mercredi 12 octobre 2016

La Gazette L’Enfant et sa famille d’accueil
Le besoin d’attachement de l’enfant placé en famille d’accueil.

Comment accueillir ce besoin de l’enfant dans cette relation triangulaire qui le relie à sa famille naturelle et à sa famille d’accueil ?

L’attachement est l’un des besoins innés et primaires du jeune pour entrer en relation avec autrui et lui permettre de développer ses valeurs intrinsèques vis-à-vis de la société. L’enfant nait social, il possède toutes les compétences pour entrer en relation avec le monde, c’est avec une ou plusieurs personnes significatives qu’il va se construire et se sentir plus ou moins en sécurité suivant la façon dont celles-ci répondent à ses besoins et sollicitations. L’enfant tisse des liens privilégiés avec la personne qui prend soin de lui et qui répond de façon cohérente à ses sollicitations. Sa mère biologique est la principale figure d’attachement toutefois ce rôle peut être tenu par toute autre personne. Dans le placement familial, l’assistant familial représente une figure d’attachement en participant à la sécurisation de l’enfant.

Des études ont relevé l’importance des représentations d’attachement de l’assistant familial. En effet, les Assistants Familiaux possédant eux-mêmes des représentations d’attachement sécurisés auraient en accueil des enfants davantage sécurisés. Nous constatons, malgré l’incertitude de leur lieu de vie dans un futur proche, que l’enfant vit dans une famille d’accueil peut s’autoriser à s’investir affectivement.

L’assistant familial, en tant que professionnel, a pour mission de répondre aux besoins de l’enfant accueilli, qu’ils soient éducatifs et affectifs. L’assistant familial représente une figure d’attachement potentielle, sécure pour l’enfant, rôle qu’il est nécessaire d’assumer et d’endosser n’entachant en rien notre professionnalisme. Etre famille d’accueil, c’est s’investir, s’engager affectivement et durablement. L’enfant a besoin d’une relation cohérente et sécurisante, mais aussi de tendresse. L’enfant accueilli trouvera alors, chez l’assistant familial, équilibre, sécurité, attention, écoute. Il va falloir apprivoiser l’enfant pour construire une relation de confiance, et c’est bien au sein de la famille et au quotidien que tout se joue, quotidien qui est fait de mille petits riens auquel toute la famille d’accueil participe. Tous ces gestes de la vie quotidienne dispensés alors avec affection et régularité, l’accompagnement au jour le jour a pour objectif de prendre soin de l’enfant accueilli. A travers la place que lui fait la famille d’accueil et le regard qu’elle porte sur lui, des liens se tisseront. L’assistant familial va engager l’enfant accueilli dans une relation d’attachement si celui-ci se le permet et s’en saisit.
C’est aussi cette continuité de l’accueil, 24h sur 24, qui favorisera cet attachement et la sécurité affective de l’enfant qui arrive souvent avec des « bagages très lourds ».

L’assistant familial devient alors réellement un acteur du soin indispensable pour l’enfant. Il va alors avoir une fonction de « caregiver alternatif » auprès de l’enfant confié, c'est-à-dire, qu’il lui apportera les soins nécessaires en complément ou en alternance avec un autre donneur de soin, souvent un parent. Il faudra créer une relation sécurisante dispensées avec affection et régularité sans exclure, ni nier l’importance des parents sur le bien être de l’enfant.

Quand cela demeure possible, il sera essentiel, idéal, vital de maintenir le lien avec les parents pour l’enfant et les associer au placement et au projet de leur enfant. On ne peut pas ignorer la difficulté et la problématique du partage affectif de l’enfant qui se trouve pris entre l’assistant familial et ses parents confrontés à l’attachement que porte l’enfant à la famille d’accueil. Cette rivalité d’entacher les relations que peuvent entretenir la famille d’accueil et la famille naturelle. Dans l’absolu est que les rapports parents-assistant familial soient de bonne qualité. L’assistant familial devra alors être vigilant et donner une image positive du parent pour influencer le bon développement de l’enfant.

Au fil du temps, des liens affectifs se seront tissés entre l’enfant et sa famille d’accueil et c’est l’enfant au cœur de cet enjeu, qui va être partagé entre l’amour de ses parents et de sa famille d’accueil. Il se créé alors une problématique du double attachement qui est difficile pour lui de vivre et peut entrainer des réactions psychiques (culpabilité-déni-clivage) et générer en lui de gros conflits de loyauté, comparaison, rivalité  et confusion. Cela pourra se traduire par de l’agressivité, de l’indifférence, de la colère ou des démonstrations et interpréter qu’une famille est « bonne » ou « mauvaise ».

C’est pourquoi, tout au long du placement, le travail d’équipe et une collaboration étroite du service d’accueil familial et l’assistant familial sont incontournables ainsi que les formations.

L’assistant familial a besoin d’être aidé et soutenu sur le sens des comportements parfois déroutants des enfants afin de maintenir ce lien d’attachement. Le développement socio-éducatif de l’enfant dépend des différents acteurs impliqués dans la mesure de l’accueil.

Dans la pratique actuelle, la famille d’accueil doit toujours se préparer er préparer l’enfant à son départ ou à rejoindre sa famille, moment vécu très douloureusement de part et d’autre.

A l’occasion de vacances, l’enfant pourra progressivement partir en relais, colonie, Gîte d’enfants afin de faire l’expérience d’une nouvelle séparation et d’un autre attachement. Le départ souvent définitif sera difficile mais malgré tous, les liens créés au fil du temps du placement laisseront une trace. Ces liens et cette tranche de vie vont l’aider à construire son identité, il faudra lui permettre de conserver cette plus value en maintenant les liens de façon régulière, donner des nouvelles, se revoir sera l’essentiel. L’enfant pourra alors se construire, s’ouvrir sur l’extérieur et devenir autonome.

On pourrait néanmoins s’interroger sur la pertinence à renvoyer les enfants dans leur famille.

Des études montrent que pour éviter la rupture des liens d’attachement et les troubles qui suivent de telles ruptures, il serait préférable de maintenir l’enfant sur du long terme dans un foyer d’accueil où celui-ci a développé des liens d’attachements extrêmement significatifs surtout lorsque les familles maltraitantes n’ont pas fait de progrès ni développer leurs compétences parentales.

L’expérience clinique nous apprend que les enfants placés en famille d’accueil présentent des retards de développement importants au plan moteur, langagier, des troubles du comportement précoces d’autant plus qu’ils sont soumis à plusieurs placements.

En cas de déplacement de la famille d’accueil vers la famille et à nouveau retour dans une autre famille d’accueil, l’enfant développe une incapacité profonde de créer des liens de confiance avec les adultes.
Nous pouvons penser que le danger majeur est la situation où la figure d’attachement que connaît l’enfant risque de disparaître pour des raisons d’ordre administrative. Il n’en demeure par moins qu’il reste vital et nécessaire pour l’enfant qui retourne en famille de maintenir des liens avec la famille d’accueil. Sinon dépression chronique, rage persistante, comportements antisociaux, pauvre estime de soi et dépendance affective chronique sont les séquelles à long terme.

L’enfant peut développer des attachements multiples, que la fonction d’attachement peut être occupée par un adulte autre que le parent et l’assistant familial peut constituer une figure d’attachement.

Un environnement d’accueil suffisamment contenant, disponible, et fortement impliqué répondra au besoin affectif de l’enfant. Néanmoins plus l’enfant sera placé jeune, plus il développera un attachement sécure avec l’assistant familial.

Il faudrait sérieusement penser à accompagner et intégrer les assistants familiaux aux instances de réflexion et de discussion collectives pour l’intérêt de l’enfant ce qui est loin d’être le cas actuellement, compte tenu des contraintes administratives et budgétaires.

Préparer les jeunes, les accompagner, s’investir à leur départ et reconnaitre les liens tissés avec la famille d’accueil pourra permettre à l’enfant de multiplier ses ressources en matière de lien et développer des attachements sécures et multiples. L’enfant pourra alors s’intéresser socialement à condition de permettre à l’assistant familial ou à des travailleurs sociaux de l’accompagner dans son parcours personnel et professionnel au-delà des 18-21 ans.

Intervention de Françoise Moulin-Prévost, secrétaire-adjointe FNAF, lors de la Conférence de la Voix de l’Enfant le 19 novembre 2013.

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