement ne peut donc pas rester indifférent à ce que souhaite une très large majorité des Français, qui ne sera pas dupe face au triomphalisme fallacieux et aux mensonges distillés par les auteurs et les soutiens de la loi "Schiappa". Espérons que le gouvernement saura tirer tous les enseignements de l’échec de cette loi en instaurant un véritable seuil d’âge qui pourrait tout à fait s’inscrire dans la prochaine réforme de la justice."

Auteurs : Madeline Da Silva, militante des droits de l’Enfant au Groupe F, Muriel Salmona, psychiatre, présidente de Mémoire traumatique et victimologie, Lyes Louffok, membre du Conseil national de la protection de l’Enfance, Azhour Schmitt, juriste, Stéphanie Lamy, cofondatrice du Collectif "abandon de famille, tolérance zéro", Mié Kohiyama, présidente de MoiAussiAmnesie, Jean-Pierre Salmona, membre du bureau de Mémoire traumatique et victimologie.
Contact : lyes.louffok@gmail.com

Quelles prises en charge pour les enfants
présentant des troubles du comportement ?


 
Un texte de Daniel Calin


Autres articles sur ce site  Lire aussi sur ce site un ensemble important de textes consacrés aux problématiques des troubles du comportement.
Origine du texte  Ce texte a servi de base à une conférence donnée à Arcachon, le 5 octobre 2007, dans le cadre du XXe congrès de l’AFPS, intitulé Regards pluriels enfant singulier (Quelle place à l’école pour l’enfant de la modernité ?). Il a été initialement publié en Mars 2008 dans les annales de ce congrès.

Sommaire



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Remarque préalable
Malgré le titre de mon intervention, de par des contraintes de temps, j’ai décidé de centrer ma réflexion sur ce que je propose d’appeler les « enfants du chaos ». Je ne ferai qu’effleu­rer la problématique, beaucoup plus classique, des « enfants hors la loi », et je laisserai dans l’ombre la question controversée des « psychopathes », certes passion­nante, mais qui appellerait à elle seule une réflexion très spécifique.


Des notions floues

La notion de « troubles du comportement » est extrêmement floue(1). Si un certain flou est inéluctable, voire souhaitable, dans toute tentative de classi­fication psychopathologique, on atteint ici à l’extrême. D’ailleurs, le DSM-IV éclate cette notion généraliste entre divers « troubles » posés comme plus spécifiques(2) : Conduct Disorder, Attention Deficit Disorder (ADD) ou Attention Deficit/Hyperactivity Disorder (ADHD)(3), Oppositional Defiant Disorder (ODD)(4), Intermittent Explosive Disorder (IED), Reactive Attach­ment Disorder (RAD) et ainsi de suite. Sans vraiment résoudre le problème, tant ces sous-catégories de ce que nous appelons globalement les « troubles du comportement » sont elles-mêmes filandreuses.
De plus, non seulement chacune de ces notions est en elle-même imprécise, mais, plus gênant encore, les critères d’établissement du diagnostic de ces « troubles » retenus par le DSM IV(5) semblent relever d’un amateu­risme digne tout au plus des magazines « psychologiques » grand public. Prenons l’exemple du TOP. Voici les critères diagnostiques du DSM IV pour ce « trouble spécifique » :
Ensemble de comportements négativistes, hostiles ou provocateurs, persistant pendant au moins 6 mois durant lesquels sont présentes quatre des manifestations suivantes (ou plus) :

(1) se met souvent en colère
(2) conteste souvent ce que disent les adultes
(3) s’oppose souvent activement ou refuse de se plier aux demandes ou règles des adultes
(4) embête souvent les autres délibérément
(5) fait souvent porter sur autrui la responsabilité de ses erreurs ou de sa mauvaise conduite
(6) est souvent susceptible ou facilement agacé par les autres
(7) est souvent fâché et plein de ressentiment
(8) se montre souvent méchant ou vindicatif

N.B. On ne considère qu’un critère est rempli que si le comportement survient plus fréquemment qu’on ne l’observe habituellement chez des sujets d’âge et de niveau de développement comparables.

Il est clair que chacun de ces « critères » est en lui-même susceptible d’appréciations pour le moins subjectives : que signifie exactement, par exem­ple, « se montrer méchant ou vindicatif » ? De plus, chacun de ces critères est affublé d’un « souvent », sans lequel il perdrait tout pouvoir dis­criminant, tant les comportements évoqués sont d’une absolue banalité. Le Nota bene qui clôt cette série a beau tenté de guider le diagnostiqueur hésitant en se référant à ce que l’on « observe habituellement chez des sujets d’âge et de niveau de développement comparables », ce dernier n’est guère plus avancé pour autant, faute de toute référence un tant soit peu objectivée sur la fréquence de ces divers comportements(6) chez les enfants en fonction de leur âge et de leur « niveau de développement »(7).


Une dénégation des difficultés psychiques


La notion de « troubles du comportement », réduite à elle-même, peut être considérée comme une forme insidieuse de dénégation. Tout d’abord, elle attribue les « troubles » à l’enfant, et non à son environnement, alors que, dans la grande majorité des cas, l’environnement familial et social de ces enfants est clairement problématique, voire franchement catastrophique. Ensuite, elle suppose que, chez les enfants qu’on fait entrer dans cette catégorie, seuls leurs « comporte­ments » sont « troublés », donc non leur personnalité ou leur organisation psychique. D’ailleurs, le DSM-IV, pour chacun des « troubles » entre lesquels il fragmente notre notion générale, prend bien soin de spécifier que les « troubles » décrits doivent être différenciés de comportements similaires observables dans des pathologies plus classiques, en particulier dans des pathologies de type psychotique. Tout comme nous opposons d’ailleurs nous-même ordinairement ces « troubles du comportement » aux « troubles de la personnalité »(8).
Or, si les enfants étiquetés « troubles du comportement » sont de fait aisément différenciables des autistes ou de tout autre type de psychotiques, il est cependant peu contestable que leur « personnalité » est pour le moins problématique, même si par ailleurs il est le plus souvent difficile de leur coller l’une ou l’autre des étiquettes dont nous disposons dans le champ des névroses(9). Ni psychotiques, ni névrosés, ces enfants déroutent nos réfé­rences psychopathologiques ordinaires – avant de dérouter les pratiques psycho­thérapeutiques ordinaires, et finalement les thérapeutes eux-mêmes, qui, généralement, ne se précipitent guère, c’est le moins que l’on puisse dire, pour les prendre en charge. Au fond, cette appellation tend plus ou moins confusément à « avouer » un refus de prendre en charge ces enfants, voire à « inviter » à une prise en charge « comportementale », voire médicamenteuse ou, plus tard, pénale !
Toutefois, les esprits évoluent. Le dernier texte réglementaire dont nous disposons en ce domaine est le décret n° 2005-11 du 6 janvier 2005, qui transforme les Instituts de Rééducation en ITEP(10). Il définit le public des ITEP comme présentant « des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages ». Ici, les « troubles du comporte­ment » ne sont plus que « l’expression » des « difficultés psychologiques » de ces « enfants, adolescents ou jeunes adultes ». D’ailleurs, le même texte oblige les ITEP à un « partenariat avec les équipes de psychiatrie de secteur ». Reste que cette reconnaissance officielle de « difficultés psychologiques » comme source des « troubles du comportement », même si elle constitue un pas en avant fort appréciable, ne spécifie en rien en quoi consistent ces bien vagues « difficultés psychologiques ». L’usage d’un terme aussi banal que « difficul­tés » peut d’ailleurs être considéré à son tour comme une forme de dénégation de la gravité des « difficultés » en question...


Des enfants troublants


À vrai dire, les enfants présentant des « troubles du comportement » se caractérisent surtout... par le trouble qu’ils induisent autour d’eux ! Avec succès : de tous les enfants hors des normes, ce sont bien ceux qui troublent le plus les équipes pédagogiques, et plus généralement la société toute entière. C’est probablement cela qui induit la façon dont on les définit habituellement, par leurs « comportements » supposés troublés, donc par leurs conduites observables, sans trop se préoccuper de ce que leurs conduites signifient ou traduisent. Ces enfants sont plus troublants que troublés, on ne les considère guère comme « troublés » que parce qu’ils sèment le « trouble » autour d’eux... Il arrive d’ailleurs que l’on soit amené à constater que leur « trouble » se réduise à ce « trouble » autour d’eux, aux perturbations de leur relation avec tel entourage particulier, comme le montrent les multiples exemples de disparition de tout « trouble » lors d’un changement d’entourage, même dans des « cas » qui pouvaient sembler gravissimes. Si un simple changement d’entourage ne résout pas toujours les problèmes, loin de là, il y a cependant là des observations suffisamment... troublantes pour ne jamais exonérer trop vite, dans l’analyse de ces enfants, l’importance des effets purement (?) systémiques. Winnicott avait observé que les groupes d’adolescents problématiques avaient tendance à s’aligner sur « le plus malade du groupe ». Il faudrait peut-être ajouter que tout groupe a besoin de désigner son membre « le plus malade » – pour s’y conformer comme pour le rejeter. C’est, sous diverses formes, le principe du bouc émissaire. Du caïd malfaisant au bouc émissaire, la distance est parfois bien mince(11).


Des enfants hors la loi ?


Winnicott, justement, a été un des premiers analystes à approcher et tenter de penser ces jeunes dérangeants(12). Il a élaboré pour eux le concept de « tendance anti-sociale ». Dans la foulée de ces analyses, j’ai pour ma part longtemps considéré que ces enfants et adolescents, au-delà de la diversité de leurs « comportements », présentaient un problème commun de « rapport à la loi ». En bonne théorie psychanalytique, cela signifiait qu’ils étaient à mes yeux caractérisés par des défaillances de leurs constructions surmoïques. Défaillan­ces que je renvoyais bien évidemment à des défaillances éducatives, reprenant ainsi à mon compte la notion de « carences éducatives ». C’est tellement évident, dans la plupart des cas ! Certes, l’âge et l’expérience venant, j’ai atta­ché de plus en plus d’importance aux problèmes d’identifi­cations, en particulier aux défaillances de l’identification au parent de même sexe, et non plus au seul exercice de l’autorité éducative. Mais cela ne changeait rien de fondamental à ma perception de ces problèmes, puisqu’il s’agissait bien toujours au fond de problématiques « éducatives », simplement pensées sur un mode moins obsédé par les problématiques négatives – « castratrices » – de l’autorité et de l’interdit, et mieux articulé aux problématiques positives, constructives, de l’identification.
Dans cette perspective, le principe de toute solution aux problèmes posés par ces « enfants hors la loi » est forcément de reprendre l’éducation de ces mômes « mal élevés ». Ré-éduquer, donc. Nous, pédagogues ou psycho­péda­gogues informés, savons assez bien, au moins en théorie, ce qu’il faut faire avec ce type d’enfants ou d’adolescents : pédagogie Freinet, pédagogie institu­tionnelle, espaces d’écoute et d’expression, confrontation aux nécessités du travail en commun et/ou aux exigences du travail sur la matière ou sur la nature... Les dures réalités de la confrontation à ces enfants amènent souvent à psychologiser quelque peu cette ligne directrice très « pédagogique », en y ajoutant ce qu’il faut d’appel à identifications : on sait bien, ou l’on croit savoir(13), que les seuls « éducateurs » qui tiennent la route avec ce type de public ont nécessairement maille à partir personnellement avec ces probléma­tiques, d’une façon ou d’une autre. Pour faire bref, la solution aux problèmes de ces gamins hors la loi croise pédagogie institutionnelle et « grands frères ».


Des enfants hors la loi aux enfants du chaos


Et il est vrai que ces recettes éprouvées fonctionnent assez bien avec la plupart de ces enfants ou de ces adolescents. Mais elles ne fonctionnent pas toujours. Nombre de professionnels expérimentés affirment même qu’elles fonctionnent de moins en moins bien. Après pas mal de résistances, j’ai fini par me convaincre, par stagiaires interposés comme par observations personnelles, qu’il y avait là de vrais constats, donc un vrai problème, et pas seulement l’éternel retour des « vieux cons » idéalisant les temps lointains de leur jeu­nesse révolue.
Les classifications neuro-américaines du type du DSM-IV, aussi désolantes soient-elles sur le fond, ne sont pas uniment dénuées d’intérêt. Dans le domaine psychologique comme ailleurs, le pragmatisme acéphale des Anglo-Saxons permet parfois de mieux appréhender les réalités que nos théories en dérives dogmatiques d’Européens continentaux. Un des déclencheurs de l’évolution de mes représentations sur ces questions a ainsi été la notion neuro-américaine de trouble de déficit de l’attention/ hyperactivité, le TDAH. Notion particulière­ment problématique par ailleurs, puisque sa principale raison d’être est de justifier la vente du Ritalin™(14). Nous avons tous rencontré dans les classes des enfants qui illustrent assez exactement cette catégorie : ils ne tiennent pas en place, ils ne cessent d’égarer leurs affaires, les objets tombent de leur table, leur tête est une vraie passoire, ils ne retiennent rien, tout est toujours à recommencer. Dans les cas les plus sérieux, il est même impossible d’avoir avec eux la moindre conversation suivie, tant leur pensée semble vagabonder sur un mode erratique(15). Certains sont de plus impulsifs, agressifs, provocateurs : ils peuvent alors sembler relever de la lignée des théorisations sur la « tendance anti-sociale » et appeler les prises en charge qui s’en inspirent. Il faut bien avouer cependant que nombre d’entre eux, qui ne sont pas les moins désespérants pour les enseignants, surtout expérimentés(16), ne sont ni particulièrement impulsifs, ni spécialement agressifs. Nombre d’entre eux sont même de gentils garçons(17) désarmants, plus falots ou insignifiants qu’autre chose. Plus que l’agressivité(18), une autre caractéristique de ces enfants, plus psychique que comportementale cette fois, est leur « instabilité », leur « labilité émotivo-affective », disait-on avant l’invasion idéologico-lexicale neuro-américaine : « Jean qui rit, Jean qui pleure », « Je t’aime, je te hais », « Je t’embrasse, je te mords ».
Surtout, il me semble, par expériences réitérées, que ces enfants se spécifient aussi par la mise en échec ce que l’on pourrait appeler les pédagogies du rapport à la loi. Non pas qu’ils s’opposent frontalement à ces pratiques, au contraire, ils sont aisément et sincèrement d’accord avec le pédagogue atten­tionné qui leur explique la loi, ses justifications, ses procédures d’élaboration. Entièrement d’accord, même, d’une désarmante et sincère « bonne volonté », sauf que ces « bavardages », malgré eux, les ennuient ma­jestueusement. Et sauf que, finalement, ils ne peuvent pas. Si l’on veut bien les observer de près, cette incapacité ne porte même pas sur l’obéissance à la loi, mais sur la capacité à se souvenir, au moment d’agir, de la loi elle-même, pas tant de ses justifications que tout simplement de son existence même. Leurs actes, irrépressiblement, pré­cèdent leur pensée et barrent leur conscience : loin d’être comportementale, leur diffi­culté est centralement émotionnelle, et émotionnelle « en profondeur », au-delà de tout contrôle conscient possible, donc hors de la zone de ce que Bettelheim nommait « l’éducation rationnelle »(19).
Ainsi, un des comportements les plus déroutants de ces enfants consiste à nier être les auteurs de ce que nous venons de les voir faire sous nos yeux, donner un coup de poing, faire un croc-en-jambe, jeter un objet, etc.. Ils donnent l’impression, pour rester poli, de se moquer ouvertement de nous, et déclenchent conséquemment en nous un intense désir de les violenter pour une si évidente mauvaise foi. Or il me semble qu’à y regarder de plus près, dans un certain nombre de cas au moins, il faut bien faire l’hypothèse que, réellement, ils ne se perçoivent pas comme les auteurs des actes qu’on leur vient de les voir commettre. Quand on parvient à discuter à peu près calmement avec eux, on obtient des formulations déroutantes du type : « un coup de poing est (peut-être) parti » (mais qui l’a fait partir ? mystère et boule de gomme !), un objet est (peut-être) tombé, quelque chose s’est (peut-être) passé, etc.. On pense forcément à la psychose – et l’on observe de fait aussi de tels comportements chez certains psychotiques. À une nuance près : chez de « vrais » psychotiques, même sans avoir le diagnostic ou sans s’y intéresser, on n’est pas « surpris ». Intuitivement ou intellectuellement, on perçoit chez ces enfants une certaine forme de « logique ». Par contrecoup, leurs conduites ne déclenchent en nous aucune vague de violence. Cette différence de nos réactions d’observateurs ou d’éducateurs est même un critère assez efficace de diagnostic différentiel : quand on a envie de violenter l’enfant qui a de tels comportements, c’est qu’il n’est pas psychotique !


Les enfants du chaos


C’est pour ce type d’enfants que j’ai pris l’habitude d’utiliser l’expression « enfants du chaos ». Cette expression renvoie à un ensemble assez complexe d’hypothèses inusitées sur la dynamique du développement précoce. L’idée-clef est que, pour que l’enfant soit susceptible d’intégrer les premières impositions éducatives, interdictions comme obligations, il faut qu’il ait bénéficié auparavant, non pas seulement, selon la formulation classique de Winnicott, d’un maternage « suffisamment bon », mais aussi et surtout d’un maternage suffisamment structurant. J’y reviendrai.
Les insuffisances et les excès du maternage existent évidemment, les unes comme les autres, mais ne produisent pas les perturbations que je viens de décrire. Ce qui me semble manquer dans le maternage des « enfants du chaos » est d’un tout autre ordre que les carences affectives ou les excès fusionnels. Il est probable, d’ailleurs, que, parmi eux, on le perçoit parfois à fleur de peau, certains aient été plutôt trop « aimés », d’autres pas assez, et même certains conve­nablement. Mais tous ont manqué de ce que je nomme des interactions structurantes précoces. Le maternage doit certes d’abord créer les conditions de l’investissement objectal, assurer les investissements relationnels qui rendront finalement acceptables « malgré tout » les lois imposées par l’environnement maternant(20). Il doit aussi construire des bases narcissiques suffisantes pour rendre supportables les « castrations » induites par l’imposition de la loi. C’est ce à quoi renvoie la formule de Winnicott. Mais je pense que le maternage a aussi (et surtout ?) pour fonction de construire les fondations du sujet psychique, en particulier la capacité à se percevoir comme l’auteur de ses « mouvements », de ses actes moteurs comme de ses mouvements pulsionnels. Ou, plus exactement, d’aider le bébé à se construire comme sujet psychique.
Pour parler lacanien, quelque chose du sujet doit préexister à la Loi, sans quoi la Loi elle-même ne peut faire sens pour ce qui serait alors un non-sujet. Ou, plus philosophiquement, pour s’opposer, il faut d’abord avoir acquis la capacité à se poser. Pour que le petit enfant puisse tirer bénéfice de l’imposition de la loi, il faut qu’il ait opéré préalablement une sorte de travail d’appro­priation de soi, dont la manifestation la plus connue est ce que les lacaniens nomment le stade du miroir. Mes hypothèses rejoignent les analyses classiques de Piaget sur les phases précoces du développement, en particulier sur la construction de l’intentionnalité(21). Sauf que Piaget pense, comme toujours, ces constructions comme induites par le seul mouvement développemental interne de l’enfant, alors que ces constructions me semblent fortement conditionnées par la qualité du maternage reçu par l’enfant, mais des qualités autres que celles analysées par Winnicott, et largement indépendantes d’elles.
Dit en d’autres termes, j’ai fini par penser que certaines des familles qui se prétendent dépassées par leur “tyran” de trois ou quatre ans ne sont pas seulement, comme je l’ai longtemps cru, des familles incapables de tenir les exigences éducatives minimales, en particulier dans les phases douloureuses de ce que j’ai nommé les conflits éducatifs primaires(22). Non pas que ces familles aient toujours bien « fonctionné », comme le voudraient les militants de leur déculpabilisation par TDAH et Ritalin™ interposés, mais parce qu’elles n’ont pas dysfonctionné là où on le pense habituellement, c’est-à-dire dans les premières entreprises éducatives, mais avant, bien avant, dans les réalités subtiles et moins visibles du maternage lui-même. Et ce sont ces dysfonction­nements antérieurs qui font que l’entreprise éducative, même correctement menée et menée à temps, ne parvient pas à fonctionner : l’enfant n’intègre aucune règle, ne se soumet à rien, campe sur sa position de toute-puissance - position psychique dont sa croissance physique augmente rapidement le potentiel de nuisance !


Un maternage insuffisamment structurant


Certains aspects du maternage ont donc des fonctions autres que les logiques ordinaires du soin auxquelles on tend généralement à réduire cette notion de maternage. Il ne s’agit plus de « prendre soin », mais d’impulser et soutenir le processus de structuration psychique du bébé. Ces interactions structurantes précoces restent assez mal explorées, sans être pour autant totalement ignorées(23). J’ai proposé pour ma part deux concepts, plus ou moins originaux : la fonction d’apaisement(24) et la fonction d’adosse­ment(25). Il faudrait y ajouter une autre notion, mieux balisée, en particulier par Anzieu, qui serait la fonction de contenance. Dans la foulée de ces concepts, mon amie et co-auteur Claudine Ourghanlian a proposé les notions de fonction d’endossement(26) et de fonction d’adressement(27). Il serait trop long de développer ici ces cinq concepts, et je vous renvoie à mon site pour explorer plus avant ces propositions théoriques.
Je vais prendre ici un seul exemple, celui de la fonction d’apaisement. Dans les relations précoces(28) entre le bébé et son entourage, à travers les soins habituels, mais aussi indépendamment de ces soins et au-delà d’eux, les personnes qui composent cet entourage doivent être capables d’apaiser le bébé, de calmer ses émotions trop vives, aussi bien ses fréquents mouvements de peur ou de désespoir que ses excitations jouissives. Pour l’endormir, bien sûr, mais pas seulement. Il s’agit aussi de limiter les phases de désorganisation psychique induites chez les tout-petits par tous les débordements émotion­nels(29). Il s’agit encore de lui permettre des phases d’observation ou d’exploration « tranquilles » de son environnement comme de son corps propre. Il s’agit enfin et surtout d’installer en lui une capacité à s’apaiser, par intériorisation progressive de ce qui est d’abord vécu dans des interactions hautement investies. Cette capacité d’auto-apaisement est indispensable pour que ce sujet en construction ne soit pas en permanence menacé d’explosion par des affects trop intenses. Il conditionne ainsi un accès régulier au sentiment de continuité de sa propre existence, si essentiel au sentiment de sécurité et à l’élaboration de la conscience de soi.
On voit ainsi que commencent à se jouer là, extrêmement tôt, et bien avant que l’idée même de loi ait le moindre sens, des choses aussi détermi­nantes pour la suite que la capacité à maintenir ses émotions à un niveau suffisamment bas pour que la vie la plus ordinaire soit tout simplement possible, tout comme la capacité à s’efforcer de penser le monde et de se penser soi-même autrement que sur le mode d’hallucinations saturées d’affects. Comme je l’ai écrit dans un article précédent : « Je ferais volontiers l’hypothèse que c’est l’absence ou l’insuffisance d’expériences précoces d’apaisement qui détermine des troubles de la régulation des affects, en particulier ce que la novlangue neuro-américaine nomme trouble déficit de l’attention/hyper­activité (TDAH) »(30).
Il en va me semble-t-il de même, selon les diverses facettes des troubles du comportement, pour les autres fonctions structurantes précoces décrites dans les articles évoqués ci-dessus.


Quelle prise en charge ?


Ces enfants me semblent appeler d’abord... une information auprès des enseignants qui en ont la charge. Lourde charge : d’une part, leur présence dans une classe est fortement perturbatrice, voire désorganisatrice ; d’autre part, ils sont d’autant plus désespérants qu’ils donnent souvent l’impression d’être assez proches de la normale, ce qui rend insupportable l’échec pédagogique total que l’on connaît avec eux. L’information à faire passer, à l’encontre des prudences nécessaires pour beaucoup d’autres enfants problé­matiques, c’est d’abord, contre des apparences trompeuses, la reconnaissance de la lourdeur et de la profondeur des « difficultés » de ces enfants. C’est que ces enfants ne relèvent pas seulement d’un traitement pédagogique, qu’ils sont incapables de se soumettre aux exigences des apprentissages scolaires sans d’autres types de prise en charge. Pour déculpabiliser des enseignants désorientés par le type de difficultés de ces enfants, mais aussi pour amener les enseignants à « relâcher la pression » sur ces enfants, en termes de discipline comme en termes d’apprentissage. Cette « pression », en effet, ne sert pas à grand-chose, comme les enseignants ne peuvent manquer de s’en rendre compte, et risque au contraire d’aggraver les tensions intrapsychiques que ces enfants ont le plus grand mal à gérer. Il ne s’agit évidemment pas d’amener les enseignants à renoncer à toute ambition vis-à-vis de ces élèves, mais de briser le cercle vicieux qui tend à s’instaurer entre eux, dans lequel chacun fait « flamber » l’autre, sans aucun bénéfice ni pour l’un ni pour l’autre, sinon de creuser entre l’un et l’autre un fossé de plus en plus difficile à combler.
Les traitements « instrumentaux », qui sont hélas de plus en plus de mode, sont une catastrophe pour ces enfants, plus encore si possible que pour les autres. Leur désolante pauvreté éducative ne peut que renforcer la ré­pugnance de ces enfants vis-à-vis de la chose scolaire, et creuser le fossé dont nous venons de parler. Au pire, un « dressage » rigoureux menace de les pathologiser ou de les briser plus encore. Je me méfie en particulier de la logique des PPRE dont ces élèves risquent désormais d’être bombardés : ces programmes ciblés, intensifs et à court terme sont exactement l’inverse de ce qu’il leur faut ; ils vont masquer plus encore la réalité et la profondeur de leurs troubles psychiques.
Hors de la classe, mais peut-être d’abord dans certains aménagements des pratiques de classe, la prise en charge de ces enfants me semble appeler prioritairement des interventions centrées sur le corps, du fait de l’enracinement très archaïque de leurs difficultés. Il est dommage que les RPM(31) aient cédé le pas aux maîtres G. Leurs modalités habituelles d’inter­vention, comme leur regard sur l’enfant, devaient être ce qui peut se faire de plus proche des besoins de ces enfants : apaiser, envelopper, contenir, organi­ser ces enfants, au plus proche de leur corps et de leurs émotions.
Du point de vue pédagogique, même si l’action pédagogique me semble insuffisante pour nombre de ces enfants, c’est probablement également dans des pédagogies attachées à organiser l’expérience sensori-motrice que l’on peut trouver des pistes intéressantes. Certains aspects de la pédagogie Freinet, mais plus encore l’éducation sensorielle et motrice rigoureuse et précoce prônée par Maria Montessori gagneraient à être fortement réactivées pour ce type d’en­fants – aux antipodes, donc, de la préoccupation enva­hissante pour le langage dès l’entrée à l’école maternelle.
Je terminerai sur une note pessimiste. Thérapies psychomotrices et pédagogies sensorimotrices risquent de buter sur la précocité et la profondeur de l’enracinement des troubles de ces enfants. Des interventions précoces sont fortement souhaitables, comme pour tous ces troubles à enracinement précoce, si l’on veut atteindre une efficacité raisonnable. Ce qui, alors, bute sur une autre difficulté, redoutable, qui est la difficulté à discriminer, dès la quatrième année par exemple, les « enfants du chaos » de ce qu’il reste très normalement d’inachèvement à cet âge. Difficulté d’autant plus grande qu’elle doit compter avec une intrusion des politiciens les plus rétrogrades dans ces questions délicates sous prétexte de lutte contre la délinquance, mais aussi avec une évolution des attitudes parentales de plus en plus tolérante aux « désordres » prolongés de leurs enfants. Tolérants vis-à-vis de leurs enfants à eux, bien sûr, les mêmes parents outrageusement laxistes pouvant fort bien soutenir les pires entreprises politiciennes dans la répression précoce des enfants des autres... N’est-ce pas, peut-être, une partie conséquente de la population qui glisse ainsi, avec ses enfants, vers le chaos intérieur ?

Daniel Calin