samedi 3 mars 2018

le social est malmené.

Éducateurs, gens de valeurs



Le profil des jeunes éducateurs a-t-il changé ? Un demi-siècle après l’apparition du diplôme d’État, dans le contexte nouveau d’un travail social en mutation – en crise –, la question devait être posée.
L’anniversaire s’est fait – un peu trop – discret : les célébrations autour du cinquantenaire de la création du diplôme d’État d’éducateur spécialisé (DEES, apparu en 1967 – voir dossier LS n° 1201) n’ont brillé ni par leur nombre, ni par leur éclat. Ni même par leur enthousiasme. En novembre dernier à Strasbourg, le Conservatoire national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée (Cnahés) a voulu marquer l’événement, sans pouvoir ignorer toutefois le fond de tensions qui le bordait : colère des professionnels dénonçant un paysage dégradé, réarchitecture des diplômes menaçant certaines valeurs initiales, généralisation des appels d’offres et mises en concurrence des structures…
Les jeunes éducateurs, entend-t-on parfois, sont moins engagés et, autrement formatés, ils seraient tenus de devenir des techniciens constamment en mode projet. À la tête des établissements, des associations, voire des instituts de formation, arriveraient de plus en plus massivement des managers du social, prêts à des méthodes plus expéditives pour « rationnaliser » la profession.
Dans ces conditions, que deviennent l’empathie, le souci de l’autre, la disponibilité, la patience, le soutien, l’accompagnement (liste non exhaustive) qui caractérisent le travail social ? Lors d’une journée plaisamment intitulée Le métier d’éducateur spécialisé dans tous ses états, l’IRTS de Lille a lui aussi fêté, le 7 décembre dernier, les cinquante ans du diplôme d’État. Dans sa conférence Les nouveaux éducateurs sont-ils arrivés ?, Alain Vilbrod, professeur de sociologie, passionnait l’auditoire en juxtaposant une recherche récente avec une précédente qu’il avait menée 22 ans auparavant, dénommée Devenir éducateur, une affaire de famille.
Dans cette première enquête, le chercheur avait documenté le « frayage familial » dont cette génération était redevable, ces « modes d’imprégnation, d’incorporation, de dispositions, y compris éthiques, tels qu’ils peuvent être transmis » par la parentèle (au sens large). Dans la seconde étude, les enseignements livrés sur cette nouvelle génération d’éducateurs·trices (taux de féminisation croissant régulièrement, moyenne d’âge autour de 27 ans pour les 1 150 personnes interrogées) sont de fait assez positifs. Les influences familiales observées il y a presque un quart de siècle perdurent, et donc « les façons dont, plus ou moins inconsciemment, des parents s’y sont pris pour produire l’envie, ont peu changé ». Côté valeurs, l’entrelacement « estime de soi/souci de l’autre, base ni plus ni moins de la construction de la confiance » est toujours avancé. Car, énonce-t-il joliment, éducatrices et éducateurs sont « gens de valeurs ». L’idéal social du métier perdure, poursuit l’auteur, « même si, probablement, ces idéaux qui les animent sont plus que jamais délégitimés aux yeux des manageurs »… Le sociologue ne minimise pas pour autant les « idéologies managériales » dont le secteur souffre.
Alain Vilbrod rappelle enfin que « le taux d’attrition, le taux de fuite du métier » est particulièrement faible : l’immense majorité des éducateurs stagiaires exercera durablement son métier, et le taux d’abandon en cours de formation reste faible, oscillant autour de 3 %. Rassurant.

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