dimanche 30 octobre 2016

le placement familial et la notion de famille d'accueil

Le placement familial se définit par « l’accueil permanent d’un enfant de jour comme de nuit pour quelque durée que ce soit, par une famille rémunérée, qui, pendant toute la durée du placement, assure l’ensemble des soins et l’éducation de l’enfant sans que celui-ci lui appartienne pour autant».

                                                            
Marc Papin, éducateur et parent d’accueil, tente également de définir la notion de placement familial comme le fait « de creuser autour pour dégager les racines ». 

Et dans ce nouveau terreau, cet espace de vie étranger, on prendra soin de mettre un peu de la terre d’origine pour que les racines se souviennent, pour qu’elles s’acclimatent progressivement, se sécurisent et se laissent grandir. En partant toujours de ce que sont déjà ces enfants […]

Christian Allard, responsable d’un placement familial, place l’enfant au centre de la définition du placement. Il s’agit de comprendre le psychisme de l’enfant, afin de l’aider à se développer de façon équilibrée.

Aussi, le placement familial d’un enfant implique une séparation d’avec ses parents. Mais, cette séparation n’est pas un traitement en soi puisque l’enfant conserve les troubles qui résultent des perturbations familiales. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de travailler la relation qui existe entre ces deux acteurs et d’apporter un soutien au développement psychique et social de l’enfant accueilli. Ce suivi doit permettre à la séparation d’être bénéfique et tolérée par l’enfant et par ses parents, grâce à un travail sur les liens parents-enfants. Myriam David, citée par Hana Rottman, pointe cet aspect puisque « le placement familial ne peut être conçu comme une simple mise à distance visant à protéger l’enfant à l’égard d’une situation jugée dangereuse ou nuisible à son développement ». Il doit donc constituer une mesure qui offre, en fonction de la  situation, des interventions cliniques variées et adaptées à la problématique de placement.
En effet, Christian Allard appuie le fait qu’ « il y a placement lorsque qu’il y a dysfonctionnement grave de la parentalité. Donc tout placement doit avoir le souci du soin ».


                                                           

La notion de famille d’accueil

Le terme de famille d’accueil n’est plus exclusivement réservé à l’assistant familial mais à l’ensemble des personnes résidant au domicile de ce dernier. L’entité de la famille d’accueil est désormais décrite comme une dynamique familiale autour de l’assistant familial ; le conjoint ayant une place importante au sein de la famille.

La famille permet de vivre et de s’inscrire dans la vie sociale. Elle est décrite par Christian Allard comme un lieu où on ne peut pas être détruit, et où les relations sont sécurisantes. À ce titre, l’accueil familial est préconisé par rapport aux accueils en institution, notamment pour cette complexité et cette richesse de relations. La famille d’accueil offre donc une place à l’enfant, « un lieu sûr qui protège et qui rassure, [et elle tente de] déployer pour l’enfant des ailes protectrices, éloignant de lui les menaces ».
                                                          


Au sein d’une nouvelle famille qui pourra être tuteur solide, capable de corriger une trajectoire. Leur faire retrouver l’insouciance, les rendre capables de se laisser aimer et d’aimer, de faire bon usage  de l’eau et du soleil disponibles, ces énergies indispensables à leur croissance.

Le but des familles d’accueil est ainsi de fournir un refuge aux enfants en attendant que leurs parents en soient capables. Myriam David met en lumière la générosité, les grandes qualités affectives et une ténacité souvent inaltérable des familles d’accueil, prêtes à supporter les problématiques que l’enfant apporte avec lui. Ces dernières doivent être capables de faire face aux innombrables difficultés, tout en gardant la force et le désir de poursuivre le placement.
Les remises en question font donc partie intégrante du quotidien des familles d’accueil, mais la conviction que ce travail en vaut la peine doit être encouragée malgré les éventuels échecs.

Néanmoins, les familles d’accueil n’ont pas à être des familles « idéales » et « meilleure » que les autres, comme le souligne Myriam David. En effet, « comme toutes les familles, elles sont pleines de richesses et d’imperfections"
, et elles n’ont pas à se substituer aux parents de l’enfant accueilli. Leur mission est uniquement de remplir les principales fonctions permettant le bon développement de l’enfant : assurer sa vie quotidienne, veiller à sa scolarité, à ses loisirs, à le faire bénéficier de traitements dont il a éventuellement besoin et à le soutenir affectueusement. Pour cela, elles doivent créer avec l’enfant une  « relation particulière affective et stable » qui n’aura pas pour objectif de remplacer ou d’entraver les liens parents-enfant ; cette juste place étant particulièrement difficile à trouver.

Être famille d’accueil c’est aussi faire preuve d’un engagement affectif profond, qui atteint la famille dans son intégralité. La dynamique familiale s’en voit très souvent transformée puisque les relations qui régissent la vie du domicile sont chamboulées. En effet, le recrutement de l’assistant familial va engager l’enfant et ce dernier dans une relation d’attachement qui aura des effets sur ces deux acteurs et sur la famille au complet. Le choix de la famille d’accueil en fonction de l’enfant doit donc être particulièrement élaboré. L’équipe de suivi à l’origine de ce choix va se tourner vers l’histoire de la
                                                        

famille, va explorer la représentation qu’elle a de la fonction parentale et analyser sa manière de vivre. Il faut que la famille d’accueil soit capable d’accepter et respecter la souffrance de l’enfant, en composant avec son passé. Ainsi, une particulière adéquation entre capacités et qualités d’accueil d’une part, et problématique de l’enfant d’autre part, doit être recherchée.

Être famille d’accueil est une fonction très particulière. En effet, ce métier n’est encadré par aucun horaire et souvent aucune vacance : c’est un travail quotidien qui nécessite un fort engagement. C’est également un métier sans garantie d’emploi puisque l’enfant peut partir du jour au lendemain et l’arrivée d’un nouvel enfant peut parfois prendre beaucoup de temps ; surtout si la famille d’accueil n’arrive pas à faire le « deuil » de l’enfant précédent. Il est tout de même à noter que certains services se dispensent d’appliquer la règle d’un enfant par famille. Certaines familles d’accueil se retrouvent donc avec plusieurs enfants à leur domicile, ce qui multiplie les difficultés.

Pour conclure cette approche historique et cette présentation de ce qu’est le placement familial, l’ensemble des éléments cités plus hauts montre que la société a pris en compte la gravité des risques pesant sur tout enfant confronté à la dysparentalité en instaurant des systèmes de protection de l’enfance.  Ainsi, l’accueil familial, avec la collaboration active de l’assistant familial et de sa famille, semble constituer un terreau nécessaire à la poursuite du développement de l’enfant dans de meilleures conditions et un socle sur lequel pourra s’appuyer l’équipe en charge du placement pour entreprendre un suivi spécialisé.

La vie au sein d’une autre famille contribue avant tout à maintenir vivante l’affectivité de l’enfant. Comme souligné précédemment, l’enfant est souvent marqué par de grave troubles de l’attachement du fait d’expériences antérieures insécures ou désorganisées.
Dider Houzel parle de « discontinuités ». L’assistant familial, en tant que figure d’attachement secondaire, apportera à l’enfant ce lien sécure, indispensable à son développement psycho-affectif. Cependant, la mesure de placement familial sera bénéfique pour l’enfant à la seule condition que l’équipe de suivi accompagne et travaille en lien avec les différents acteurs : enfant, parents et famille d’accueil.

 Travailler en partenariat est le facteur moteur de la réussite du placement familial. Le travail en équipe permet la prise de distance nécessaire au travail d’élaboration que chacun des acteurs se doit de faire pour éventuellement réorienter ses actions. Comme l’énonce Christian Allard : « la pluri-disciplinarité, c’est la garantie de son efficience.
Le travailleur social, désigné comme le « référent », joue un rôle central dans ce dispositif institutionnel. En effet, il est amené à centraliser et transmettre les informations à ses partenaires concernant la dynamique du placement puisqu’il accompagne l’enfant dans chacune des démarches entreprises. Il importe que l’enfant ne soit pas seul à faire face aux différentes situations du placement souvent douloureuses. Il a besoin du soutien d’un même travailleur social, « témoin régulier et dans la continuité8 ». Grâce à sa présence, l’enfant va pouvoir trouver un lien entre ce qu’il quitte et ce qu’il découvre, entre sa famille d’accueil et sa famille d’origine. De cette manière, il pourra partager avec le travailleur social son éventuelle souffrance. L’attention qui lui sera portée lui évitera d’être submergé, notamment par la peur de perdre les figures parentales auxquelles il est attaché.
Myriam David met un point d’honneur à l’importance qu’une telle relation s’installe entre le travailleur social et l’enfant. 
En conséquence, les parents ont besoin d’être soutenus dans l’exercice de leurs fonctions parentales par l’équipe en charge du placement familial. Ils doivent ressentir qu’on ne leur retire pas froidement leur enfant, mais que la distance engendrée par la séparation peut être bénéfique et qu’elle n’est pas définitive. Cet objectif est particulièrement difficile à atteindre puisque, à chaque occasion, les parents peuvent être assaillis par des angoisses les poussant à vouloir reprendre l’enfant ou, au contraire, à baisser les bras. Or, si les parents acceptent le placement familial, l’enfant aura toutes les chances de l’accepter aussi.

Rendre acteurs les parents est donc un point important lors d’un placement familial ; parents « qui ne sauraient l’être si on se contentait de leur ‘enlever’ leur enfant sans leur expliquer la démarche et sans les accompagner ». Par ce travail de soutien à la parentalité et de recherche de la « bonne distance » évoquée par Hana Rottman, le maintien du lien parents-enfant est favorisé. Ce travail est indispensable pour l’enfant qui a besoin de sentir que l’équipe qui le suit prend ses
                                                         

parents en considération. L’équipe de suivi doit faire savoir à l’enfant qu’elle reconnaît l’importance que ses parents ont pour lui et que ceux-ci ne sont pas laissés à l’abandon.
La stabilité du placement est une exigence puisque c’est sur cette mesure que reposent les soins de l’enfant. Or, elle est menacée tout au long de la démarche par la problématique même de l’enfant et par la capacité ou non des acteurs à travailler ensemble pour y faire face. Chacun des membres de l’équipe de suivi doit donc être au fait de ces éventuelles complications afin de soutenir les efforts de la famille d’accueil, sans en attendre l’impossible. Elle doit l’épauler lorsqu’elle est trop envahie et l’aider à prendre un peu de distance. Ce travail auprès de la famille d’accueil permet de sensibiliser tous les individus à la problématique spécifique de l’enfant qu’ils accueillent. Il faut que l’équipe la forme à l’analyse et à la conduite à tenir face à des signaux comportementaux de l’enfant évoquant des troubles de l’attachement. Les interventions de l’équipe auprès de la famille d’accueil doivent également « viser à ce que cette dernière constitue pour l’enfant un environnement humain où les modalités interactives sont suffisamment chaleureuses, attentionnées et surtout prévisibles ». De la sorte, l’enfant y développera des représentations d’attachement moins insécurisées et moins désorganisées. Ce travail est essentiel pour soutenir dans la durée l’implication de l’assistant familial auprès de l’enfant.

Le métier d’assistant familial se caractérise également par un rôle éducatif. Ce professionnel partage la responsabilité éducative avec son époux/épouse, comme il le fait avec ses propres enfants.  La fonction éducative de l’assistant familial se traduit par un accompagnement au quotidien dans tous les actes de la vie. La difficulté d’une telle mission est de ne pas imposer mais de proposer à l’enfant les modalités éducatives sur lesquelles la famille d’accueil s’appuie. Il faut éviter à ce dernier de se trouver dans une position de trahison
                                                         

par rapport à sa propre famille qui ne lui aura pas enseigné ces mêmes valeurs. Ainsi, bien qu’elles représentent une fonction parentale pour l’enfant, les deux assistantes familiales rencontrées précisent qu’elles donnent à l’enfant une place de neveu ou de nièce. L’assistant familial va former à l’apprentissage des interdits et des limites par l’exercice des fonctions parentales quotidiennes. Pour cela, il est essentiel d’« observer, comprendre, tolérer, tout en posant des limites, supporter les difficultés de l’enfant tout en continuant à l’investir ».
Comme l’énonce Jean Carty, éducateur spécialisé et parent accueillant, il faut accompagner l’enfant dans l’épreuve de ses limites, puisque, pour qu’un enfant grandisse, il lui faut une autorité. L’assistant familial renvoie donc sans cesse à la réalité et ses bornes ; en d’autres termes, la loi. Il dit ‘non’ pour que l’enfant acquière plus de liberté et d’autonomie.

Le métier d’assistant familial s’exerce au domicile de ce dernier. L’enfant accueilli arrive donc dans une famille déjà établie et il est du rôle de l’assistant familial de l’aider à trouver sa place au sein de celle-ci. Pour cela, il ne suffit pas simplement de cohabiter, mais d’admettre l’enfant dans son intimité. En effet, il s’agit de « proposer, voire imposer, à l’enfant le climat familial, sa routine de vie, ses habitudes, ses valeurs » ; ceci constituant un socle nouveau pour l’enfant, s’opposant à ce qu’il vient de quitter. L’enfant doit ainsi s’autoriser à trouver sa place. Pour cela, Madame C. explique qu’elle a toujours fait le choix d’accueillir un enfant plus âgé que son benjamin et plus jeune que son aîné, afin que chaque membre de la fratrie garde sa place. La vie quotidienne au sein de la famille d’accueil constitue une base sécure et enrichissante pour l’enfant, appropriée à l’ensemble de ses besoins. L’assistant familial procure un environnement maternel suppléant « suffisamment bon ». Comme l’énonce Myriam David, cet entourage offre à l’enfant une vie remplie de multiples relations essentielles à son développement social. L’évolution au sein d’une nouvelle famille lui permet d’être dans de bonnes conditions pour s’instruire et entretenir son affectivité. Les relations affectives tissées dans la continuité alimentent la poursuite de son développement et apaisent les rapports avec ses parents. Cependant, offrir une structure familiale à un enfant apportant avec lui toutes ses problématiques antérieures n’est pas chose aisée. La famille d’accueil perçoit la détresse de l’enfant et tente de la soulager en déployant « des trésors d’inventivité ».

                                                           

À travers la satisfaction des besoins psychologiques de l’enfant, les soins corporels, les échanges, les échanges affectifs, le jeu, les apprentissages, la vie partagée, se créent la communication, la relation, le nécessaire attachement d’où rebondit l’élan vital de l’enfant appauvri ou stoppé par une existence carencée.   L’enfant trouve ainsi une place dans un environnement familial qui lui est favorable. La capacité de l’assistant familial et de sa famille à donner à l’enfant un sentiment d’intégration et d’appartenance est indispensable dans sa construction vers une vie d’adulte. Mais, pour cela, l’assistant familial doit être vigilant à la place que l’enfant prend au sein de la famille et aux relations qui se développent entre chacun de ses membres. Le père d’accueil a notamment une place importante. En effet, les enfants accueillis viennent souvent de famille où le père fait gravement défaut par son absence ou son manque d’autorité. La figure masculine et paternelle que représente le père de famille est donc bénéfique pour donner ce cadre qu’ils n’ont jamais eu. Cependant, ces limites données à l’enfant et l’accompagnement au quotidien par la famille d’accueil ne lui suffisent pas pour s’épanouir harmonieusement. Il a également besoin de savoir que ses parents ne sont pas oubliés, qu’ils ne l’ont pas abandonné. La famille d’accueil doit donc établir une relation avec la famille naturelle de l’enfant.


Les rencontres médiatisées

Les rencontres parents-enfant sont le théâtre sur lequel se joue la problématique du placement familial. Elles sont donc un axe principal dans l’accompagnement de cette mesure, même si elles sont le plus souvent « inquiétantes pour la famille d’accueil, pesantes pour l’équipe et décevantes pour l’enfant ».

Les rencontres médiatisées caractérisent un travail sur le lien parents-enfant essentiel pour son développement harmonieux. Ces rencontres permettent à l’enfant de pouvoir maintenir dans la continuité une représentation plus sécure des figures parentales et de construire des expériences positives dans sa relation avec eux. Il s’agit, selon Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l'enfant, ex-professeur associé de psychologie à l'Université et psychanalyste, cité par Marina Colombie, de permettre à ces parents et à ces enfants, de partager, pour la première fois, du plaisir ensemble. De cette manière, les effets négatifs du lien sont limités et « l’enfant apprend à apprivoiser les images terrifiantes qu’il a connu […] et à les dominer ». Cela lui permet de traiter ses angoisses d’abandon et d’élaborer de nouvelles images de ses parents : en les retrouvant en conditions positives, l’enfant fait le deuil des images parentales intériorisées. À contrario, ne plus les voir pourrait figer en lui des images effrayantes. Cependant, ce travail de deuil engendre inévitablement de la souffrance. Ainsi, c’est à l’équipe en charge du placement de faire en sorte que la souffrance qui émane de ces visites ne soit pas destructrice, en accompagnant l’enfant vers un travail d’élaboration.  Du côté des parents, ces visites doivent leur permettre d’entendre les besoins et demandes de leur enfant afin de susciter en eux l’éveil de leur fonction parentale.

La mise en place de visites médiatisées est nécessaire, soit lorsque le comportement des parents est nocif pour l’enfant, soit lorsque les rencontres « réveillent chez lui des traces angoissantes du passé et réactivent des troubles du comportement ».
                                                          

En d’autres termes, l’équipe de suivi a pour rôle d’aménager les rencontres, de veiller à leur organisation et à leur réalisation en fonction des besoins de chacun des acteurs. Mais cette pratique est possible uniquement grâce au travail d’élaboration entre les intervenants unis par la démarche de l’accueil familial. Il est donc primordial d’évaluer les conditions dans lesquelles les rencontres seront profitables et, après propositions et discussions avec parents, enfant et famille d’accueil, de proposer un programme aux contours bien définis.  Le rythme et la durée des visites sont toujours difficiles à évaluer. Des rencontres trop fréquentes peuvent mettre l’enfant sous l’emprise des parents, tandis que des rencontres trop rares peuvent altérer le travail de lien. C’est le juge qui décide du rythme de ces visites en fonction de la problématique familiale. Cette décision peut cependant être réévaluée en fonction du comportement des parents à l’égard de leur enfant et selon la façon dont ce dernier appréhende et vit ces rencontres. Les visites de l’enfant au domicile des parents sont à privilégier, puisqu’elles leurs permettent de se retrouver sur leur propre espace. Mais cette éventualité implique que l’équipe de suivi soit capable de mesurer l’existence d’éventuels dangers. Les visites au sein du centre sont également intéressantes lorsque les parents sont susceptibles de passages à l’acte. Il importe alors que les lieux soient organisés de manière accueillante, facilitant la rencontre et la communication entre parents et enfant. À contrario, les visites dans la famille d’accueil sont déconseillées « en raison des jeux de rivalités qui tendent à s’y jouer et qui deviennent une source de malaise, de menace, et de souffrance pour l’enfant et chacune des deux familles151 ».

Pour Madame D., les rencontres parents-enfant sont très importantes pour maintenir un lien, mais elles peuvent être très mal vécues. L’enfant affiche souvent un certain mal-être après ces rencontres car, d’après elle, il reste parfois seul avec ses parents, face à leur violence verbale. La famille d’accueil vit donc difficilement ces rencontres parents-enfant. L’appréhension d’un retard des parents au rendez-vous, de leur absence ou de leur négligence, renforce souvent l’idée qu’ils sont nocifs pour l’enfant. En effet, il arrive qu’il revienne désorganisé et chamboulé de ces visites et la famille d’accueil va
                                                            
en subir les conséquences. Comme l’énonce Jean Guy Germain, « l’image des parents naturels mauvais constitue alors un élément actif dans le mouvement d’investissement affectif de la famille d’accueil vers l’enfant ». Madame D. a pu constater que ces rencontres houleuses étaient la conséquence d’un cadre mal posé par les professionnels.  Elle conclut que ce travail mal encadré l’a parfois « écœurée » car, bien qu’accompagnée, elle ne se sentait alors pas soutenue.

Malgré un long travail de concertation avec l’équipe de suivi, ces rencontres sont souvent remplies de transgressions et de passages à l’acte : irrégularité des horaires, promesses non tenues ou encore périodes d’abandons sont représentatives de la problématique de placement. Tous ces mouvements ne doivent pas engendrer, dans la mesure de possible, la suppression des visites médiatisées, mais ils doivent être analysés et traités par l’équipe de suivi afin de permettre à l’enfant de les élaborer. 

Comme le met en avant Christian Allard, « [ils] sont bien placés pour savoir qu’aimer est dangereux puisque aimer, c’est pouvoir etre abandonnés".
                                                         

Devant cette agressivité, la famille d’accueil peut se sentir dépassée, envahie et impuissante. Elle peut également avoir peur pour la sécurité de ses propres enfants. Si l’équipe en charge du placement ne soutient pas comme il se doit la famille d’accueil, la situation peut devenir invivable pour chacun des acteurs et les parents accueillants peuvent prendre la décision de ne plus garder l’enfant.

Pour conclure cette partie, il est important de rappeler que la répétition des comportements et des problématiques qui remettent en question à chaque instant la mesure de placement est éreintante. Mais, on sait aujourd’hui que ces relations houleuses font partie de la situation d’un placement familial. Ainsi, le placement d’un enfant en famille d’accueil, parsemé de douloureuses mais nécessaires désillusions chez les accueillants, l’équipe de suivi et les parents, reste d’une valeur inestimable pour l’enfant.


 EUILLET, Séverine. « Quels attachements pour les enfants accueillis ? », Dossier thématique ONED, 2010. 6 p.

MAZERY, Monique et al. « La fonction de famille d’accueil ». L’accueil familial en revue, 1997, n°3. 58 p.

ROTTMAN, Hana. « Cheminer avec Myriam David sur les sentiers du placement familial à la découverte de ses jalons ». Spirale, 2003, n°25. 7 p.

ROTTMAN, Hana. « Le soin aux enfants en accueil familial thérapeutique : dialogue imaginaire avec Myriam David ». Devenir, 2006, vol.18. 5 p.

 Documents numériques   Association Nationale des Placements Familiaux. (page consultée le 15 décembre 2011) <http://www.anpf-asso.fr/>

BAYON, Véronique. « Le placement familial ; difficile équilibre ». Interdépendances, 2008. (page consultée le 20 mars 2012) <http://www.interdependances.org/article/95/Le_placement_familial_Difficile_equilibr e>

Expériences de famille d’accueil et de jeunes accueillis. (page consultée le 03 janvier 2012) <http://www.afu.be/Pages%20HTM/experience.htm>








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