mercredi 4 janvier 2017

le placement d un enfant

Le placement d’un enfant en foyer ou en famille d’accueil est l’imposition d’un déplacement géographique (d’un lieu à l’autre) et d’un déplacement social (du milieu d’origine vers le milieu d’accueil). Il vient bousculer le quotidien de l’enfant, de sa famille d’origine (un enfant en moins) et – le cas échéant – de la famille d’accueil2 (un enfant en plus).

Les enfants placés

  • 5  Anne Cadoret, Parenté plurielle : anthropologie du placement, Paris, L’Harmattan, 1995.
3Le parcours des « enfants placés » est marqué par la continuité et la durée : ces enfants ont été placés jeunes (moins de 10 ans), ont connu un lieu de placement familial long et terminent (ou ont terminé) leur parcours dans le même lieu d’accueil. Intégré dans un autre fonctionnement familial que celui de son milieu d’origine, assuré de la continuité de la prise en charge, investi des aspirations de son lieu d’accueil – il s’agit exclusivement de placements familiaux –, l’enfant développe un parcours de placement qu’il juge de manière positive. Les parents existent mais les liens ont fluctué au cours du parcours et même s’ils persistent, les liens du quotidien ont pris le pas sur les liens du sang et les liens de droit, sans pour autant se substituer les uns aux autres. Le placement a permis de construire ce qu’ Anne Cadoret nomme la parenté d’accueil5.

Les enfants déplacés

  • 6  Michel Giraud, « Le travail psychosocial des enfants placés », Déviance et Société 2005/4, vol. 29 (...)
4Les « enfants déplacés » sont ceux qui ont connu plusieurs lieux d’accueil sans retour au domicile familial. L’enfant investit a minima le placement parce que les conditions de son accueil ne sont pas pérennes. L’épuisement et la peur de créer des liens qui peuvent se voir fragilisés par une rupture font que l’enfant protégé par le placement se retrouve dans une situation où la sécurité n’est pas forcément plus acquise que dans son milieu d’origine. De manière symbolique, l’enfant semble avoir perdu sa place. Michel Giraud6 parle de « déterritorialisation » de soi, des enfants en quête de liens et de lieux de vie improbables.

Les enfants re-placés

5Les « enfants re-placés » sont ceux qui ont connu un enchaînement de mesures interrompu par un (ou des) retour(s) au domicile familial. L’enfant existe dans un entre-deux, entre le domicile de ses parents et le placement, dans un mouvement d’aller-retour, une forme de « garde alternée ». L’enfant s’inscrit dans la continuité familiale et il est assuré que « son chez lui » est chez ses parents. La mesure de protection, même si elle concerne nominativement le mineur est une négociation permanente entre les différents acteurs, un jeu à trois où enfant, parent(s) et professionnel(s) se reconnaissent un rôle, une place.
Nous avons tenté d’évaluer la répartition de la population d’enquête sur dossiers au sein des trois types de parcours. Pour cela nous avons été contraint de réduire la dimension « idéale » de ces parcours à certains indicateurs quantitatifs. Nous avons d’abord cherché à isoler le parcours des « enfants placés » (36 %), c’est-à-dire ceux qui ont été pris en charge précocement (moins de dix ans), qui ont connu un nombre de lieux d’accueil restreint (1 ou 2 lieu[x] d’accueil) et au moins un accueil en famille d’accueil sans retour au domicile familial. Nous avons fait le même travail pour le parcours des « enfants déplacés » (19 %), c’est-à-dire ceux qui ont connu un nombre de lieux d’accueil important (3 ou 4 lieux ou plus) et des déplacements favorisant la diversification des types de lieu d’accueil (famille d’accueil, établissement ou autres lieux) sans retour au domicile familial. Enfin, nous avons créé la catégorie de parcours des « enfants re-placés » (29 %) pour ceux qui ont connu au moins un retour au domicile familial. Une partie de la population ne correspond à aucun de ces trois recodages : ceux qui sont arrivés tardivement dans le placement, qui ont une durée de placement courte et qui séjournent dans un nombre de lieu d’accueil restreint. Cette catégorie de parcours a été nommée : « les pseudos-placés » (13 %). Liée au fait que l’enquête s’intéresse à des parcours en cours de construction, l’autre difficulté est qu’elle ne prend pas en compte le parcours de placement dans son ensemble mais ce qu’il a donné à voir jusqu’à la date de l’enquête. Les proportions que nous présentons sont donc à replacer dans ce contexte d’enquête.
  • 7  Erving Goffman, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, coll (...)
6Ces idéaux-types de parcours sont toutefois d’abord un instrument de connaissance pour approcher la complexité de la réalité sociale. Ils sont utilisés dans cet article pour apporter dans les extraits d’entretien des éléments de contexte sur les parcours et pour appréhender plus finement le champ des possibles dans les parcours relatifs au placement.
Il faut cependant préciser que nous n’allons pas lire le champ des possibles à partir des singularités de chacun de ces parcours d’enfants placés. Nous allons plutôt chercher à mettre en évidence les étapes, les passages obligés du placement et les modifications corrélatives dans la perception du parcours pour les acteurs mobilisés. Nous nous saisissons ici du concept de carrière morale tel qu’il est défini et utilisé par Erving Goffman : « On néglige les simples événements pour s’attacher aux modifications durables, assez importantes pour être considérées comme fondamentales et communes à tous les membres d’une catégorie sociale, même si elles affectent séparément chacun d’entre eux7. »

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