vendredi 9 décembre 2016

Enfants en ITEP

Des enfants agressifs, violents, instables, anxieux, souvent inquiétants...
Leurs comportements, déviants, inadaptés, difficiles, sans limites, impulsifs ou mutiques, parfois incompréhensibles...
Leurs troubles d’attention, d’apprentissage, relationnels, toujours préoccupants...
Des enfants en mal de repères, dans l’incapacité de maîtriser, de ressentir, de comprendre des comportements qui pourtant leur appartiennent...
Alors des enfants qui “déboussolent” un entourage ne pouvant souvent répondre qu’à la partie visible d’un iceberg qu’ils leur présentent...

Mais alors qu’est-ce que ces enfants aux (en) troubles du comportement viennent justement “troubler” dans cet entourage ?
Que voile, parfois si obscurément, l’autre partie immergée de cet iceberg (et qui parfois nous amènerait à ne répondre qu’à l’autre partie) ?

Au fil des années passées auprès d’eux, j’éprouve encore plus fortement une forme d’empathie à l’égard de ces enfants, de leurs troubles, d’une souffrance parfois ressentie comme incomprise, abandonnée, oubliée, délaissée, qui m’amène à vouloir toujours plus plonger vers cette face cachée, en quête d’une aide vraie...
J’entrevois alors
“ces instants où l‘autre nous touche, éveille en nous la sympathie, le désir de comprendre ses difficultés et de l‘aider”, peut-être “les instants où vibre en nous une reconnaissance de quelque chose qui nous appartient, que nous éprouvons, qui nous fait ressentir l‘autre”(1) et nous pousse à l’accompagner…

Mais comment pouvoir aider des enfants, dont le comportement, les actes et les paroles (qui les ont amené à un déplacement “socio-scolaire”) peuvent à tout moment être imprévisibles, explosifs, déroutants, dont les caractères sont parfois si changeants, dont la personnalité souvent ambiguë peut mettre les personnes qui les accompagnent dans une position inconfortable ?
Comment s’engager, professionnellement, mais aussi humainement, auprès de ces enfants, sans essayer de profondément les comprendre ?

Éduquer est un «métier impossible» disait Freud !
(2)

Et même si cette affirmation avait été présentée sous forme de boutade (ou peut-être d’une éventuelle provocation à réfléchir ?), c’est à l’impossible que serait tenus tout éducateur au sens large… - Ce, d’autant plus fortement avec des enfants dont la manifestation des troubles «perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages»
(3) et les propulse «dans un processus handicapant»(4).
Et pourtant les ITEP existent - des éducateurs, instituteurs, rééducateurs (…) interviennent et accompagnent chaque jour ces enfants souvent stigmatisés de «difficiles»…
Les actions menées, les projets entrepris, les progressions observées sont alors peut-être, malgré parfois certaines désillusions, autant de choses à évoquer, parler, transmettre pour profondément réhabiliter ces enfants «exclus» dans leur place et vie d’enfant, mais aussi pour faire tomber cette image trop souvent fausse et stéréotypée des ITEP…

                                                                                       Eric FURSTOS






Ainsi, je pourrais déterminer « simplement » les troubles du comportement comme des symptômes qui mettraient en cause les relations de ces enfants avec leur entourage (famille, groupes sociaux, École..).
Ces troubles du comportement seraient alors souvent, soit à l’origine, soit la résultante de retards importants dans les apprentissages scolaires, ainsi que dans les actes de la vie quotidienne.
Mais surtout, les nombreux symptômes manifestés par ces enfants (actes agressifs, colères, mensonges, vols, défenses, replis, inhibition...) ne seraient, en fait, pas si différents de nature que les comportements d’autres enfants considérés comme “normaux”.
C’est leurs persistances au-delà d’un certain seuil (avec souvent un décalage d’âge plus élevé) qui en feraient des signes pathologiques, des manifestations “anormales ou inadaptées”, marquant alors très certainement une absence d’évolution ou une régression du Moi en formation...




Selon Jacques LOISY[26], les enfants TCC se manifestent par leur comportement ne pouvant, ou ne sachant pas verbaliser leurs émotions (difficulté de symbolisation), leur mal-être, du fait de leur jeune âge et/ou de la non capacité d’écoute de leur entourage.
Ils emploient alors, pour s’exprimer, ce qui est à leur disposition, c’est à dire leur comportement.
Ces troubles du comportement chez l’enfant sont donc bien des symptômes à comprendre, les symptômes d’un mal-être, éprouvé par l’enfant, ou le faisant agir dans la répétition (dictée par un possible “retour du refoulé”, ou par une recherche “de non tension” ou d’illusion de satisfaction perdue...).
Il s’agit, pour beaucoup de ces enfants, d’un réel problème d’accès à la symbolisation, dans une incapacité à faire seul la liaison entre les expériences, dans une impossibilité à les signifier (dans le sens du “signifiant” comme représentation dans l’absence par le mot[27]).

Les comportements “inquiétants lorsqu’il sont hors normes sociales - insupportables  lorsqu’il agressent l’autre...” seraient alors, au delà d’être observables par l’entourage,  l’expression d’un mal-être réactionnel à un évènement externe ou interne...”[28].

Cependant, il est important de rajouter que la perception des troubles du comportement est subjective, dans l’interaction de l’environnement socio-culturel, ainsi que du seuil de tolérance individuel de celui qui les observe (façon de les voir, de les comprendre [empathie], de les retranscrire, de les accepter...).

Le comportement et ses troubles doivent donc être considérés comme un message émis par l’enfant : “comprenne qui pourra, comprenne qui voudra...”[29].
Il nous faut alors être amené à considérer ces troubles comme un symptôme à comprendre (à “signifier”) dans une démarche clinique, tout en prenant en compte les circonstances événementielles et contextuelles (pour les troubles dit “réactionnels”), mais aussi et surtout l’histoire, l’anamnèse, ainsi les relations avec l’environnement familial, social, et les interactions réciproques entre le sujet et son environnement...

Ainsi, les signes, les symptômes, qui s’associeront en syndromes évoqueront  certainement un dysfonctionnement, un mal physique ou psychique...
Françoise DOLTO[30] prend l’exemple de l’angoisse qui peut chercher à se libérer dans un symptôme, qui permettra la décharge affective.
Aussi dit-elle que cette traduction pourra être tolérée ou pas par le monde extérieur ou la partie consciente du l’enfant. En cas de répression, l’apaisement ne pourra aboutir, ouvrant à une nouvelle angoisse; à un autre symptôme.
Pour Paul FUSTIER, reprenant les travaux de D. W. WINNICOTT sur “la tendance antisociale”, l’enfant présentant des troubles du comportement peut rappeler inconsciemment “quelque chose d’un lointain passé - pouvant bousculer les obstacles que le monde extérieur lui fait subir, et rétablir une expérience primitive...”[31].
Roger PERRON rajoute que certaines des conduites inadaptées “dérivent très fréquemment d’évolutions et d’intégrations mal réussies, coûteuses, mal équilibrées, mal adaptées aux contraintes du milieu de vie” [32]...


 
 








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