mardi 29 août 2017

LOI DU 14 MARS 2016 RELATIVE A LA PROTECTION DE L ENFANCE

À l’automne 2014, le Gouvernement a engagé une réforme de la protection de l’enfance, en concertation avec l’ensemble des acteurs : les professionnels, les élus, mais aussi les enfants et les parents concernés. Ces travaux conduits en étroite collaboration avec les départements chargés de cette politique publique ont permis la construction partagée d’une feuille de route pour la protection de l’enfance composée de
 101 actions. Celle-ci s’articule autour de trois grandes orientations :
•••  une meilleure prise en compte des besoins et des droits de l’enfant ;
•••  l’amélioration du repérage et du suivi des situations de maltraitance, de danger ou de risque de danger ;
•••  le développement de la prévention à tous les âges de l’enfance.
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant constitue le volet législatif de la feuille de route. D’initiative parlementaire, cette loi est aussi le reflet de la volonté de Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, de mobiliser les acteurs concernés et de sortir la protection de l’enfance de l’angle mort des politiques publiques.

 LOI DU 14 MARS 2016  RELATIVE À LA PROTECTION  DE L’ENFANT


Pourquoi une nouvelle loi ?

Les avancées de la loi du 5 mars 2007 La protection de l’enfance a été profondément réformée par la loi du 5 mars 2007 avec trois objectifs : mieux prévenir, mieux repérer et mieux prendre en charge. Le bilan de la mise en œuvre de cette loi en matière de repérage des enfants en danger, réalisé en 2013 par les sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier, témoigne des avancées acquises. Les parlementaires saluent notamment la mise en place par les départements des cellules de recueil, traitement et évaluation des informations préoccupantes (CRIP) et le développement de dispositifs de diversification des modes d’intervention en protection de l’enfance. Mais elles relèvent aussi les difficultés de mise en œuvre de la loi et les axes d’amélioration.
Des progrès à accomplir dans l’intérêt de l’enfant Les constats des sénatrices rejoignent les analyses d’autres rapports récents qui témoignent tous des progrès qui restent à accomplir pour :

 lutter contre les importantes disparités territoriales et le manque de coopération entre les acteurs de la protection de l’enfance ;

 prévenir les situations de maltraitance et mieux protéger les enfants en danger ; ••• 
 éviter les ruptures dans les parcours, notamment en accompagnant les jeunes à la sortie de l’aide sociale à l’enfance ;

 développer la connaissance et l’observation en protection de l’enfance pour accroître les capacités de l’État et des départements à piloter et évaluer l’impact des politiques et dispositifs mis en place depuis 2007.

Une philosophie renouvelée de la protection de l’enfance
Construite à partir d’un socle de valeurs communes tirées de la Convention des droits de l’enfant, la loi du 14 mars 2016 organise un double changement de perspective en affirmant d’une part la nécessité de centrer les interventions sur l’enfant, et d’autre part le rôle de l’État dans la protection des enfants les plus vulnérables. « C’est la Convention des droits de l’enfant qui doit guider nos choix, nous permettre de penser les droits de l’enfant dans la perspective plus large d’un projet de société : l’idée est de construire un environnement bienveillant qui protège et stimule chaque enfant, soutient son développement et son épanouissement. » Laurence Rossignol, Assises du Carrefour national de l’action éducative  en milieu ouvert (CNAEMO), le 23 mars 2016 à Évreux.

Ces avancées se traduisent dès l’article premier de la loi par une nouvelle définition de la protection de l’enfance, centrée sur la prise en compte des besoins de l’enfant.

L’article premier : une philosophie renouvelée de la protection de l’enfance
« La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. « Elle comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. Une permanence téléphonique est assurée au sein des services compétents. « Les modalités de mise en œuvre de ces décisions doivent être adaptées à chaque situation et objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l’enfant, en sa présence, et s’appuyer sur les ressources de la famille et l’environnement de l’enfant. Elles impliquent la prise en compte des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et la mise en œuvre d’actions de soutien adaptées en assurant, le cas échéant, une prise en charge partielle ou totale de l’enfant. Dans tous les cas, l’enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité. « Ces interventions peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. « La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge. […] »
Les deux grands axes de la loi relative à la protection de l’enfant

1.  Mieux prendre en compte les besoins de l’enfant : vers plus de protection et de stabilité dans les parcours de l’enfant et du jeune adulte

2.  Améliorer la gouvernance nationale et locale de protection de l’enfance : pour une politique publique décloisonnée et transversale

1. MIEUX PRENDRE EN COMPTE  LES BESOINS DE L’ENFANT : vers plus de protection et de stabilité  dans les parcours de l’enfant  et du jeune adulte
« Se centrer sur l’enfant, c’est envisager la pluralité de ses besoins, c’est prendre en compte son parcours et les ressources de son environnement. » Laurence Rossignol, Assises du CNAEMO, le 23 mars 2016.
Cette attention portée à l’enfant et les mesures concrètes qui en découlent ne sont évidemment pas contradictoires avec les mesures de soutien aux familles. Au contraire, la meilleure prise en compte des besoins de l’enfant est l’occasion d’une alliance souvent très positive entre les parents et les professionnels.
Développer la prévention à tous les âges de l’enfant La période périnatale est identifiée comme un moment propice où des liens d’attachement forts se développent. C’est dans cette perspective que l’examen prénatal précoce a été inscrit dans le Code de la santé publique (article 31) et que les missions des centres parentaux ont été valorisées dans le Code de l’action sociale et des familles (article 20). Cette loi clarifie aussi le cadre d’intervention de la prévention spécialisée, soulignant ainsi son importance (article 12). Au moment où s’intensifie la lutte contre toutes les formes de décrochage, où de nouvelles menaces pèsent sur les jeunes, les équipes de prévention spécialisée sont une ressource indispensable pour repérer les signes de mal-être et répondre aux besoins des jeunes sur les territoires.
Améliorer le repérage et le suivi des situations de danger  pour pouvoir mieux y répondre La loi prévoit des dispositions contraignantes permettant de clarifier les conditions de saisine de l’autorité judiciaire en l’autorisant dès lors que la gravité de la situation le justifie (article 11) ou encore de fixer un cadre national pour l’évaluation de l’information préoccupante (article 9). Pour améliorer le repérage et le suivi des situations de danger, un médecin référent pour la protection de l’enfance sera aussi désigné dans chaque département pour faciliter les liens entre les professionnels de santé et les services de protection de l’enfance (article 7).
La loi impose par ailleurs une motivation spéciale et un cadre de référence centré sur les besoins de l’enfant pour les visites en présence d’un tiers (article 24). Les retours au domicile des enfants confiés seront aussi mieux encadrés (article 18).
Garantir plus de cohérence et de stabilité dans les parcours des enfants en protection de l’enfance Pour mieux connaître et identifier les besoins et ressources de l’enfant, le contenu du projet pour l’enfant (article 21) et du rapport de situation (article 28) est précisé. Ceux-ci constituent des outils essentiels dans le suivi et l’évaluation des parcours des enfants accompagnés en protection de l’enfance. Dans la même logique, la loi prévoit la révision régulière de la situation des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, en particulier quand ils sont très jeunes, au travers notamment de la mobilisation des commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles (article 26). Il s’agit au travers de diverses dispositions de garantir les regards croisés pour mieux prendre en compte la diversité des situations des enfants accompagnés en protection de l’enfance. La loi ouvre en effet de nouvelles perspectives pour adapter les réponses de protection aux besoins des enfants, par exemple :

 la mobilisation des ressources de leur environnement en sécurisant le recours à des tiers (articles 13 et 30) ;
 
 la prise en compte des situations de délaissement parental pour aménager l’exercice de l’autorité parentale (article 40) ;

•••  la création d’une passerelle entre juge des enfants et juge aux affaires familiales (article 38) ;


 la valorisation du statut de pupille, comme statut protecteur de l’enfant, indépendamment de la construction ou non d’un projet d’adoption (article 34) ;

•••  la sécurisation de l’adoption simple (articles 32-35-36).
Accompagnement vers l’autonomie des jeunes confiés à l’aide sociale  à l’enfance Parmi les ruptures auxquelles sont exposés les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, celle qu’ils vivent à leur majorité est sans doute l’une des plus violentes. C’est pourquoi la loi du 14 mars 2016 met en place un ensemble de dispositions visant à mieux préparer ces jeunes privés de soutien familial à la transition vers l’âge adulte : •  la construction avec le jeune, dès ses 17 ans, d’un projet d’accès à l’autonomie (article 15) ; •  l a poursuite de l’accompagnement pendant l’année scolaire engagée (article 16) ; •  l’obligation pour le préfet, le président de conseil départemental et les autres acteurs intervenant auprès des jeunes de conclure un protocole pour coordonner leurs interventions autour d’un objectif prioritaire : celui de mieux prendre en compte les besoins des jeunes les plus vulnérables et de favoriser leur accès aux dispositifs de droit commun (article 17) ; •  la constitution d’un pécule versé au jeune à ses 18 ans, constitué par le versement de l’allocation de rentrée scolaire sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations (article 19).

2. Améliorer la gouvernance nationale et locale de protection  de l’enfance : pour une politique publique décloisonnée et transversale
«  L’autre changement majeur porté par la loi du 14 mars 2016 tient en effet à la réaffirmation du rôle de l’État en protection de l’enfance, un État partenaire plus qu’un État tutelle, un État garant d’une gouvernance renouvelée. » Laurence Rossignol, Assises du CNAEMO, le 23 mars 2016.
Renforcer le pilotage de la politique de protection de l’enfance  en décloisonnant les interventions À la fois interministérielle et décentralisée, la politique de protection de l’enfance s’appuie sur des logiques partenariales qu’il faut renforcer et faciliter. Les interventions doivent être décloisonnées dès la prévention pour développer une approche concertée des besoins prioritaires sur les territoires, mais aussi pour améliorer l’accompagnement de l’enfant tout au long de son parcours et à la sortie des dispositifs.
Au niveau national, la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) permet un meilleur pilotage de la protection de l’enfance en réunissant l’ensemble des acteurs du champ. Ce conseil interministériel placé auprès du Premier ministre propose au Gouvernement les grandes orientations nationales de la protection de l’enfance, formule des avis et évalue la mise en œuvre des orientations retenues. Il donne une réelle impulsion nationale à cette politique et renforce le rôle de l’État en matière de pilotage, d’animation et de régulation (article 1er).
Au niveau local, l’amélioration de la coordination se traduit par exemple par le renforcement de l’information du préfet en cas de dysfonctionnement dans un établissement compromettant la sécurité des enfants accueillis (article 4), ou encore par la mise en place des protocoles départementaux de prévention (article 2).
Développer la recherche pour adapter la politique de protection  de l’enfance à la réalité des situations et soutenir  les professionnels dans leur pratique Afin d’identifier les besoins des enfants et d’examiner les réponses qui y sont apportées à l’échelle nationale, la loi vient renforcer les missions des observatoires : l’Observatoire national de protection de l’enfance – ONPE (article 6) et les observatoires départementaux de la protection de l’enfance – ODPE (article 3). Cette réforme permet de consolider les coordinations stratégiques et de faciliter la diffusion des savoirs sur les terrains au plus près des professionnels au contact des enfants. Les observatoires départementaux ont désormais le soin de réaliser un bilan annuel des formations dispensées auprès des professionnels de la protection de l’enfance (article 3). Des actions sont aussi identifiées dans la feuille de route pour développer les outils à destination des professionnels, développer les liens entre la recherche et les pratiques de terrain, adapter la formation des acteurs et les organisations institutionnelles aux exigences de la protection de l’enfance.

CONCLUSION
La loi du 14 mars 2016 constitue une nouvelle étape dans la réforme de la protection de l’enfance. Fondée sur les constats formulés par les acteurs durant la concertation lancée par la ministre et enrichie d’un long travail parlementaire, elle vient rénover le cadre d’exercice des missions de protection de l’enfance. Consciente que la mise en œuvre de la loi ne peut se faire sans les professionnels concernés, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, souhaite poursuivre le dialogue entamé à l’automne 2014 pour permettre une meilleure protection des enfants sur l’ensemble du territoire. « L’énergie que nous avons mobilisée collectivement pour améliorer les réponses en protection de l’enfance, leur donner plus de visibilité, n’est en fait qu’un volet d’une ambition plus large, directement inspirée de nos engagements internationaux, celle de porter une stratégie nationale en  faveur de l’enfance, fondée sur le respect et la promotion de ses droits. » Laurence Rossignol, Assises du CNAEMO, le 23 mars 2016.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire