vendredi 6 janvier 2017

document redigé par une association de FA belges



Vous songez à accueillir un  enfant en danger, un enfant privé ou sevré d’une famille dans laquelle il aurait pu s'épanouir.  Vous voulez lui ouvrir votre famille comme un lieu où il pourra réapprendre à grandir, à retrouver la confiance en l'autre et en lui.  Vous voulez partager avec lui votre capacité d'écouter, de comprendre, d'aimer, de donner des repères.   Peut-être avez-vous vécu des situations difficiles qui, à votre avis, vous permettront de mieux comprendre et aider un enfant en souffrance.

Vous vous êtes préparés, ou vous allez le faire, en prenant connaissance des écrits que les instances officielles vous ont destinés. Vous saurez ainsi les rôles des divers intervenants : Service d’Aide à la Jeunesse, Services de Placement  Familial, Juge de la Jeunesse…. Sans doute avez vous  pris connaissance des conditions juridiques, sociales, financières qui régissent  l’accueil familial, grâce à vos contacts préalables avec l’une ou l’autre de ces instances, mais vous auriez aimé rencontrer des « gens de terrain », des familles d’accueil, entendre leurs expériences, partager avec elles vos espoirs et vos appréhensions : c’est ce que nous voulons vous apporter en toute franchise et en toute amitié. 

Reparcourir avec vous  notre cheminement, lent et progressif pour certains, plus inattendu  et surprenant pour d’autres, tel est notre objectif.  

Divers membres de  La Porte Ouverte  (A.S.B.L. regroupant les familles d'accueil de la Fédération Wallonie-Bruxelles) ont souhaité partager avec vous  leurs vécus, parfois même leurs conseils et leurs commentaires. Ceux-ci ont été recensés, regroupés et ordonnés  par cinq familles d’accueil afin de réaliser ensemble cette brochure, en privilégiant leur spontanéité plutôt que la cohérence de l’ensemble. C’est ainsi que chacun a apporté sa contribution à sa manière et dans son style personnel.  La seule cohérence recherchée  a été celle de la chronologie depuis l'éveil de l’idée d’accueillir un enfant  jusqu’à sa majorité, son insertion dans le monde adulte ou son retour vers sa famille d'origine.

Que d’étapes à parcourir, que de joies éphémères ou  profondes, que d’écueils à franchir…   

Lisez donc ces récits de bout en bout pour partager notre expérience parfois difficile à exprimer, et pour vous  rendre compte des obstacles que nous avons rencontrés.  


Comprendre l'accueil

L'accueil, qu'est-ce que c'est ?

Par suite de difficultés non surmontées vécues au sein de sa famille, l'enfant confié en accueil a besoin pendant un certain temps d'une famille – relais pour continuer à grandir dans un climat serein, sécurisant, entouré par des adultes attentifs et chaleureux.

L’accueil se situe donc au point de rencontre :   d’une famille en difficulté telle qu’elle n’est pas en mesure d’assumer son enfant au quotidien ;  d’un enfant en souffrance ;  d’instances officielles estimant qu’une orientation vers une famille d’accueil lui serait bénéfique ;  d’une famille, avec ses richesses et ses limites, désireuse de tendre la main à cet enfant, dans le respect de son histoire et de sa personne, pour lui donner une nouvelle chance.

Bref, accueillir un enfant, c’est :  marquer concrètement sa solidarité envers un enfant en difficulté ;  accueillir tel qu’il est un enfant en souffrance pour l’aider à construire sa propre personnalité et à se socialiser ;  respecter sa famille de naissance et son histoire ;  collaborer avec les intervenants professionnels, leur partager notre connaissance de l’enfant, savoir que nous avons le droit d’être aidés dans notre tâche ;  parfois aussi, c’est se battre pour que les meilleures décisions possibles soient prises pour l’enfant.



 
Accueil et adoption

Ce qui différencie surtout l’accueil de l’adoption c’est que la famille d'accueil prend en charge des enfants qui ne seront pas les siens. Ces enfants en accueil “appartiennent” toujours à leurs parents de naissance (habituellement, ils ne sont pas déchus du droit parental), mais ils sont confiés à la collectivité.   A cause de ce fait, la famille d'accueil a des “comptes à rendre” à plusieurs organismes (service de placement, Juge de la Jeunesse, Service de Protection Judiciaire, Service d'Aide à la Jeunesse, etc.…). Le contrôle exercé par ces différents acteurs sur la famille d'accueil peut donc parfois être ressenti lourdement.

Accueillir ce n’est pas avoir la même autorité sur l'enfant que celle que l’on a vis-à-vis d’un enfant naturel ou adopté.

L'accueil a ses particularités : l'enfant ne porte pas le nom des parents d'accueil; l’enfant vient avec son passé  et ses souffrances; l’enfant est placé par une institution, qui le suit; l’enfant a une mère et un père biologiques, une famille d’origine.

Accueillir un enfant c’est aussi et surtout gérer tout cela au mieux.














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 Les valeurs de l'accueil

L'accueil en famille devrait permettre de rompre l'engrenage qui se répercute bien souvent de génération en génération. C'est un partage d'amour, bien sûr. Mais c'est aussi un partage d'affection, de références et d'autres valeurs.  

L’accueil devrait donner l’occasion à l’enfant de reprendre une évolution positive : plaisir des apprentissages, envie de grandir, joie de vivre, confiance en lui et en autrui, capacité de nouer des relations et de faire des projets…

Le partage de la vie quotidienne avec des parents d’accueil, une fratrie, devrait l’aider à se situer, à s’identifier : à partir de ce «modèle» de relations conjugales, parentales, fraternelles, comment va-t-il se situer pour construire sa propre manière de devenir conjoint, parent, citoyen… ?

Quand l’accueil peut se réaliser en accord et en collaboration avec la famille de naissance, c’est un plus pour l’enfant qui ne sent pas déchiré dans un conflit de loyautés, mais qui a au contraire la « permission » d’aimer ses deux familles.

Quant aux satisfactions de l’accueil pour la famille accueillante, elles sont multiples : ouverture à un univers différent, se sentir utile, développement de l’imagination et la créativité pour faire face aux problèmes, espoir que l’enfant gardera ce qu’il aura reçu pendant son accueil,…


Qui sont ces enfants que l'on accueille ?

Difficile de définir l’enfant que l’on accueille.  De toute façon, il ne correspond pas à l’image un peu idyllique que l’on s’en fait. Il est fréquent qu'il vienne d’une famille très souvent déstructurée, recomposée, avec des repères très flous ; bref, une famille profondément blessée, marginalisée, qui n’a « pas été capable de... »

Souvent, ces enfants vivent déjà séparés de leur famille (pouponnière, institution, famille d’accueil d’urgence,…), soit à la demande de leurs parents, soit en raison d'une décision prise par un professionnel estimant cette solution préférable pour l’enfant. Certains reçoivent peu ou pas de visites de leurs parents et ressentent un abandon.

Ou encore, ils vivent dans leur famille mais n’y grandissent pas bien : un mauvais développement intellectuel et/ou psychomoteur, un repli sur soi, de l’agressivité,


 
troubles du langage, des difficultés d’entrer en relation… peuvent constituer des signes indicateurs de problèmes importants vécus par l’enfant.

Concrètement, ils peuvent avoir été confrontés, dans leur milieu familial, à des problèmes de drogue, de maltraitance physique ou psychologique, d’abus sexuel, de négligence, à des absences répétées et / ou prolongées de leurs parents…

Ces enfants gardent forcément la trace de cette souffrance. Etant donné les ruptures, la discontinuité dans l’attention et les soins prodigués,  ils peuvent connaître des moments d’angoisse très grande où l’important pour la famille d’accueil sera, non pas de parler, mais d’écouter, d’être présente pour contenir l’angoisse (pendant les cauchemars, pour essuyer les larmes,…).

Tous les enfants ne sont pas prêts à entrer en famille d’accueil. Chez certains, la capacité de s’attacher, de créer des liens proches, de faire confiance est si abîmée qu’ils se sentiront mieux en institution car ils y trouveront un plus grand nombre d’adultes entre lesquels évoluer et pourront y nouer des relations plus « à distance ». Les enfants aptes à bénéficier d’un lien affectif durable avec des adultes structurants pourront être confiés à des familles d’accueil.



Jessica vivait chez ses grands - parents depuis l’âge de 6 mois car sa maman n’arrivait pas à assurer les soins indispensables à un bébé. A 3 ans l’assistante sociale s’inquiète : Jessica parle peu et mal, s’agite beaucoup, se débilise ; l’institutrice signale son mutisme, ses peurs, sa difficulté immense à entrer en relation. Plus tard, un bilan psychologique approfondi confirma les l acunes dans la construction de sa personnalité et dans son développement intellectuel, lacunes liées au comportement (inconsciemment) destructeur de son milieu familial. Elle avait pou rtant des possibilités d ‘évolution. C'est à 5 ans qu'elle est arrivée c hez nous. Très lentement, elle s’apprivoise, apprend à faire confiance et à oser dire ce qu’elle pense et désire. Un soutien psychologique intensif est toutefois nécessaire pour l’y aider.








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  Notre Marie a fait le tour de 2 familles qui n’ont pu la garder pour diverses raisons essentiellement caractérielles. Ensuite elle a été placée chez nous par un organisme pour le mois de juillet. Elle a insisté pou r rester encore le mois d’août, et à nouveau au mois de septembre. Nous changions de formule et passions d’un accueil de vacances à un accueil à long terme, avec un autre organisme, bien sûr. Et nous nous sommes lancés sans rien connaître – ou si peu – de sa trajectoire familiale, psychologique et médicale. Au bout de quelques mois, la période de l’idylle était passée ; a commencé alors celle des tests à notre égard. C’est alors que nous avons touché du doigt toutes les sou ffrances qu’avait vécues Marie – s ans que nous en sachions plus. Elle ne savait pas grand - chose non plus. Après les 4 ans passés chez nous, où elle dépensait de plus en plus d’énergie à troubler et à déséquilibrer notre contexte familial, nous avons dû nous séparer d'elle. Elle a fait alor s 3 institutions en 3 ans, toujours pour des raisons caractérielles. A présent, elle vit chez sa maman avec sa demi - sœur, mais c’est diff icile ; cette enfant aura toujours une relation d’agressivité vis - à - vis de la vie qui aura tout bousculé pour elle. Ell e est ce que l’on appelle dans le jargon psychosocial  une « abandonnique ». Même si les choses s’améliorent - elle passe des week - ends ici, à sa demande - , il restera toujours des traces des souffrances passées.









Claire est une enfant qui est arrivée à la pouponnière directement de la clinique où elle est née, parce que ses parents avaient été considérés inaptes à l’élever. Elle avait en effet un frère plus âgé qui avait dû être écarté de sa famille parce qu’il avait été battu par le père. Là dans la pouponnière, pendant les premiers mois, elle s’est att achée à une puéricultrice qui malheureusement n’a pu rester. Elle a vécu ce départ comme un deuxième abandon après celui de ses parents et s’est complètement refe rmée. Pendant un an, elle  n’a plus souri ni parlé. Elle avait arrêté d’évoluer!   Ses parents lui rendaient très peu de visites. Seule sa grand - m ère venait la voir de temps en temps.  C’est alors qu’elle avait 18 mois que le juge de la jeunesse a chargé le service de pl acement  de trouver une solution  pour tenter de casser ce blocage. C’est à ce moment que nous avons été contactés.





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Les chemins de l'accueil

Se porter candidat

Se porter candidat famille d'accueil est généralement pour les familles l’aboutissement d’une réflexion longue et profonde. Ce n’est pas quelque chose que l’on fait à la légère. En effet, s’occuper quotidiennement d’enfants qui ne sont pas les nôtres est une lourde responsabilité. Il faut également prendre en compte l'avis de nos propres enfants, quel que soit leur âge, pour éviter qu'ils se sentent moins aimés, voire sacrifiés pour d'autres, même s'ils sont fortement dans le besoin. Les motivations des familles à avoir des enfants en accueil sont multiples et complexes (vide après le départ de ses enfants, envie de partager son expérience d'éducation, souhait d'une famille plus nombreuse…). Elles ne sont certainement pas toutes purement altruistes, mais, ce qui compte, c'est que cela aboutisse à la candidature d'une famille prête à donner toute son énergie et son amour à un enfant qui en a tant besoin. 


L'impact sur la fratrie

Nous n'insisterons jamais assez sur la réflexion indispensable au sujet de l'impact d'un accueil sur la fratrie.  Le sentiment d'injustice fréquemment rencontré entre frères et sœurs ("tu le préfères!") peut, si on n'y prend garde, être exacerbé par la somme d'efforts réclamée par cet enfant perturbé. Il faudra donc expliquer. Et garder des moments privilégiés avec chacun de ses enfants. Il est important pour l’enfant accueilli de savoir que ses frères et sœurs d’accueil ont des limites, et pour ceux-ci, de pouvoir s’affirmer par rapport à lui. Pour se donner les meilleures chances de réussite, certaines conditions nous paraissent essentielles :  respecter le droit d'aînesse (ne pas accueillir un enfant plus âgé que l'aîné);  ne pas accueillir un enfant du même âge que l'un de siens ("faux jumeaux" avec, à la longue, des rivalités inévitables);  attendre que le dernier-né ait au moins 2 ans pour qu'il ait reçu son "quota" de nursing et d'attention, et pour qu'il soit capable de mettre en mots ses émotions;  attendre que l'enfant accueilli ait construit sa place avant d'envisager une nouvelle naissance, adoption ou accueil.  









 
Dites, avant que je m’installe chez vous, j’voudrais que vous vous mettiez bien d’accord.  Promis ?
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 21 de 56  -  La Porte Ouverte
 


Je m’appelle Arthur et j’ai 22 ans. Laissez - moi vous conter l’histoire de l’accueil telle qu’elle est vécue du côté frère et sœur. Serge est mon aîné et Jean me suit de près dans la chaîne familiale. Papa, maman, Serge, Jean et moi : le tableau familial ne souffre à priori d’aucune faute de ton, de coloris ou d’harmonie. Les jours se passent et les trois frères évoluent dans le cadre rassurant (ennuyant ?) de la normalité. Et puis, allez savoir pourquoi, la génération du dessus commence à parler bizarrement, avec d’autres mots. On nous parle d’une petite sœur ou d’un petit frère un peu part ic u lier qui sera des nôtres, sans être t out à fait le même. Quand on a six ans, un tel discours est intrigant, mais sans plus. Et puis vient le jour où une petite fille s’inséra dans notre famille. Deux ans plus tard, rebelote, un nouvel arrivant défaisait ses b agages. Ces deux intrus qui sont v enus s’incruster dans l’harmonie calme de ma vie d’enfant puis d’adolescent et enfin d’adulte, je n’ai pas réclamé leurs arrivées. Cepe ndant, je n’ai jamais regretté leur présence à nos côtés et encore au moment d’écrire ces quelques mots j’ai le sourire a ux lèvres. Tous les frères et sœurs de (futurs) e nfants accueillis doivent être mis au diapason : une fois passé l’envoûtant sentiment d’exotisme et de nouveauté, le chemin s’avère long et parsemé d’embûches. Et pou rtant, vous avez toutes les raisons d’êtr e impatient. Ce qui cloche avec ces nouveaux venus c’est qu’ils ne pensent pas comme vous, ils ont des comportements et des réa ctions parfois étranges et bizarres. Mais cette différence qui effraie, est celle - là même qui vous permettra d’apprendre et de ga gner en sensibilité et en maturité. Ce frère, cette sœur dont nos parents nous proposent plus ou moins la compagnie nous permettent de voir le monde d’un point de vue différent. Le point de vue de ceux qui n’ont pas eu la chance dont nous jouissons. J’aime rais communiquer à tous les futurs frères et sœurs d’enfants en accueil, ne fût - ce qu’une parcelle de la richesse de mon expérience. Mais cela ne se
 communique pas : cela se vit. Alors n’ayez pas peur : o uvrez grand votre cœur et vivez cette différence spo ntanément. Faites moi confiance, d’ici quinze ans, vous ne regretterez rien.















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Pas facile, un petit frère si différent !  On en apprend chaque jour,  mais côté ambiance,   chez nous, pas de problème !
Snif ! C’est beau la fratrie…
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 22 de 56  -  La Porte Ouverte
 

Mes parents sont à la fois grands - parents et famille d’accueil d’un enfant depuis ses trois mois : un choix qui s’impose à toute une famille et qui suscite différentes réa ctions. Cinq ans plus tard, j’ai maintenant  34 ans et deux fillettes, l’une d’un an de plus et l’autre d’un an de moins que l’enfant accueilli. J’admire mes parents pour leur disponibilité et  leur ouverture aux autres  et je re specte leur choix. Je culpabiliserais d’égoïsme en refusant à cet enfant, à André, la chance de recevoir amour, tendresse, stabilité, équilibre et éducation. Ce dernier point est sensible : est - ce le rôle de grands - parents d’éduquer ? En ont - ils encore la patience et la force ? Leur disponibilité  de grands - parents de mes enfants est aussi sur la balance .Quand il s sont sans enfant, je n’ose pas leur confier les miens pour les laisser profiter de leur « temps libre » bien mérité. Par contre, ils restent jeunes et motivés à faire des activités avec tous leurs petits - enfants. D’autres questions se posent : l’avenir ? L’adolescence ?  S’il arrivait quelque chose à mes parents ? Accueillir André est un fait acquis, mais les séjours occasionnels de sa sœur …?; le flou…; Quelle est la limite ? L’enfant n’a pas encore pris conscience de la différence de milieu entre sa fam ille naturelle et sa famille d’accueil. Va - t - il accepter ce fossé ? Contre qui sera dirigée sa révolte ? Ma famille est entrée dans le système  par l’accueil d’urgence auquel nous avons tout de suite adhéré ensemble. Le glissement de la situation vers un a ccueil à long terme est une décision qui implique toute une famille au sens large. C’est là que je regrette le manque de communication et d’explication de mes parents. J’encourage de telles initiatives dans un climat de transparence pour éviter toutes jalo usies, blessures ou présupposés au sein de la famille et pour que l’enfant reçoive l’amour de toute la f amille.








J’ai envie par moments qu’elle parte car elle détruit la famille, mais je me sens co upable parce qu’elle a déjà vécu tant d ‘échecs.






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Surtout, pas de culpabilité ! Ne dépassons pas nos limites… Restons heureux !  Tout le monde y trouvera son bonheur
Eh, les vieux ! Vous n’êtes pas seuls à accueillir…
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 23 de 56  -  La Porte Ouverte
 

J’avais 16 ans (j’en ai 25 aujourd’hui) quand maman a eu la bonne id ée de nous inscrire en tant que famille d’accueil. Mes grands frères et sœurs ayant quitté la maison, m aman disait : «Nous voilà avec une grande maison vide, pourquoi ne pas la remplir?».  C’est ainsi que de temps à autre nous ouvrîmes nos portes à des enf ants ayant besoin d’un accueil temporaire. Nous en avons vu défiler quelques - uns : des tout petits, des adolescents, des belges, des étrangers,… ; Ce fut à chaque fois avec joie et curiosité que nous leur ouvrîmes nos portes. Bien sûr, chaque accueil ne fu t pas sans difficultés et tous les enfants n’ont pas la même faculté d’adaptation.  Certains vivaient des crises familiales difficiles, d’autres pas. Mais ceux qui nous ont ouvert leur cœur, o ffert leur confiance et leurs rires nous ont appris beaucoup. Ch aque accueil nous fit découvrir un monde, une histoire différente, nous forçant ainsi à sortir de notre p etite bulle bien protégée. Aujourd’hui j’ai un petit frère de plus. Il est arrivé chez nous il y a 5 ans dans un tout petit couffin pour ne plus repart ir. Ses rires et ses colères animent le foyer. C’est vrai qu’il demande beaucoup d’énergie à mes parents et leur donne du fil à retordre mais il est bien vite pardonné quand il me présente à ses c opains en disant : « Tu vois, c’est chouette, hein, quand ma grande sœur est là ».  Il est vrai que je redoute un peu son adolescence, mais ses signes d’affection et sa volonté de faire partie de notre de famille nous montre d’ores et déjà que le challenge à venir en vaut la chandelle. Allez, bon vent !









Le fait d’être frère ou sœur d’accueil ne fait pas perdre l’envie d’avoir des enfants à soi, mais renforce le désir d’avoir une famille solide pour que leurs enfants ne sou ffrent pas comme l’enfant accueilli.














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D’accord, je leur en fais baver ! Mais, faut pas croire :  Ils en ont appris des choses grâce à moi !
Moi, j’aime bien ma sœur…
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 24 de 56  -  La Porte Ouverte
 


J’avais presque 7 ans quand Mélanie, ma petite sœur d’accueil est arrivée et je m’en réjouissais : avec mes frères, je ne partageais pas les mêmes centres d’intérêt et souvent je m’ennuyais. J ’avais juste un peu peur de ne plus être la petite dernière, la seule fille de la famille. Cela me tracassait aussi de savoir qu’elle ne venait peut - être pas pour toujours, qu’elle pourrait retourner dans sa famille. Ce que je ne savais pas, c’est que j’allais devoir faire face à de nombreux chang ements : moins de temp s accordé par mes parents, partage de mes jeux, pleurs pendant la nuit et d’autres choses qui ont changé ma situation. En plus, elle avait un an, elle ne parlait pas et j’ai dû attendre longtemps avant de pouvoir jouer vraiment avec elle ! Malgré tout, cel a s’est amélioré jusqu’à l’arrivée de Jessica, la sœur de Mélanie, 2 ans après.  Et là, rebelote. Mélanie est devenue de plus en plus difficile, jalouse, agressive. Jess ica était très craintive, elle se méfiait de tout le monde sauf de moi et de ma maman, peut - être parce que nous étions allées lui rendre visite dans sa famille avant son arr ivée chez nous. Plus tard, Mélanie a commencé à chaparder dans ma chambre et dans celle des autres, d’abord des petites choses et puis de l’argent  (à ma mère). Alors, qu e penser de l’accueil ? Selon moi, cela a été très difficile au début mais cela s’est vraiment amélioré; j'ai maintenant 13 ans et je suis bien contente qu’elles soient chez nous. Nous jouons ensemble, nous préparons des spectacles de danse ou de cirque, n ous f abriquons en cachette des cadeaux quand c’est la fête ou l’anniversaire de quelqu’un ; nous nous disputons aussi mais c’est la vie ! Parfois, je les aide à écrire à leur famille quand elles le veulent. C’est important de passer des moments, même court s avec nos parents sans l‘enfant accueilli, car il est omniprésent, cherche à être le centre de l’attention. Nous avons aussi le droit de revendiquer des choses pour nous. 














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C’est chouette d’être grande sœur, mais j’ai besoin de souffler de temps en temps…
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 25 de 56  -  La Porte Ouverte
 
En accueil chez nous depuis qu’il est tout petit, Simon a aujourd’hui 15 ans. Jusqu’il y a peu tout se passait sans problème, mais maintenant il passe une adolescence très di fficile. A défaut de bien pouvoir se situer, il accumule les bêtises. De par son compo rtement, il se fait progressivement exclure de tous les groupes sociaux qu’il côtoie (club de foot, scouts, école ...). Toute sa famille d’accueil passe aussi sous les feux nourris de son artillerie. Papa et maman en ont longue ment parlé entre eux et avec nous. Ils ont décidé la fermeté à la fois pour résister à l’assaut et lui servir de point de repère.  Cette relation d’autorité et de crainte n’est toutefois pas favorable à un échange se ntimental constructif, c’est pourquoi en tant que frère d’accueil, j’ai, de ma propre in itiative, pris un rôle de médiateur. J’informe mes parents, je conseille Simon, je lui évite des punitions et j’aplanis les tensions. Je ne le ferai pas toujours, mais ponctuellement je trouve que c’est bien. Cela me rapproche de Simon et de mes parents. Je me sens utile car je sens que je participe à la réussite de l’accueil.




L'accueil au jour le jour

Les difficultés de l'enfant accueilli et les répercussions sur la vie au quotidien

En soi, un enfant est comme un "trou noir" : il possède une énergie sans commune mesure avec sa taille, il avale tout ce qui l'entoure  et il en fera, dans un avenir non déterminé, un nouvel environnement imprévisible par le biais d'une alchimie mystérieuse. 

Que dire alors de ces enfants dont les débuts furent perturbés ? Comme s'il s'agissait pour eux de rattraper le temps perdu, ils mettent une énergie incroyable à être le centre de leur nouvelle famille et veulent en accaparer toutes les ressources, au détriment des autres membres du groupe. On peut supposer que, n’ayant pas bénéficié de l’attention intense, constante et durable dont tout bébé a besoin de la part de ses parents, cet enfant a besoin de repasser par un stade de « collage » constant à ses parents d’accueil (souvent la mère) pour vérifier qu’il est aimé, qu’on ne l’oublie pas, qu’il compte vraiment. Ce passage difficile mais nécessaire lui apprendra à faire confiance à l’adulte et à pouvoir le quitter pour s’intéresser à autre chose, en sachant que cet adulte continue à l’aimer même s’il n’est pas physiquement tout près de lui.



Ils sont confrontés à la différence de nom et de statut. Ils ont un besoin éperdu d'amour, mais paradoxalement, ils vont parfois malmener leur entourage jusqu'à se faire détester et rejeter pour tester leur attachement ("et si je fais ça, vont-ils encore m'aimer?").

De plus, il faut bien constater que la plupart du temps les carences s'additionnent : puisqu'ils sortent souvent d'un milieu défavorisé, les difficultés scolaires viennent parfois s'ajouter aux autres.

Nous pensons que la réussite à l'école n'est pas un facteur essentiel. L'important est de rétablir leur confiance en soi et vis-à-vis de ces nouveaux adultes qui les entourent; de découvrir qu'ils ne sont pas moins que les autres; mais aussi de prendre des responsabilités, de suivre des règles, de reconnaître leur implication dans les choses qui ne vont pas... Bien sûr, l'amélioration des résultats scolaires peut y contribuer, mais il faudra garder constamment à l'esprit qu'il s'agit là d'un moyen et non d'un but… (et donc, pour nous, parents d'accueil, de pouvoir abandonner le rêve "légitime" d'une réussite scolaire).



Dis, pourquoi j’ai pas  le même nom que toi ?
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 37 de 56  -  La Porte Ouverte
 


Xavier est arrivé chez nous à l’âge de 3 ans. Il s’est tout de suite parfaitement adapté. C’était un petit bonhomme charmant, att achant, sans problème. Et puis l’adolescence est arrivée. En deux ans, Xavier a changé complètement d'att itude. Je ne vous énumérerai pas ici les détails, mais vous pouvez tout imaginer, tout, mêm e l’inimaginable, et encore plus. Il se fait volontairement souffrir, détester jusqu’au rejet pur et dur. Il ne conçoit pas d’autres perspectives. Pourquoi? Comment est - ce possible? Que se passe - t - il dans sa tête? Que faut - il faire? Mon épouse et moi - même avons tout essayé. Nous avons consulté des professionnels … Nous sommes à bout de nerf s , excédés. Tous les jours, la tension est permanente, la rupture imminente. On nous dit que vu son âge, cela durera encore deux ans. Tiendrons - nous encore le coup ? Nous avons des connaissances où cela fut une situation similaire. Le mari a dit «  C’est lui ou moi ». Ils ont divorcé. Nous avons d’autres connaissances qui ont tenu bon, mais l’épouse en a vieilli de 15 ans d’un coup. Et nous, comment allions - nous en sortir ? Quelques mois après… Nous avions changé Xavier d’école, le mettant en internat; nous pouvions enfin «sou ffler». Les séparations, programmées, régulières, limitées, Xavier les a très bien gérées. En fait, il se réjouissait même d’être le lundi matin pour pouvoir repartir pour la s emaine. Les week - end restaient assez « hard ». On a vu arriver la Toussaint avec a ppréhension. Et puis on a senti les choses évoluer. Une lueur d’espoir dans la tempête. Il supportait de moins en moins les éducateurs à l’internat. Nos interventions là - bas pour rétablir une certaine justice à ses yeux, le réconfortaient. Progressivement des soudures a ffectives de qualité se sont créées malgré l’éloignement. Les retours en week - end d evenaient de plus en plus une satisfaction partagée. Miracle du ciel, les résultats scolaires sont devenus bons. La spirale tournait dans l’autre sens. Après 2 ans d’internat, Xavier redevient externe. Il s’assagit, s’épanouit. A tel point q u e, m a i n t e n a n t q u e s a s i t u a t i o n le p e r m e t, n o u s e n v i s a g e r o n s p e u t - ê t r e le s d émarches en vue de l’adoption.


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Et dire qu’on était prêts à jeter l’éponge…
 Premiers Pas sur le chemin de l'accueil  –   Page 38 de 56  -  La Porte Ouverte
 
Si un jour un enfant élit domicile chez vous, rappelez-vous toujours qu’il n’est pas et ne sera jamais votre enfant. Cela afin de mieux comprendre que dans son esprit vous n’êtes pas et ne serez jamais ses parents. Il n’a pas demandé à venir chez vous, on a décidé sans lui demander son avis… De cette révolte naîtra ses difficultés d’assumer les règles du quotidien que vous lui imposerez et qu’il appliquera tant bien que mal. Il pensera d’abord: «ils me font ch…». Ensuite, il vous le dira. Vous aurez du mal à le comprendre. Il vous en voudra. Il vous en fera voir jusqu’à enrager. Croyez-nous, il faut être solide pour résister. Il faut non seulement être solide soimême, mais il faut être un couple solide. La fratrie sera également secouée. Dites-vous que s’il vous fait souffrir, c’est parce qu’il souffre lui aussi. Il n’y a pas d’autre solution que de continuer à l’aimer et de prendre patience, et de ne pas s’imaginer qu’accueillir c’est rose tous les jours. Le partage avec d'autres parents d'accueil, tel qu'il se pratique à La Porte Ouverte, peut constituer un soutien important et une source d'idées pour faire face à la situation. 



Lorsque Sophie est arrivée , rien ne semblait si difficile, mais au fur et à mesure que le temps passait, elle prenait non seulement sa place, mais aussi celle des autres membres de la famille; Le "statut" qu'on était heureux de lui offrir la bousculait, les antécédents qu'elle avai t vécus ne la préparaient pas à une place stable. Elle n'était habitée par aucune structure affective et sociale, et donc ne pouvait pas non plus respecter nos "bulles" personnelles. Pas de limites et donc difficultés scolaires et trouble de l'attachement étaient au rendez - vous.  
















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J’en ai marre, marre, marre ! de tout, de vous, de moi… J’vais tout casser !
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LA voici. Enfin, elle est chez nous… Elle a l'air heureux . MON papa, MA maman, MON chien, MA maison. Elle a besoin de posséder des choses à elle. De fait, au home, tout est à tout le monde. La jolie poupée offerte a été découverte nue et dégoûtante dans un coin. Nous avons pu un peu la r econstituer, et, 8 ans après, elle est restée sa poupée fétiche. Mais elle veut aussi continuellement posséder notre attention et tout est bon pour y arriver : se débattre lors des habillages, parler sans arrêt, ne pas entendre quand on lui parle, ennuyer les autres enfants de passage à la maison, etc… Notre patience est mise à rude épreuve. Que faire ? "Comme avec nos enfants" nous répond le service de placement. Alors des petits trucs, des bons points, des menaces de manger seule, le coin, mais surtout so uvent lui dire que nous l'aimons, la féliciter à chaque progrès, beaucoup la câliner, l'embrasser, lui témoigner beaucoup d'attention lorsqu'elle est "sage", se lever quatre à cinq fois la nuit pour la rassurer, instaurer des habitudes très régulières, les rituels d'avant dodo, les mêmes repas aux mêmes heures, lui créer très vite des hobbi es, la sieste tous les jours, le biberon continué longtemps… en fait, tout ce qui peut la ra ssurer, la contenir. Jusqu'en deuxième gardienne, l'illusion : elle suit car elle parle très bien et se met volontiers dans le mouvement. Mais en 3°, c'est très dif ficile. Outre un problème m édical, les différentes ruptures qu'elle a vécues font qu'elle n'a aucune orientation temporelle. Malgré des habitudes de vie très régulières, elle confond matin, midi et soir, et quant aux jours de la semaine, n'en parlons pas! En accord avec le PMS et le service de placement, elle recommence sa 3° gardienne. De fait, cela va un peu mieux. Au bilan suivant, nous apprenons qu'elle a un quotient "limite" et effectivement, tout est difficile : la lecture, l'écriture, mais surtout le calcul. Se rappeler ce qu'on a fait, ce qu'on doit faire, suivre des indications multiples, s'y retrouver dans son plumier, dans ses fardes. Les travaux scolaires prennent deux à trois fois plus de temps et sont souvent inachevés. Mais c'est une petite fi lle volontaire qui termine victorieusement sa 1°, sa 2°, sa 3° primaire, avec des matières non acquises, mais un bagage suffisant pour continuer l'enseignement normal, et les "lots de consolation" (elle chante bien, dessine des hi stoires, fait des imitatio ns, aime le sport) nous font croire en son avenir et en l'utilité de notre travail.






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Une caractéristique commune à de nombreux enfants d'accueil est leur hyperactivité. Plutôt doués pour les jeux physiques et les sports, ils y dépensent beaucoup d'énergie  mais souvent sans discipline ou en ordre dispersé. Ils passent fréquemment d'une activité à une autre  et peuvent ainsi échapper à un effort de concentration dans la durée. En groupe, leur agitation est communicative au point d'atteindre tous les copains / copines et de saboter ainsi le jeu ou la partie de sport qui les réunit. 

Un syndrome courant est le mensonge, par nécessité de prendre une attitude défensive acquise au cours de la confrontation de plusieurs méthodes éducatives dans les milieux que l'enfant a successivement connus:  pouponnière, famille d'origine, institution, famille d'accueil, etc…. Cette habitude de mentir est parfois si constante que l'enfant ne perçoit plus la différence entre le vrai et le faux. Il peut alors devenir mythomane jusqu'à l'âge adulte, une tendance qu'il n'est pas rare de découvrir chez les parents d'origine qui ont fait le même parcours. Dans certains cas le mensonge est une habitude  prise pour couvrir divers petits

larcins dans l'entourage direct, ou même de véritables vols dans les supermarchés, boutiques, à l'école, etc… Mais il ne faudra pas confondre mensonge et manifestation de ce qui est connu sous le nom de "loyautés familiales". De quoi s'agit-il ? Chez l'adulte, la loyauté, qui est une des formes de l'affection, exige notamment du renoncement, du courage ou de l'abnégation lorsqu'elle est mise à mal par d'autres ou par les circonstances de la vie. L'enfant, plus fragile, a beaucoup de peine à vivre simultanément des attachements qui lui paraissent concurrents, notamment à propos de sa famille d'origine et de sa famille d'accueil. Si l'enfant se sent incapable de manifester spontanément son attachement envers plusieurs proches simultanément, il court le risque de subir une dé
Dessin de Michel Demoor 
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pression ou de sombrer dans l'autodestruction. Ou bien, il se défendra peut-être contre cette situation qui le dépasse, en recourant au mensonge, à la manipulation ou au renfermement sur lui-même. Même le refus de communiquer est en soi un message de détresse. L'enfant rencontre une réelle difficulté au niveau de son partage affectif entre deux attachements familiaux. Il est fréquemment obligé de faire un choix impossible. Il pense devoir exclure une famille pour être reconnu par l'autre. Il va aller jusqu'à les monter l'une contre l'autre, négativisant encore l'image des parents d'origine. Parfois, le malaise ira jusqu'aux troubles de santé. Essayer que parents et familles d'accueil ne rentrent pas dans ce jeu de rivalités (composé par l'enfant) permet d'éviter le renforcement de ce jeu, Cet enfant en accueil voudrait être sauvé par et avec ses parents. Il peut en vouloir à ses parents d'accueil d'être là à la place de ses parents ("le bisou, c'est ma maman qui devrait me le donner"). Parfois aussi, inconsciemment, il voudra se porter soignant des douleurs d'enfance vécues par ses parents; cela peut aller jusqu'à demander son retour chez eux parce qu'il veut les consoler, s'en occuper, et non parce que ce retour serait bon pour lui. Que de multisentiments paradoxaux, alors qu'il est retiré de leur garde, pour négligence ou maltraitance ! ! Un long travail sera nécessaire pour accompagner cet enfant partagé. C'est pourquoi il est utile pour tous les protagonistes de connaître la raison réelle du placement. Avant d'intervenir, il faut chercher à comprendre, afin de ne pas ajouter au traumatisme du placement la lourdeur du non-dit. Il est donc opportun que les parents d'origine, les parents d'accueil et l'enfant soient informés mutuellement de ce qu'ils savent et ne savent pas. Ce qui était problématique pourrait peut-être dès lors ne plus l'être. Cela peut permettre à chacun de ne plus être tiraillé par le non-dit, et cela modifierait également la manière de voir leur propre réalité. Il faut savoir reconnaître les signes de souffrance sans les occulter ni les minimiser.














 
Moi, j’veux qu’on m’aime !
Ah, si on avait su !!! On aurait pu…

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8 ans déjà… Les relations avec sa mère restent chaotiques. Depuis longtemps, l'annonce d'une v isite déclenche une tempête de pleurs, de hurlements. Et c'est vrai que la maman, pe rdue dans les problèmes liés à son incompétence, ne fait rien pour arranger les choses. Elle s'absente pendant plusieurs mois, revient en larmes avec des discours dram atique s, et puis passe la visite suivante à parler de ses autres enfants… Le service de Protection Judiciaire, ayant enfin récupéré du personnel, nous convoque après plusieurs années. Dès l'arrivée, Paul se précipite dans les bras de sa maman qui fond en larmes. Pendant toute l'entrevue, il se couche littéralement sur elle, provoquant l'apitoiement de la directrice et de sa déléguée. Paul finit par dire "je veux retourner pour toujours chez maman".  Heureusement, le dossier est très clair et les rapports du servi ce de plac ement bien construits. Les décisions prises sont donc dans la logique du dossier et de l'intérêt de l'enfant et ne nous surprennent pas. Mais nous en sortons perturbés! Après tant de cris et de larmes à l'annonce des v isites, voilà un tout autre Paul, en rupture complète avec ce que nous connaissions. Sans un mot, nous rejoignons la voiture. Sentant notre trouble, il nous dit soudain : "Moi, tout à l'heure, quand maman pleurait et faisait ses grimaces, j'avais envie de rigoler!"… Nous réagissons, et le discours se modifia petit à petit "C'est tonton qui m'a dit que si je ne demandais pas de retourner, j'aurais une baffe!". Et, là, nous nous demandons s'il fabule. Et pourtant, nous connaissons les théories sur les multiples loyautés, nous comprenons que ces enfants sont soumis à des environnements différents, à des adultes qu'ils croient devoir satisfaire et qu'ils en arrivent à prendre le mensonge comme mode de survie… Mais, quand on le vit, quand on s'est battu pour le protéger, quand on a cru qu'il allait enfin être capable de dire à "Madame la Directrice" qu'il en avait marre de ces visites perturbantes… on se sent trompé, trahi, rejeté. Mais, une fois le premier choc passé, comment lui en vouloir ? Après tout, il ne fait que se défendre…       


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J’veux pas faire de peine, moi. Je n’y comprends plus rien. Vous n’êtes jamais d’accord…
J’vous veux pour toute ma vie ! Si je rentre chez maman, on me fichera la paix ?
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Les interactions avec la famille d'accueil

L'arrivée d'un enfant en accueil va bien sûr être une source de joie. Mais aussi une source de tensions avec les frères et sœurs d'accueil qui vont devoir partager l'attention des parents, et aussi pour le couple qui va parfois réagir différemment devant les demandes de l'enfant, devant une moindre disponibilité du conjoint ou d'une plus grande fatigue. D'où l'importance de bien préparer l'accueil avec l'aide du service de placement pour que celui-ci soit vraiment un projet commun. D'autre part, il est possible que nos enfants découvrent à travers la situation de l'enfant accueilli des problèmes dont ils connaissaient à peine l'existence. Ils auront besoin d'être écoutés, de pouvoir dire ce qu'ils ressentent.

Il faut aussi être prêt aux désillusions car l'enfant rêvé n'existe pas. Et l'image du petit enfant éternellement reconnaissant envers ses bienfaiteurs est un mythe! Au contraire, il va demander et demander encore, et il vaut mieux s'attendre, comme chez les autres enfants, à ces petites phrases qui vont nous révolter : "C'est pas juste ! Les autres, ils ont…".

Mais, par contre, il va nous apporter beaucoup de richesses, l'occasion de se dépasser, de retrouver un objectif commun, de réaliser ensemble une goutte d'espoir. 



Pour des raisons différentes, les grands - parents acceptaient mal la présence de Pa uline dans notre famille. Ils ne comprenaient pas notre démarche d'accueil. Cette réa ction négative a encore été renforcée par les difficultés grandissantes que nous avons vécues avec elle. Les frères et sœurs d'accueil qu' elle essayait très souvent de faire punir, avaient besoin de plus en plus de patience, certains finissant même par se d ésintéresser d'elle. Ils devaient prendre du recul. Elle éprouvait des valeurs très i mportantes pour nous par des vols, des mensonges per manents, de la manipulation des gens etc...  Je ne savais plus si nous faisions quelque chose de bien. Elle poussait sans cesse la provocation pour voir jusqu'où on tiendrait. Les claques étaient là. Cela ne me ressemblait plus. Un jour, mon fils m'a dit: « Mamy, jusqu'où vas - tu aller ? Décide - toi: C'est elle ou nous ». Et j'ai choisi. Pauline a dépassé toutes nos limites, c'est pourquoi elle a dû partir.





 
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Vouloir arriver à n’importe quel prix n’est pas la bonne solution. Nous devons aussi nous protéger ainsi que nos enfants.

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Dans l'ensemble, mes contacts de mère, belle - mère, grand - mère, arrière - grand - mère, veuve, sont bons, même s'il y a parfois des incompréhensions. Proche par les joies et soucis partagés, je pressens rapidement leurs tra cas… et m'efforce d'attendre qu'ils m'en parlent. Un jour, ils me disent que de très jeunes enfants vivent dans des homes adaptés parce que leurs parents ne sont pas capables de les éduquer. "Nous allons de temps en temps dans un de ces homes. Peut - être en visagerons - nous de prendre chez nous un de ces petits puisque nos enfants mariés seraient d'accord". M'efforçant au calme, je dis seulement : "A vous de voir, mais les soucis éducatifs vont freiner repos et liberté." "Nous y avons pensé, mais si tu visitai s ces petits…".  De ci de là, j'apprends qu'une petite fille vient parfois chez eux. D'abord quelques heures, puis des journées, des week - ends. Je me sens TRES tiraillée. Oui, je souhaite que cette petite ressente l'affection, d evienne peu à peu importante dans le cœur des papy - mamy de remplacement. En atte ndant, je tremble à l'idée de la première rencontre. Et je "gaffe" tout le temps. He ureusement, les enfants aident… et nous nous en sortons. Est - il possible que mon souhait de vie un peu tranquille pour m es enfants me fasse d evenir un peu égoïste ? Après un parcours de deux ans de prise en charge, cela va mieux, sûrement grâce au véritable accueil du papy, de la mamy. Mais SURTOUT grâce à la fillette elle - même. J'étais seule avec elle dans SA maison. Duran t deux heures, elle s'est appliquée à f abriquer une espèce de petit emballage carton, enveloppé d'un papier. Puis, venant m'embrasser, elle a dit : "C'est à moi, je l'aime. Mais je te le donne parce que tu es ma bonne - maman." C'était son collier de perles colorées… J'en avais les larmes aux yeux. Tout n'est pas rose depuis lors. Mais nous bavardons au téléphone. Et parfois, je l'invite à passer une journée avec moi (peut - être bientôt à dormir une nuit ici). Rire ensemble nous fait grand bien. Et si une rema rque est nécessaire, je la fais, avec m esure j'espère!    


Les obligations et les impuissances de la famille d'accueil

Beaucoup d'entre nous ont connu des moments de découragement ou d'inquiétude  face à leurs obligations ou à leurs impuissances. Lors de l'accueil, nous souhaitons ardemment que l'enfant puisse pleinement jouir du climat stable et affectueux que nous voulons lui offrir, et se défaire progressivement des systèmes négatifs de défense qu'il s'était naturellement construits tels que mutisme, mensonges, chapardages, violence verbale ou physique. Et malgré tout l'amour, même réciproque, qui s'est déve
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loppé, nous devons parfois nous incliner  devant un combat impossible et décevant. Sachons toutefois faire la part des choses et ne pas céder au désappointement: ce nouvel amour parent-enfant reste fondamentalement une expérience positive pour l'enfant ou l'adolescent. Face à toutes les images d'adultes  qui ont blessé son enfance, il saura un jour se souvenir des visages de ceux qui ont cherché humblement (à défaut d'avoir réussi) à l'aimer tel qu'il est, et bâtir sur cette vision une meilleure  ouverture à autrui. On ne peut donc tout réparer d'un passé de manques, de maladresses ou de souffrances, mais on peut toujours faire preuve de ce que nous sommes: des mamans et des papas qui ont élevé un ou plusieurs enfants et qui savent les aimer même révoltés et surtout blessés. Dans certains cas, il peut paraître aberrant de poursuivre les visites dans la famille d'origine, tant les retours sont toujours difficiles. Il se peut même que la famille d'origine ait un mode de vie que nous désapprouvons totalement et qui contraste avec notre rythme de vie familial: horaires du coucher, du lever, des repas, friandises exagérées, sans parler de consommation trop précoce de café, d'alcool ou de tabac, de critiques à notre égard, etc….  Dans d'autres cas, c'est l'enfant qui ne veut plus aller en visite dans la famille d'origine. Etant donné que la finalité du décret de 1991 est principalement orientée vers l'aide à l'enfant dans son milieu de vie et donc vers l'espoir (parfois utopique) d'un retour dans sa famille d'origine, il est difficile de se soustraire aux visites, même lorsque l'enfant les perçoit négativement. S'il importe toujours de bien informer le service de placement de ces développements et d'avoir avec lui une relation de véritable partenariat, il reste indispensable de rester vigilant et de ne pas laisser exposer l'enfant à  un danger immédiat ou plus lointain dans son développement (au risque de s'opposer sur ce point aux instances officielles). Le maintien du contact de l'enfant avec sa famille d'origine, lorsqu'il ne présente pas de danger préoccupant, empêche l'enfant d'idéaliser les parents avec lesquels il ne vit pas  et permet d'éviter bien des déboires à  l'adolescence. Rappelons aussi l’aspect positif des visites lorsqu’un lien affectif réel a pu se maintenir entre parents et enfant ou lorsque ces rencontres aident l’enfant à se construire parce qu’en connaissant ses parents, il comprend mieux sa situation. Cela atténue aussi les conflits de loyauté pour l’enfant. Vous l’aurez compris : tous ces problèmes peuvent généralement être mieux pris en charge dans une relation de confiance et de collaboration entre la famille d’accueil et le service de placement. Les visites du service sont plus fréquentes au début de l'accueil ou en cas de problèmes, sinon une fréquence de trois mois en trois mois est pratique courante. Le service de placement doit informer régulièrement l’instance de placement de l’évolution de la situation  de l’enfant ; il doit notamment rédiger un rapport avant la réunion annuelle d’évaluation, rapport destiné selon le cas au Service d'Aide à la Jeunesse, au Service de Protection Judiciaire ou au Juge de la Jeunesse. Ce rapport sera
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d’autant plus précis que votre partenariat avec le service de placement sera réel, car c’est vous qui partagez la vie quotidienne avec l’enfant. Plus ces informations seront fidèles au vécu de l’enfant, plus les chances seront grandes de prendre des décisions adéquates pour la bonne évolution de cet enfant.



Nous avons deux enfants en accueil, Christian qui a 16 ans et Yves qui en a 14. Christian reçoit (à notre domicile) plus ou moins régulièrement la visite de sa maman biologique. Nous constatons en fait que si elle vient en visite, c’est plus l’occasion pour elle de faire une petite sortie que réellement pour voir son fils. Elle vient boire son petit café et regarder la TV. Ces visites ont toutefois permis à Christian de mieux connaître sa mère natu relle, ses limites ... A l’issue de la dernière visite, il nous a dit   " Elle est vraiment grossière et elle ne doit pas se laver souvent !"  Yves n’a jamais reçu de visite de sa famille naturelle. Au premier abord on pourrait penser que c’est mieux, et p ourtant ... Maintenant qu’il aborde l’adolescence, nous voyons qu’il ne dit rien mais qu’il souffre en silence. Quand il pense à sa maman, il se dit «  Elle ne m’aime pas » ou bien « Qu’ai - je fait pour qu’elle ne m’aime pas ? » ou encore « Je n’en vaux san s doute pas la peine, d’ailleurs je suis nul partout ; à l’école, à la maison ... » Il est en train de se faire une image dans la délinquance, il se noue d’amitié avec des copains peu recommandables ... 



 La fin du placement

L’accueil a un début. Il a aussi une fin. Il y a des fins heureuses et des fins moins heureuses. Les aléas de la vie ne permettent pas de prévoir au départ ni même bien souvent en cours de route, vers quel type de fin on s’achemine. Quelques exemples très brefs illustrent la variété rencontrée :

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Pierre a été adopté par sa famille d’accueil avant même ses 18 ans,
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Joël, 23 ans, habite maintenant avec sa compagne. Ils forment un couple stable et très heureux,
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A 20 ans, André est parti vivre seul, comme il le souhaitait. Il travaille et subvient à ses besoins,
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A 15 ans, Christian est devenu infernal. Nous ne maîtrisions plus la situation qui était devenue ingérable. Nous avons dû nous en séparer. Maintenant il est en inst itution. Il revient occasionnellement nous dire bonjour ,
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Progressivement les contacts de Kevin avec sa famille naturelle se sont normalisés et l’ont épanoui. Ces contacts se sont étendus. Encore quelques semaines et il r etournera définitivement dans sa famille naturelle,
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Le juge de la jeunesse voulait qu’Olivi er retourne dans sa famille naturelle. Cela nous semblait un non sens. Il est retourné. Ce fut un échec. Nous ne reprendrons pas Olivier.

Nous pensons que la crainte d'une hypothétique fin douloureuse ne doit pas empêcher de se lancer dans l’accueil. Accueillir un enfant, parfois pendant des années, l’inviter à créer de nouvelles racines, lui donner de nouveaux repères, cela crée des liens d’attachement importants et réciproques. Un départ est donc forcément toujours douloureux, tant pour l’enfant luimême que pour nous et pour ses frères et sœurs d’accueil. Mais après tout, c’est aussi la finalité de notre rôle parental. Aimer, éduquer et laisser partir. Laisser partir même si à nos yeux ce n’est pas vers un monde plus facile. Quelques années de vie familiale équilibrées sont capitales pour construire l’avenir d’un enfant et justifient a elles seules de s’engager dans l’accueil. L’accueil a cependant sa spécificité : le retour possible en famille d'origine.  Parfois nous sommes d’accord avec la décision de retour en famille d'origine prise par les instances officielles : l’enfant est prêt, désireux de rentrer ; l’évolution de la situation des parents et la qualité des liens noués entre eux et leur enfant nous rassurent quant à l’avenir. Si, de plus, notre relation avec les parents est empreinte de collaboration autour des besoins de l’enfant, nous savons que nous aurons des nouvelles et probablement des contacts.
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 Parfois nous ne sommes pas d’accord : les garanties que nous jugeons indispensables ne sont pas réunies. L’enfant ne souhaite pas ce retour; il revient perturbé des visites dans sa famille d'origine; des faits précis nous font craindre l’échec. Notre devoir est alors d’attirer l’attention des décideurs, de nous faire aider de professionnels psychologues, avocats..., voire de demander l'intervention du Juge de la Jeunesse. Nous devons toutefois garder à l'esprit que nous ne sommes qu'acteurs, pas décideurs. Un enfant accueilli n'est pas notre enfant.  Parfois c’est nous-mêmes qui sommes amenés à mettre fin à l’accueil. Cela peut être le résultat de circonstances extérieures à l’enfant (décès, maladie, divorce, ...) ou à l’attitude de l’enfant accueilli. Il arrive que celui-ci ne s’adapte pas, ait un comportement destructeur envers lui-même ou envers sa famille d’accueil.  Il faut alors établir un bilan objectif, ne pas aller au-delà de nos limites ou celles de nos enfants. Il faut en parler avec le service de placement et rechercher, avec l’aide de celui-ci, la meilleure solution possible pour chacun : internat, institution ou autres. Le service de placement est là aussi pour soutenir l’enfant et sa famille d’accueil dans le choix du changement d’orientation. Il faut accepter de ne pas s’obstiner dans un accueil qui devient destructeur… parce l’enfant vit tout attachement comme menaçant et le rejette… parce qu’un des parents d’accueil désinvestit… parce que nos enfants craquent.... Apprendre le respect à l’enfant en accueil c’est aussi ne pas lui permettre de démolir ceux qui l’aiment.



La fin du place ment est de toute façon une rupture à gérer d'où que vienne la déc ision. Ici c'est nous qui en avions fait le choix. Cela fut d'autant plus difficile qu'elle ne retournait pas chez sa mère mais était placée dans un home. Sa mère ne présentait pas suffisamm ent de sécurité pour la reprendre. Trois ou quatre mois après son départ, elle demandait de revenir. Nous avons choisi l'option « porte ouverte », mais nous ne l'avons plus prise à demeure. Nous restons ainsi sa famille d'accueil. Depuis son départ, elle a encore changé souvent de home, d'école et de pensionnat, mais nous restons un lieu, une référence où elle vient volo ntiers lorsqu'il y a un problème.






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