vendredi 19 mai 2017

Claude Halmos , "pourquoi l'amour ne suffit pas ?"


Votre livre s’intitule Pourquoi l’amour ne suffit pas. Les parents d’aujourd’hui croient donc que l’amour suffit pour élever les enfants ?

Claude Halmos : Ils sont pris dans un mouvement de toute la société, où l’on tend de plus en plus à réduire les relations parents-enfants à de l’amour. On entend beaucoup dire, à propos de divorce ou de placement, par exemple : « Pour l’enfant, ça sera bien puisqu’il sera aimé. » Au fond, il y a une espèce de certitude implicite qui pèse sur les parents. Puisque l’on a des sentiments forts pour l’enfant et qu’on les lui exprime, cela suffira à son développement. Et quand on dit « amour », on ne se demande pas si l’amour pour l’enfant est un amour comme les autres. On prend pour référence ce que l’on connaît de l’amour en général. C’est-à-dire, en gros, les sentiments.

Alors que l’amour pour l’enfant est un amour particulier ?

C’est un amour tout à fait particulier. Parce que aimer un enfant, c’est aimer quelqu’un que l’on ne possédera jamais complètement. Il y a d’abord l’interdit de l’inceste, on ne possédera pas son corps, mais on ne possédera pas non plus son esprit, parce que son esprit doit trouver ses voies à lui. Et puis surtout, on l’aime pour qu’il nous quitte. Ce qui est la différence absolument essentielle avec l’amour entre adultes. On n’ira jamais penser qu’il est normal qu’un mari nous quitte, qu’un amant nous quitte, qu’une femme nous quitte, alors qu’un enfant, on l’aime, on lui donne tout et plus que tout… pour qu’il nous quitte. Et ce n’est pas naturel pour les parents, cela demande tout un travail.
Donc l’amour, bien sûr, est fondamental : si l’on n’a pas été aimé de son père et de sa mère, on peut errer sa vie entière à la recherche de ce qui pourrait combler ce manque, mais cela ne suffit pas. Et ça suffit d’autant moins que l’amour parental implique un devoir d’éducation.

Ce devoir d’éducation vous semble manquer plus aujourd’hui qu’hier ?

Oui, parce que quand on réduit l’amour parental à des sentiments, on oublie la construction de l’enfant. Un enfant se construit, et le facteur essentiel de sa construction, c’est l’éducation que lui donnent ses parents. C’est elle qui lui permet de devenir un "civilisé". C’est-à-dire un être qui n’est pas seulement guidé par ses instincts et son bon plaisir. Cela suppose que les parents mettent des limites. C’est souvent difficile pour eux parce qu’ils ont peur que l’enfant souffre. Mais c’est une souffrance indispensable et constructive

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