vendredi 19 mai 2017

livre

Christine Abels-Eber, Pourquoi on nous a séparés ?, Érès, 2006
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Quand les familles sont manquantes dans leur rôle éducatif, l’État se doit d’intervenir, d’assurer le relais. L’institution du placement répond à cette obligation. Elle se veut salvatrice, mais elle ne va pas sans poser de problème. Dans un placement sont impliqués l’enfant ou l’adolescent, la famille, les intervenants sociaux, le juge pour enfants, l’ASE (Aide sociale à l’enfance), la famille d’accueil (agréée et rémunérée) ou une institution. La situation se présente différemment selon que le placement est demandé par la famille ou imposé par le juge à la suite d’un signalement. Quoi qu’il en soit, on ne peut éviter qu’il ne constitue une blessure qui affectera l’enfant. L’image parentale se trouve dégradée. La mère, plus spécialement, se voit stigmatisée comme “mauvaise mère”. L’enfant lui-même est écartelé entre l’affection qu’il continue à avoir pour les siens et la culpabilité qu’il risque de ressentir en pensant qu’il est pour quelque chose dans le “désastre”. Tel petit garçon refusera le dialogue avec l’intervenant social de peur d’assombrir encore l’image qu’il suppose plutôt noire de la famille d’origine. Une mère très agressive refusera d’ouvrir sa porte. Elle n’acceptera pas la décision de placement qu’elle perçoit comme un déni de justice, de ses droits de citoyenne. À tort ou à raison. Mais de toute façon, sa perception doit être prise en compte. Il faut élucider, expliquer sans violence, avec patience. Un placement n’aura valeur thérapeutique que s’il permet à une mère débordée “d’abandonner sa posture d’abandon d’elle-même” ou de victime. De retrouver la conviction, avec l’aide qu’on lui propose, qu’elle peut assumer sa maternité. L’agencement de la chronologie est primordial : bien évaluer à quel moment il sera préférable pour tous les acteurs d’affronter la rupture, ou au contraire le moment où il serait dommageable pour l’enfant de rester chez lui (il faut exclure bien évidemment les cas de violences avérées). Le retour au foyer peut, lui aussi, être un choc pour l’enfant placé. Pendant une période parfois longue, il a dû s’habituer à sa famille d’accueil, à un milieu, à des habitudes et même à un langage nouveaux. Il a souvent joui de plus de confort qu’il n’en avait chez lui. Il a eu deux mères : la génitrice et la nourrice. Même si la seconde ne se pose pas en substitut de la première, comment éviter que n’affleurent des problèmes de fidélité affective ? Le pire serait des hésitations de l’ASE, un parcours chaotique entre foyer et lieux d’accueil qui brouillerait tous les repères.
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L’ouvrage de Christine Abels-Eber met très fort l’accent sur la nécessité d’une communication honnête de part et d’autre. Le travailleur social a certes un pouvoir. Il ne doit pas en user avec un rigorisme moralisateur ou avec un abus d’arguments juridiques. L’enfant placé et la famille ne sont pas des dossiers ou des cas sociaux, mais des êtres à réinsérer dans une existence moins douloureuse. C’est la mission du travail social.

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